Macron persiste et se pose en Premier ministre alternatif

Emmanuel Macron, Manuel Valls et Myriam El-Khomri le 18 janvier à l'Assemblée. - Yoan Valat - AFP
Depuis quelques semaines, Emmanuel Macron sentait son deuxième projet de loi lui échapper. Le 4 janvier 2016, François Hollande a annoncé que certaines des mesures de la loi du ministre de l'Economie seront finalement incluses dans la loi sur le code du travail, portée par Myriam El-Khomri. Lundi, lors de ses vœux au monde économique, François Hollande a tranché: il n'y aura pas de loi Macron II. Plutôt que l'ancien banquier aux déclarations fracassantes, le chef de l'Etat préfère mettre en valeur une ministre récemment nommée, jeune aussi mais encartée au PS, et étiquetée à gauche.
Emmanuel Macron, lui, ne désarme pas. "Il ne faut pas s'arrêter à un discours de vœux", dit un membre de son cabinet à L'Opinion. Des arbitrages sont toujours en cours à l'Elysée et Matignon, et certaines de ses propositions ont été reprises par le chef de l'Etat lundi. L'ancien conseiller de François Hollande ne veut rien lâcher. Pour lui, toute solution est bonne pour lutter contre le chômage, là où Manuel Valls défend un traitement plus social.
"La gauche, tu vois ce que ça veut dire, Macron?"
Depuis quelques mois, la tension est palpable entre le Premier ministre et son ministre de l'Economie. Le premier voit avec méfiance le second lui faire de l'ombre, et multiplie les attaques. Au petit déjeuner de rentrée, la barbe d'Emmanuel Macron a été remarquée… Et pas seulement par la presse. "Il a eu droit à dix blagues de Valls sur sa barbe et sa 'radicalisation'", confie un ministre à BFMTV. Puis, quand plus tard lors d'une réunion des ministres le mot "gauche" arrive dans la conversation, Manuel Valls apostrophe son ministre: "la gauche, tu vois ce que ça veut dire, Macron?". Ambiance.
Mais Emmanuel Macron préfère feindre de ne pas comprendre. Il prend la parole – et tant pis si nombre de ses sorties, notamment sur les 35 heures ou les fonctionnaires, sont aussitôt recadrées. Il enchaîne les propositions, et pas seulement économiques: après les attentats du 13 novembre, il va jusqu'à affirmer que la société française "porte une part de responsabilité" dans les attentats de 2015. Une phrase qui a particulièrement irrité Manuel Valls.
Peu de membres du gouvernement prennent la peine de le défendre. "Valls est exaspéré" dit une ministre, "mais il faut dire qu'il est objectivement exaspérant. C'est pénible, il essaie de piquer les dossiers de tout le monde". "Il est charmant, délicieux mais il n'est pas très bon camarade", explique une autre. L'un de ses mentors le trouve même "décevant":
"Le soutien de l'opinion, il l'a. Mais concrètement qu'est-ce qu'il en fait? Soit il est convaincu de ce qu'il dit sur les 35h ou les fonctionnaires et il le fait, sinon ça ne sert à rien".
Quand Macron met la pression
Emmanuel Macron pourrait-il démissionner? Ces derniers jours, plusieurs de ses amis ont fait état de ses "doutes". "Je n'y crois pas une seconde", confie une ministre. "Partir maintenant, ça ferait déserteur et pas réformateur."
Et si les doutes du ministre étaient en fait une façon de mettre la pression à l'exécutif?
Fort de sa popularité dans l'opinion, l'ancien conseiller pourrait essayer de récupérer un grand ministère de l'Economie et des finances, à la place de Michel Sapin. Ses proches soulignent également que ses propositions sont toujours discutées entre Matignon et l'Elysée. Emmanuel Macron n'a pas dit son dernier mot.