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Parti socialiste

Pourquoi Emmanuel Macron agace-t-il autant la gauche?

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Apprécié par l'opinion publique, le ministre de l'Economie agace au contraire dans ses propres rangs. Explications en cinq morceaux choisis.

On présente désormais Emmanuel Macron comme le Premier ministre alternatif, tant les tensions avec Manuel Valls s'accumulent. Il faut dire que les deux hommes sont tous deux au coude-à-coude dans les sondages comme meilleur candidat potentiel pour la gauche. Si le ministre de l'Economie bénéficie d'un large soutien auprès de l'opinion publique, son parcours et ses prises de position passent mal auprès de ses collègues socialistes. D'autant que l'intéressé le revendique lui-même: "Non, je ne suis pas encarté au Parti socialiste", assumait-il en février dernier sur RMC.

35 heures, fonctionnaires, théories économiques... les sujets sont nombreux sur lesquels l'ex-banquier d'affaires, nommé à Bercy en août 2014, a créé la polémique dans les rangs de la gauche. Retour sur le parcours d'Emmanuel Macron en cinq sorties qui ont hérissé sa famille politique.

> 6 janvier 2015 - "Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires"

Ce jour-là, le ministre de l'Economie est en déplacement à Las Vegas, aux Etats-Unis, pour assister au Consumer Electronics Show, la grand-messe du high-tech, où la France est représentée. Il vante les mérites des start-up et la "French tech" quand il déclare:

"L'économie du Net est une économie de superstars. Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires". Immédiatement, c'est l'avalanche de réactions.

Quand Fleur Pellerin, la ministre de la Culture, estime que "le rêve français, ce n'est pas forcément de devenir milliardaire", Gérard Filoche, membre du Bureau national du PS s'insurge. "Macron se démasque, l'homme des milliardaires, déjà que la France en a de trop et trop de pauvres en même temps", raille-t-il. "L'appât du gain, des milliardaires... ce n'est pas tout à fait ma tasse de thé", ironise Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS.

> 27 août 2015 - La gauche "a pu croire à un moment (...) que la France pourrait aller mieux, en travaillant moins"

Un an après avoir été nommé à Bercy, Emmanuel Macron se livre à une attaque en règle contre le temps de travail, et surtout les 35 heures, la réalisation intouchable du PS.

"La gauche n'est pas exempte de critiques particulières", lance le ministre de l'Economie lors de l'université d'été du Medef. "Elle a pu croire à un moment (...) que la France pourrait aller mieux, en travaillant moins. C'était des fausses idées".

Il n'en fallait pas plus pour que Manuel Valls monte au front pour recadrer sévèrement son ministre. "Les Français n'ont rien à faire avec les polémiques qui tirent vers le passé", riposte le Premier ministre. "Il n'y aura pas de remise en cause du temps de travail et des 35 heures." Avant d'en remettre une couche le lendemain: "Le rôle de ceux qui gouvernent est d'apaiser et rassembler et ce qu'il faut, c'est que chacun soit responsable", a-t-il lâché. "Quand on gouverne, chaque mot, chaque attitude, chaque phrase, chaque acte sont importants, nous avons une responsabilité que d'autres n'ont pas."

Emmanuel Macron avait alors tenté de nuancer ses propos, assurant qu'il ne parlait pas des 35 heures "mais du rapport au travail".

> 18 septembre 2015 - Le statut des fonctionnaires n'est plus "adéquat"

Cela devait être une réflexion en "off" en marge d'un débat organisé par le think tank En Temps réel. Alors qu'il répond à des journalistes, Emmanuel Macron glisse que le statut des fonctionnaires n'est plus "adéquat", qu'il n'était "plus justifiable". Un déluge de critiques s'abat alors sur le ministre de l'Economie, quelques jours seulement après sa sortie sur les 35 heures. Les premières viennent du sommet de la République. François Hollande se dit "attaché" au statut des fonctionnaires. "Etre fonctionnaire, ce n'est pas être dans une position figée, ce n'est pas refuser la modernité, être fonctionnaire, c'est, au contraire, être toujours capable d'anticiper, de prévoir et de servir", martèle le chef de l'Etat.

Le principal intéressé avait dû se fendre d'un correctif pour éteindre l'incendie: "A aucun moment je n'ai parlé d'une réforme du statut de la fonction publique que le gouvernement envisagerait". Ce "statut n'est pas remis en cause", déclarait Emmanuel Macron en se défendant de l'habituel: "Les propos partiels rapportés donnent une vision déformée de ma pensée".

> 28 septembre 2015 - "Etre élu est un cursus de l'ancien temps"

Il s'attaque au social et à l'économie mais pas seulement. Lors d'un forum organisé par Le Monde, Emmanuel Macron déclare ne pas vouloir être candidat pour les législatives de 2017. Il insiste même: "Je n'ai jamais voulu être candidat". Selon le compte rendu du quotidien du soir, le ministre a estimé que parvenir à de hautes fonctions par la voie des urnes était "un cursus d'un ancien temps", répondant alors aux critiques qui lui sont régulièrement adressées sur son manque de légitimité. 

Peu importe, a dû se dire Manuel Valls, qui tient ici l'occasion de rappeler à l'ordre le trop encombrant ministre de l'Economie, coqueluche des sondages. "Ce que je sais, c'est que l'expérience d'élu de terrain est irremplaçable. Et nous le voyons ici, qu'ils soient de gauche ou de droite. Parce qu'ils sont confrontés aux mêmes difficultés, aux mêmes problèmes, aux mêmes engagements", a lancé le Premier ministre, rappelant que, lui, avait été maire pendant 11 ans.

> 8 octobre 2015 - Les violences chez Air France sont l'oeuvre de "personnes stupides"

Même outre-Manche, le ministre de l'Economie réussit à créer la polémique. Alors que des violences ont été commises contre des membres de la direction d'Air France en marge d'un comité central exécutif, Emmanuel Macron, interrogé sur la chaîne américaine CNN, qualifie les auteurs de ces actes de "personnes stupides".

"On parle de quelques personnes isolées, extrêmement violentes (...) donc je souhaite être clair: il ne s'agit pas de la France, il s'agit de personnes stupides, et qui seront condamnées pour cela", a précise le ministre dans un anglais parfait.

Après sa sortie sur les "illettrées" de Gad, le ministre de l'Economie aurait dû se méfier des mots choisis. Car cette fois-ci, c'est Ségolène Royal qui le recadre. La ministre de l'Ecologie estime qu'il faut "éviter les mots qui blessent et ne servent pas à la reconstruction d'une solution". "Chercher à opposer les salariés les uns aux autres, ça n’a jamais marché", a-t-elle ajouté, précisant pourtant ne pas vouloir critiquer un ministre.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV