Sébastien Lecornu échappe à la censure, les motions de LFI et du RN rejetées

Et de deux. Comme attendu, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a survécu à ses premières motions de censure ce jeudi 16 octobre à l’Assemblée nationale, même s'il n'est pas passé très loin de la sortie.
En effet, son sort s’est joué à seulement 18 voix. La première motion, celle déposée à l'initiative de La France insoumise, a recueilli 271 suffrages. Un résultat proche de la majorité absolue (289).
Cette initiative était soutenue par tous les groupes de gauche en dehors du Parti socialiste. À plusieurs exceptions près, ses députés avaient accepté de ne pas renverser le gouvernement après que Sébastien Lecornu a proposé ce mardi, lors de sa déclaration de politique générale, une suspension de la réforme des retraites jusqu’à janvier 2028.
Le Rassemblement national, ainsi que son allié de l’UDR - présidé par Éric Ciotti - ont, eux, soutenu la censure. Ils présentaient aussi leur propre disposition, mais celle-ci n'a obtenu que 144 voix, faute d'être votée par la gauche.
"Une tromperie" sur les retraites, d'après LFI
Pour défendre la première motion de censure, Aurélie Trouvé est montée à la tribune. D’abord, la députée insoumise s’en est pris à Sébastien Lecornu, reprenant son expression de "moine-soldat" pour le dépeindre comme "un homme qui mène une guerre sacrée, qui croit servir une cause supérieure et qui pour cela brûle tout sur son passage". Puis Emmanuel Macron en a pris pour son grade. Celui-ci est coupable aux yeux d’Aurélie Trouvé, entre multiples reproches, d’avoir nommé un "gouvernement de vaincus".
Enfin, les critiques de l’ancienne co-présidente de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac) se sont adressées aux socialistes. Car cette dernière en est venue au "cœur du débat de ces derniers jours": la suspension de la réforme des retraites.
Cette annonce, faite par Sébastien Lecornu pour s’éviter la censure du PS, "n’est qu’un leurre, une tromperie, un subterfuge. Au mieux, un très bref report, glissé par un amendement budgétaire dont rien ne garantit la présence dans le texte final", a-t-elle asséné.
Marine Le Pen dénonce un "accord de la honte"
Porteuse de la deuxième motion de censure, Marine Le Pen a pris la suite. Après avoir dépeint le projet actuel de budget comme un "véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", la cheffe de file des députés du Rassemblement national s’est elle aussi attaquée aux socialistes.
Lesquels ont noué un "accord de la honte", "placé sous le signe de la tromperie, et de la malhonnêteté", d’après l’élue d’extrême droite, elle aussi dubitative sur le devenir d’une suspension de la réforme.
"Vous n’échapperez pas au vote des Français", a menacé Marine Le Pen en conclusion, accusant le gouvernement d’avoir "tout sacrifié pour éviter de retourner aux urnes". Et rappelant que "le Rassemblement national, lui, attend le jour de la dissolution" de l’Assemblée nationale, "avec impatience".
Sébastien Lecornu évoque un "moment de vérité"
La riposte ne s’est pas faite attendre. Sébastien Lecornu a directement ciblé Marine Le Pen au moment de prendre la parole. Le chef de Matignon a feint l’étonnement face à "la convocation du peuple" faite par la députée du Pas-de-Calais, comme si celui-ci ne "s’était pas exprimé lors des dernières élections législatives", où, a-t-il rappelé un peu plus tard, l’extrême droite "n'a pas eu la majorité absolue."
Concernant le projet de budget, le Premier ministre a mis en avant son renoncement à l’article 49.3, permettant d’adopter un texte sans vote des députés. Avant d’interpeller ses contempteurs, accusés de "laisser croire" que "la copie budgétaire telle qu’elle a été déposée (sera) la copie budgétaire définitive".
Pour finir, Sébastien Lecornu a présenté ces motions de censure comme "un moment de vérité", résumant ces initiatives par un dilemme: "Est-ce que l’on souhaite l’ordre républicain avec des débats qui ont lieu à l’Assemblée nationale, ou est-ce que l’on souhaite le désordre?"
Le PS se dit "fier"
Orateur du jour pour les socialistes, le député Laurent Baumel s’est quant à lui chargé de défendre le choix de son parti. Pour cela, il a notamment évoqué la "conception de l’action politique des socialistes", déclarant, dans une opposition aux insoumis:
"Depuis toujours, nous préférons nous battre ici et maintenant pour obtenir des avancées concrètes dans le cadre des institutions pour celles et ceux que nous défendons plutôt que de travailler sans cesse à approfondir des contradictions et des crises censées faire advenir des grands soirs, sans cesse différés et souvent décevants."
"Nous, nous sommes fiers d’avoir exercé cette pression, ce rapport de force, qui permettra demain à 3 millions et demi de personnes, usés ou fatiguées par une vie de travail, de partir plus tôt si elles le souhaitent à la retraite", a aussi déclaré ce très proche d’Olivier Faure, le premier secrétaire du PS.
Comme les socialistes, les députés du parti Les Républicains étaient plutôt alignés pour ne pas censurer le gouvernement, n’écoutant pas les appels du pied de l’ex-président de leur parti, Éric Ciotti, encore formulés à la tribune de l’Assemblée ce jeudi.
Ni même les déclarations de François-Xavier Bellamy, très proche de Bruno Retailleau, actuel patron de LR, qui aurait, lui, voté la censure, une position rappelant les désaccords actuels entre le parti de droite et ses députés.
Le député Jean-Didier Berger, qui s’exprimait pour LR, a parlé d’un "soutien exigeant", qui n’engage pas une "confiance aveugle".