"Ça se met en place difficilement": le laborieux déploiement des autotests dans les lycées

Autotest pour détecter le Covid disponible dans une pharmacie à Brest, le 16 avril 2020 - Fred TANNEAU © 2019 AFP
Leur déploiement avait été annoncé pour le 3 mai pour les personnels des établissements scolaires, et le 10 mai pour les lycéens. Mais les autotests destinés à détecter le Covid-19 ne semblent pas rencontrer le succès espéré. Le 22 avril dernier, le Premier ministre Jean Castex avait annoncé que le gouvernement avait passé commande de 64 millions de ces dispositifs pour les élèves et les personnels de l'Education nationale.
Ces autotests consistent en un test antigénique réalisé par prélèvement nasal à l'aide d'un écouvillon de 3 à 4 centimètres, moins long que celui utilisé lors des tests PCR. Ils promettent un résultat rapide en 15 à 20 minutes. L'objectif est de permettre un plus large dépistage des personnes, même si elles ne présentent aucun symptôme ou n'ont pas été en contact avec une personne porteuse du virus.
En avril, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer avait promis un autotest une fois par semaine pour les lycéens. A ce jour, le compte n'y est pas, car outre les aléas logistiques, les postulants ne semblent pas se bousculer.
Début mai, les syndicats avaient d'ores et déjà dénoncé une logistique difficilement réalisable. Quelques jours après, une erreur avait été signalée dans le mode d'emploi de certains autotests. Bévue depuis corrigée, mais qui a semé le trouble.
Dans un communiqué actualisé le 16 mai, le SNES-FSU, premier syndicat de l'Education nationale, fustigeait la cacophonie, "après les livraisons en retard, aussi bien pour les personnels que pour les élèves". Le communiqué pointe également les erreurs de notices, la "grande débrouille et système D" pour déterminer qui doit se faire prioritairement tester en raison de "la pénurie d'autotests pour les personnels" car "très peu ont été livrés", affirme le syndicat.
"Les autotests ont mis beaucoup de temps à arriver", regrette auprès de BFMTV.com Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du SNES-FSU.
A leur arrivée, ils n'étaient "pas en nombre suffisant pour tous les adultes" et les élèves, corrobore-t-elle, citant également des problèmes de notice mais aussi de conditionnement. "Moi par exemple, je n'avais toujours pas reçu d'autotest dans mon lycée en début de semaine", indique l'enseignante.
Sophie Vénétitay évoque également des problèmes de logistique et d'organisation une fois les tests arrivés, qui "entravent le déploiement des autotests".
"Le ministère tenait à ce que ça soit effectué dans les établissements et pas à domicile, donc il y une nécessité de surveiller" les élèves qui les utilisent, ajoute-t-elle, et donc de mobiliser des espaces et des personnels. "Il y a des organisations qui sont mises en place, mais ça se met en place difficilement, il y a parfois des salles dédiées. Très honnêtement, on a eu assez peu de retours d'établissements où c'était vraiment mis en place."
Outre ces écueils, la représentante syndicale signale un problème de communication: "On a encore des questions d'élèves qui disent 'à quoi ça sert?'".
"Pour que les tests fonctionnent, il faut qu'il y ait une véritable pédagogie, quel est leur intérêt, et tout ça n'a pas vraiment été expliqué. Même publiquement il n'y a pas eu de grande campagne publique sur les autotests des jeunes, regrette-t-elle.
Faible taux d'adhésion
Pour qu'un élève mineur puisse utiliser un autotest, la famille doit donner son accord.
"Force est de constater que les élèves et les familles ne sont pas au rendez-vous. On est sur un taux d'adhésion qui est en général inférieur à 10%", a regretté Bruno Bobkiewicz du SNPDEN-Unsa (directeurs d'établissements) et proviseur de la cité scolaire Berlioz de Vincennes (Val-de-Marne), sur RTL ce jeudi matin.
Pour expliquer ce désamour, plusieurs pistes sont avancées. Auprès de l'AFP, Isabelle Gadroy, infirmière à la cité scolaire Delambre-Montaigne à Amiens (Somme), évoque entre autres des appréhensions des élèves.
"Le système d'écouvillon leur fait peur, certains ont l'expérience du test PCR où il monte plus haut dans le nez", analyse-t-elle. La lassitude des jeunes vis-à-vis des différents protocoles sanitaires est également avancée.
"On sent qu'on a un travail à faire auprès des familles pour expliquer ces autotests et l'intérêt qu'ils présentent dans la lutte contre le virus", note de son côté Raphaël Muller, recteur de l'académie d'Amiens, en visite dans cette même cité scolaire, également cité par l'AFP.
"On est sur une période où quasiment chaque lycéen a un enjeu important: passage en classe supérieure ou des examens sur cette fin d'année. Les élèves ont envie d'être présents et n'ont pas envie de prendre le risque d'un éventuel résultat positif qui entraînerait une éviction", a fait valoir ce jeudi, cette fois-ci sur France Info , Bruno Bobkiewicz.
Aussi, le proviseur pointe "la logique collective", qui fait que la positivité d'un élève "entraîne avec (soi) l'intégralité de (sa) classe". "Ensuite on est sur une période où objectivement le virus recule et à chaque fois que les chiffres baissent on observe qu'il y a moins d'envie de se faire tester", analyse Bruno Bobkiewicz.
Concernant les enseignants, Bruno Bobkiewicz estime que "cela marche un peu plus (que chez les élèves), mais pas de façon aussi spectaculaire qu'on aurait pu l'imaginer".
Le proviseur dénote la couverture vaccinale de plus en plus forte au sein du corps enseignant, qui induit un sentiment de protection plus grand, ainsi qu'une "réticence quant à la fiabilité de ces autotests, puisqu'à chaque fois qu'on est testé positif, il faut aller passer un PCR".