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Parlement

"Un tripatouillage électoral": pourquoi la réforme du mode de scrutin pour les municipales à Paris, Lyon et Marseille divise les politiques

Le maire de Marseille Benoît Payan et la maire de Paris Anne Hidalgo s'inquiètent de la réforme de la "loi PLM" débattue à l'Assemblée nationale ce lundi 7 avril 2025

Le maire de Marseille Benoît Payan et la maire de Paris Anne Hidalgo s'inquiètent de la réforme de la "loi PLM" débattue à l'Assemblée nationale ce lundi 7 avril 2025 - Geoffroy van der Hasselt / Ludovic Marin / AFP

Débattu à partir de ce lundi 7 avril à l'Assemblée, le changement du mode de scrutin pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille divise la classe politique. Les socialistes parisiens dénoncent "un scandale" tandis que le Rassemblement national (RN) juge que le système actuel "n'est plus tenable". Mais même si la réforme était votée, il n'est pas évident qu'elle bouleverserait les prochaines élections.

Des débats qui s'annoncent très houleux. La réforme du scrutin des élections municipales à Paris, Lyon et Marseille arrive ce lundi 7 avril dans l'hémicycle un an à peine avant les prochaines élections.

Si cette proposition de loi écrite par le député Renaissance Sylvain Maillard est soutenue par les macronistes, le RN et LFI, le reste de la gauche et les LR y sont farouchement opposés.

"Votre réforme serait une régression démocratique", a écrit la maire de Paris Anne Hidalgo dans un courrier adressé au Premier ministre François Bayrou en février.

"Arrangements entre amis"

Son ancien adjoint Emmanuel Grégoire, qui vise l'Hôtel de ville l'année prochaine, a dénoncé "un scandale" qui "sent très fort les arrangements entre amis" en commission des lois le 2 avril dernier.

Situation très rare, les élus de droite ont rejoint les inquiétudes d'une partie de la gauche. Le président Renaissance de la région Paca qui veut présenter sa candidature dans deux mairies de secteur à Marseille, Renaud Muselier, dénonce, lui, "un tripatouillage électoral de certains Parisiens" dans La Tribune Dimanche.

"Le premier signataire de ce texte, Sylvain Maillard, est quelqu'un qui n'a pas réussi à être élu conseiller de Paris la dernière fois. C'est un plaidoyer un peu pathétique : 's'il vous plaît, changez les règles du jeu que je puisse enfin être élu conseiller de Paris'", s'est moqué de son côté le député LR Olivier Marleix en commission.

L'ancien patron des députés de droite a encore dénoncé une proposition "ubuesque" née d'une "petite tambouille sur un petit réchaud".

Des règles qui peuvent aboutir à des anomalies

Depuis 1982, Paris, Lyon et Marseille disposent d'un mode de scrutin particulier. Là où dans toutes les autres communes, les électeurs votent à l'échelle de tout le territoire, les citoyens se prononcent arrondissement par arrondissement ou secteur par secteur dans ces 3 grandes villes.

Concrètement, une partie des conseillers ainsi élus vont siéger au conseil municipal de la ville et élisent le futur maire. Mais la clef de répartition peut parfois aboutir à l'élection d'un édile qui n'est pas forcément celui pour lequel le plus grand nombre d'habitants a voté.

Ce fut par exemple le cas à Marseille en 1983. Le maire socialiste Gaston Defferre a été réélu alors qu'il avait obtenu au second tour 10.000 voix de moins que Jean-Claude Gaudin (LR).

"Pas plus injuste"

"Le système actuel n'est pas tenable. Celui qui fait 45% au second tour dans une triangulaire a 80 % des sièges, celui qui fait 40% a 10%. Il n'y a pas plus injuste", a soutenu le député RN Franck Allissio en commission des lois.

"Ceux qui crient à la magouille, au tripatouillage devraient balayer devant leur porte et réfléchir au nom des principes, et non pas au nom des objectifs électoraux à court terme", a défendu de son côté l'élu LFI Bastien Lachaud.

Si les esprits s'échauffent tant, c'est que la réforme débattue ce lundi dans l'hémicycle pourrait modifier les équilibres politiques dans la cité phocéenne tout comme à Paris ou à Lyon, de façon plus ou moins importante. De quoi susciter des réticences au sein même du gouvernement.

Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, pourtant en charge de l'organisation des élections, est en service minimum. C'est donc le ministre des Relations avec le Parlement Patrick Mignola qui va représenter l'exécutif dans l'hémicycle avec la tâche d'éviter que l'implosion du bloc commun sur le sujet ne saute trop aux yeux.

Une réforme qui ne changerait pas fondamentalement les résultats

À Paris, l'application de la réforme au scrutin de 2020 n'aurait pas changé les résultats. Mais elle aurait permis à Anne Hidalgo d'avoir une majorité encore plus large au conseil de Paris. Dans le camp des macronistes, beaucoup y voient cependant la possibilité de faciliter une éventuelle victoire de Rachida Dati en 2026 alors qu'elle devrait être à nouveau candidate, après sa large défaite en 2020.

Les élus LR de Paris, déjà scindés en 3 groupes d'oppositions distincts sont cependant divisés sur la réforme. Même topo à Lyon où si les règles de ce texte avaient été appliquées en 2020, l'écologiste Grégory Doucet aurait également été élu.

Mais à Marseille, la différence aurait été plus notable. La majorité municipale, aujourd'hui incarnée par Benoît Payan qui défend la réforme, aurait gardé le même nombre de sièges. Mais la droite aurait été vue son nombre d'élus au conseil municipal amputé. Le RN, lui, aurait eu plus d'élus.

Marie-Pierre Bourgeois