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Parlement

Retraites: le texte du groupe Liot adopté en commission, sans l'article pour abroger la réforme

Charles de Courson devant l'Assemblée nationale le 20 mars 2023

Charles de Courson devant l'Assemblée nationale le 20 mars 2023 - BERTRAND GUAY / AFP

Les parlementaires de la Commission des affaires sociales ont adopté dans une ambiance houleuse la proposition de loi du groupe Liot pour abroger la réforme des retraites, sans l'article qui veut mettre fin aux 64 ans. De quoi permettre à la macronie de reprendre la main d'ici le 8 juin pour déclarer ce texte irrecevable et arrêter net les débats.

Tranchée dans une atmosphère électrique. Les élus de la Commission des affaires sociales ont adopté la proposition de loi du groupe Liot sur l'abrogation de la réforme des retraites, sans son article premier, qui voulait revenir sur le recul de l'âge de départ.

Ce vote a tout d'une victoire à la Pyrrhus pour les oppositions qui veulent revenir sur la retraite à 64 ans, point qui reste massivement rejeté après son abrogation express en avril dernier.

La gauche a quitté la commission

La Nupes a d'ailleurs claqué la porte après avoir ferraillé en déposant des centaines d'amendements et de sous-amendements avant que la présidente de la commission des Affaires sociales puis le bureau ne les bloquent.

Cette décision en commission ouvre plusieurs possibilités. La première est que le débat ait bien lieu dans l'hémicycle le 8 juin prochain autour de cette proposition de loi. Les Liot devraient faire revenir en séance l'article 1 qui veut mettre fin à la retraite à 64 ans par le biais d'un amendement.

La manœuvre permettrait alors à la majorité présidentielle de reprendre la main et déclarer cet article irrecevable parce que non conforme à l'article 40 de la Constitution. Objet de nombreuses passes d'armes, cette disposition constitutionnelle précise que toute proposition de loi qui présente une nouvelle charge financière pour l'État doit être compensée financièrement.

Vers un article 40 dans l'hémicycle pour couper court

La proposition de loi des Liot créé de nouvelles taxes sur le tabac et renvoie à l'organisation d'une "grande conférence de financement" pour "envisager de nouvelles pistes de financement" des caisses de retraite. Mais pour la majorité présidentielle, ces recettes ne permettraient pas "le retour à l'équilibre dès 2030".

La taxe sur le tabac est cependant un grand classique des textes déposés par les oppositions comme par la majorité, comme encore récemment sur une proposition de loi Renaissance sur le bien vieillir.

Jugé recevable par le bureau de l'Assemblée nationale fin avril puis par le président de la commission des Finances Éric Coquerel (LFI) ce mardi, Yaël Braun-Pivet peut désormais reprendre la main en séance le 8 juin prochain et stopper les débats en dégainant cet article.

"S'ils nous sortent l'article 40, on va leur en sortir un autre: l'article 24. Il spécifie que 'le Parlement vote la loi'. Ça suffit à un moment de ne pas vouloir que les députés s'expriment", s'énervait-on ces derniers jours dans le camp des Liot.

Un nouveau bureau de l'Assemblée nationale pourrait se réunir

Autre hypothèse: que le bureau de l'Assemblée nationale reprenne la main après le dépôt du nouvel amendement et le déclare irrecevable avant le passage dans l'hémicycle.

Si le règlement statue bien "qu'il soit procédé à un examen systématique de la recevabilité des (...) amendements", l'usage veut que de nouveaux amendements ajoutés à une proposition de loi rejetée par une commission ne repassent pas devant le bureau.

"Juridiquement, rien n'oblige le bureau à se réunir. Mais on se rend compte qu'on a des habitudes parlementaires qu'on peut remettre en cause en reprenant des points méconnus du règlement", remarque le professeur de droit public Benjamin Morel.

Vers une nouvelle motion de censure

Cette technique aurait le mérite pour la macronie d'éviter que la proposition de loi Liot occupe l'espace médiatique et politique pendant les prochains jours mais ne serait vraiment pas de nature à faire redescendre la pression à l'Assemblée.

Bertrand Pancher, le président du groupe Liot, a déjà brandi la menace d'une future motion de censure. De quoi donner des sueurs froides à Élisabeth Borne qui a échappé au renversement de son gouvernement à seulement 9 voix lors d'une précédente motion de censure.

Marie-Pierre Bourgeois