Retraites: ces autres commissions mixtes paritaires qui ont été particulièrement scrutées

Montage montrant côte-à-côte l'Assemblée nationale et le Sénat. - AFP
C'est donc à huis clos, loin des caméras et des réseaux sociaux, que se retrouvent ce mercredi sept députés et sept sénateurs, dans le cadre d'une commission mixte paritaire (CMP) qui décidera de l'avenir de la réforme des retraites. Ce type de commission, prévue à l'article 45 de la Constitution, prévoit de réunir des parlementaires en cas de désaccord entre les deux chambres, pour parvenir à un compromis.
Très souvent dégainées pour désamorcer un blocage entre le Palais-Bourbon et le Palais du Luxembourg, ces CMP attirent rarement l'attention, alors que les deux tiers débouchent sur un accord, comme le rappelle le site du Sénat. Mais parfois, car le texte discuté cristallise des tensions qui animent la société, ou car une mésentente profonde divise députés et sénateurs, le voile des conciliabules parlementaires se lève. Retour en trois dates sur des commissions parlementaires qui ont marqué la vie parlementaire.
• 2010. Réforme des retraites de Nicolas Sarkozy
En 2010, le gouvernement de Nicolas Sarkozy décide d'engager une importante réforme des retraites, qui parmi un panel de mesures, entend décaler de 60 à 62 ans l'âge légal minimum de départ, avançant comme justification les effets négatifs de la crise financière de 2008 sur l'économie française.
En première lecture, le texte est adopté le 15 septembre à l'Assemblée nationale, au bout de sept jours de débats. Mais c'est au Sénat que les choses se corsent. Bien décidés à faire échouer la loi, les sénateurs de gauche décident de retarder les débats. Après trois semaines de discussions, le gouvernement décide d'avoir recours au vote bloqué. Arrivé en séance publique le 5 octobre, le texte sera adopté au forceps par la chambre haute le 22 octobre.
Pour déboucher sur un texte commun, sénateurs et députés sont réunis au sein d'une commission mixte paritaire le 25 octobre 2010. Dominée par la droite et le centre, favorable à la réforme, la CMP parvient à s'accorder sur un texte commun. En minorité dans les négociations, la gauche avait néanmoins tenté de pousser le gouvernement de Nicolas Sarkozy à la négociation avec les partenaires sociaux, alors que la France était ralentie par d'importantes manifestations et des blocages dans les raffineries et les lycées.
Marisol Touraine, à l'époque sénatrice socialiste, avait déclaré à l'époque à l'AFP que les élus de gauche allaient déposer un unique amendement pour que le gouvernement engage "immédiatement des négociations avec les partenaires sociaux". Finalement, le texte issu de la CMP sera définitivement adopté par le Sénat le 26 octobre, le 27 par l'Assemblée nationale, et promulguée le 9 novembre 2010.
• 2020. Loi Avia contre la haine en ligne
En 2019, la députée LaREM Laetitia Avia dépose à l'Assemblée nationale une proposition de loi "visant à lutter contre la haine sur internet". Parmi les mesures phares du texte: l'obligation pour les plateformes de supprimer en 24 heures tout contenu haineux, sous peine de se voir infliger de lourdes amendes, pouvant aller jusqu'à 1,25 million d'euros.
Immédiatement, cette mesure crispe aussi bien les républicains que les socialistes, qui craignent que face aux risques qu'ils encourent, Facebook, Twitter ou encore Instagram pratiquent la censure à tout-va pour échapper à toute poursuite.
Malgré ces critiques, l'Assemblée nationale adopte le 9 juillet 2019 le texte. Mais au Sénat, dominé par la droite, la proposition de loi est amputée de sa mesure phare lors de son adoption le 17 décembre de la même année, débouchant sur une commission mixte paritaire convoquée le 18 décembre. Cette dernière se solde par un échec, sénateurs et députés ne parvenant pas à se mettre d'accord.
Comme le rapporte Public Sénat, le sénateur LR Christophe André Frassa avait à l'époque estimé que le texte était "inabouti et pas solide constitutionnellement". Crise sanitaire oblige, la deuxième lecture du texte se tient un an plus tard, en janvier 2020. C'est la version de Laetitia Avia qui est finalement votée par le Parlement, l'Assemblée nationale ayant la primauté sur le Sénat en cas de désaccord persistant entre les deux chambres.
Mais la véritable gifle était venue de la part du Conseil constitutionnel, qui le 18 juin avait vidé de son contenu la loi.
• 2022. La loi instaurant le pass vaccinal
Déposé le 27 décembre 2021 par le gouvernement, le projet de loi "renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique" vise à l'époque à transformer le pass sanitaire en pass vaccinal.
Le texte est adopté par l'Assemblée nationale le 6 janvier 2022, puis par le Sénat le 12 janvier. Mais des divergences importantes existent entre les deux chambres. En première lecture, les sénateurs souhaitent que le pass soit levé si le nombre d'hospitalisations pour Covid-19 passe sous la barre des 10.000. Ils s'opposent également à la vérification d'identité par les restaurateurs.
Une commission mixte paritaire est convoquée le 13 janvier 2022. Après quatre heures d'échanges, les discussions vont dans le bon sens, et les parlementaires sont sur le point de trouver un accord.
Mais alors qu'il se trouve à distance, le sénateur Les Républicains Bruno Retailleau tweete que la CMP "sur le pass vaccinal a donné raison au Sénat, c'est la victoire du bon sens. Les sénateurs ont obtenu de nombreuses clarifications et simplifications".
Résultat? L'accord entre sénateurs et députés est annulé, les membres de la majorité estimant que Bruno Retailleau a violé le principe de huis clos des commissions mixtes paritaires en dévoilant la teneur des débats sur les réseaux sociaux. Bruno Retailleau avait reconnu que "sans doute, le tweet est parti trop vite", tout en ajoutant qu'il ne regrettait "rien". "C'est totalement disproportionné". L'Assemblée nationale avait donc finalement eu le dernier mot sur ce texte, promulgué le 22 janvier 2022.