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"Mais vous êtes sérieux?": la colère d'Estelle Youssouffa contre LFI en plein débat sur Mayotte à l'Assemblée

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En plein hémicycle ce 6 février, la députée mahoraise Estelle Youssouffa a vivement tancé ses collègues insoumis Raphaël Arnault et Sébastien Delogu, qui lui reprochaient de ne pas avoir voté la censure pour "obtenir les moyens nécessaires" à la reconstruction de Mayotte.

Des échanges sous très haute tension presque deux mois après le passage du cyclone Chido qui a dévasté Mayotte en décembre. En pleine niche parlementaire des députés LR qui ont ce jeudi la main sur les débats à l'Assemblée nationale, la proposition de loi soutenue par les députés de Laurent Wauquiez pour durcir le droit du sol à Mayotte a échauffé les esprits.

D'un côté de l'hémicycle, la droite, accompagnée par le Rassemblement national et la macronie qui soutiennent ce texte. De l'autre, la gauche, unie, après une soirée qui a vu s'étaler ses divergences stratégiques sur l'opportunité ou non de renverser François Bayrou.

"La solidarité et l'amour", "solution" à Mayotte

Le Nouveau front populaire est vent debout contre de nouvelles restrictions du droit du sol à Mayotte, déjà dérogatoire par rapport à la métropole depuis 2018.

Après un vif échange entre la députée Horizons Naïma Moutchou et la députée socialiste Dieynaba Diop, ce fut au tour des députés LFI Raphaël Arnault et Sébastien Delogu de croiser le fer avec la députée mahoraise Estelle Youssouffa.

"Ce mardi soir, j'étais au concert (du rappeur) Rohff, Comorien puis Français. Il a rappelé sans détour toute sa solidarité avec Mayotte. Là est la solution, l'amour et la solidarité rappellent toutes les horreurs racistes qu'on peut entendre ici", a d'abord lancé l'élu Raphaël Arnault, porte-parole du collectif antifasciste La Jeune garde.

"Où étiez-vous pendant que nous récoltions les dons?"

Puis le député Sébastien Delogu, pressenti pour représenter les insoumis aux municipales à Marseille, a enchaîné, interpellant la représentante de Mayotte.

"Je vous ai vu pendant pas mal de temps passer à la télé pour défendre ce qui est défendable, c'est sûr. Mais où étiez-vous pendant les fêtes pendant que nous, à LFI, parcourions l'ensemble du territoire pour récolter des dons, envoyer de l'eau et des denrées alimentaires?", lui a demandé l'élu LFI.

"Où étiez-vous quand il fallait censurer le gouvernement parce qu'il n'apporte pas les moyens nécessaires à nos compatriotes mahorais et que vous ne l'avez pas fait?", lui a encore demandé Sébastien Delogu.

"Où étiez-vous? Bien sûr, vous n'étiez pas là", a insisté celui qui a un temps été le chauffeur de Jean-Luc Mélenchon à Marseille.

"On a tout perdu et vous, vous venez vous vanter de votre charité"

Le groupe Liot, auquel appartient Estelle Youssouffa, n'a pas voté les motions de censure déposées par les insoumis pour renverser François Bayrou et les budgets 2025. Pour la députée mahoraise, l'argument n'est pas passé.

"Pendant les fêtes, pendant que vous faisiez votre petite tournée des popotes, j'étais sur mon île, en train de compter, d'être avec la population", lui-a-t-elle alors répondu.

"Pendant que vous étiez absent, j'étais sur mon île avec la population qui n'a plus de toit, plus à manger, plus de services publics, plus d'hôpital. La population et moi, on a tout perdu et vous, vous venez vous vanter de faire votre charité. Mais vous êtes sérieux? Vous n'avez plus aucune décence", s'est alors agacée Estelle Youssouffa.

Et de rappeler, manifestement énervée, que quand "il s'agissait de voter la loi pour Mayotte, LFI, c'était abstention ou contre".

"C'est comme ça que vous prenez le drame de Mayotte"

Sur les 71 élus LFI, 2 ont voté contre le projet de loi d'urgence pour Mayotte le 22 janvier dernier et 67 se sont abstenus. L'objectif de ce texte était de préparer et d'accélérer la reconstruction de l'archipel dévasté.

Les débats avaient déjà été très tendus à ce moment-là entre Estelle Youssouffa et les insoumis. Le député LFI Aurélien Taché avait par exemple cherché à revenir sur l'encadrement de la vente de tôles à Mayotte au grand dam de l'élue qui l'avait accusé de vouloir "laisser pulluler les bidonvilles". Le texte d'urgence a cependant été très largement adopté.

"On est en train de parler du droit du sol à Mayotte. Et vous, qu'est-ce que vous faites? 'J'ai été à un concert, je me suis bien amusé, vive l'amitié'", a-t-elle encore ironisé.

"'Y'a rien de mieux, la musique et puis voilà'. C'est comme ça que vous prenez le drame à Mayotte", a conclu Estelle Youssouffa, sous les applaudissements du RN.

Une loi consacrée à l'immigration au printemps

Depuis 2018, une dérogation au droit du sol existe déjà à Mayotte. Le texte des Républicains propose d'élargir les restrictions à l'obtention de la nationalité française pour les enfants nés sur l'archipel.

Il propose d'exiger que les "deux parents" et non plus seulement un, comme c'est actuellement le cas, soient présents de façon régulière sur le territoire français depuis au moins un an. En l'état actuel de la loi, trois mois suffisent.

La loi d'urgence sur la reconstruction à Mayotte doit être définitivement adoptée par le Parlement dans les prochaines semaines. Un second volet, qui portera spécifiquement sur la question migratoire sur l'archipel a également été annoncée pour le printemps par François Bayrou.

Marie-Pierre Bourgeois