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Parlement

Budget de l'État et de la Sécu: le gouvernement joue la carte de l'enlisement à l'Assemblée

Éric Coquerel avec des ministres à l'Assemblée nationale le 22 octobre 2024

Éric Coquerel avec des ministres à l'Assemblée nationale le 22 octobre 2024 - Ludovic MARIN / AFP

Après l'examen inabouti du budget de l'État, les députés se penchent sur celui de la Sécu. Le gouvernement pourrait continuer à jouer la carte de débats au ralenti et se passer du 49.3 à court terme en comptant sur le Sénat, majoritairement à droite.

Six jours de débat parfois houleux et un coup d'arrêt net au débat. Les députés se sont quittés samedi soir sans parvenir à venir à bout de la partie recettes du budget de l'État. Rendez-vous désormais le 5 novembre en fin de journée pour reprendre les discussions avec un avenir très incertain du texte et des choix du gouvernement pour le faire atterrir.

En attendant, les députés se réunissent ce lundi dès 16 heures pour commencer à débattre du budget de la sécu, officiellement appelé projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS).

Des débats qui s'annoncent encore à très haute tension

Avec déjà un premier enjeu pour les députés: parvenir à étudier 2.200 amendements en moins de 30 heures de débat prévus, soit seulement quatre jours, avec un vote prévu dans la journée du 5 novembre.

La manœuvre semble pour le moins ambitieuse: la commission des Affaires sociales a étudié 1.600 amendements la semaine dernière en 35 heures.... Principal espoir pour accélérer les débats et avoir le temps de parvenir au vote: se mettre d'accord sur l'article 6 du budget de la Sécu.

Il prévoit une réforme des exonérations patronales sur les salaires autour du SMIC. Ce dispositif qui réduit fortement les cotisations patronales pour les plus bas salaires est dans le viseur du gouvernement. Il est en effet accusé de favoriser la concentration des rémunérations autour du SMIC, rendant peu attractif pour les employeurs la hausse du revenu de leurs salariés.

Le gouvernement veut donc toiletter ce mécanisme et compte grâce à l'article 6 répartir autrement les allègements de cotisations patronales, empochant au passage 4 milliards.

Problème: si la gauche a voté pour cette mesure en commission, les macronistes et la droite, pourtant sensés défendre le gouvernement ont voté contre tout, comme le RN. Autant dire que les débats sur le sujet pourraient être inflammables et prendre beaucoup de temps.

Les jours de carence des fonctionnaires sortis du chapeau

Le gouvernement a encore fait monter la température de quelques degrés en dégainant sans prévenir sa volonté de trouver 5 milliards d'euros d'économies - qui s'ajoutent aux 60 milliards déjà prévus. Le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian en a encore rajouté une couche en souhaitant passer d'un jour à trois jours de carence pour les fonctionnaires et à moins bien rémunérer leurs arrêts maladie.

C'est non pour la gauche mais cela risque également de crisper les députés de Marine Le Pen. Sébastien Chenu a déjà fait savoir qu'il était "un peu dubitatif sur le financement de la mesure" sur RTL.

Autant dire que la coalition gouvernementale devrait multiplier les revers dans les prochains jours comme cela a déjà été le cas lors de l'étude de l'examen du budget de l'État, de la taxation pérenne des ménages très aisés au rétablissement de la demi-part fiscal pour les veufs et veuves.

Un rejet du budget sur la table

De quoi pousser le gouvernement à dégainer le 49.3, cet article de la Constitution qui permet d'adopter un texte sans vote, tant sur le budget de la Sécurité sociale que sur le budget de l'État? Si Michel Barnier n'a jamais fermé la porte à cette option - le Conseil des ministres a même avalisé mercredi dernier cette possibilité -, l'option semble de moins en moins sur la table.

À force d'adoptions dans l'hémicycle de mesures éloignées de celles espérées par l'exécutif, les députés pourraient finir par rejeter à la fois le premier volet du budget de l'État et du PLFSS.

Si, sur le papier, ce rejet aurait a tout d'une mauvaise nouvelle pour Michel Barnier, elle serait en réalité une aubaine. Le texte initial porté par Matignon irait en effet au Sénat, là où la droite est très largement majoritaire.

Le 49.3 toujours en piste

Autant dire que le Premier ministre y jouera sur du velours et pourrait faire voter un budget beaucoup plus proche de ses espérances. Charge ensuite aux députés et aux sénateurs de se mettre d'accord sur une version commune au sein d'une commission mixte paritaire, potentiellement dominée par la droite et la macronie avant de faire revenir le texte à l'Assemblée nationale.

Le gouvernement devrait alors convaincre les députés ou finalement enclencher un 49.3 mais il aura beau jeu de montrer qu'il a laissé les débats se dérouler le plus longtemps possible.

L'article 47 de la Constitution pour enliser les débats

Autre option sur la table: sortir la cartouche de l'article 47. Ce dispositif fixe un délai maximum de débat à l'Assemblée nationale - 40 jours pour le projet de loi de finances soit le 21 novembre - avant de le transmettre au Sénat.

Même topo pour le budget de la Sécu qui doit rendre sa copie le 14 décembre au plus tard avant transmission à la chambre haute. Là encore, dans les deux cas, la chambre haute s'emparerait de la copie du gouvernement avant de très probablement la voter puis d'envoyer le texte devant une commission mixte paritaire.

Pour ce faire, le gouvernement a tout intérêt à ce que les débats s'enlisent. Le message a bien été reçu par la droite qui a refusé de retirer des centaines d'amendements vendredi dernier, moins de 24 heures avant la fin des débats sur le premier volet.

Le casse-tête de Michel Barnier pour parvenir au bout des budgets est donc loin d'être terminé.

Marie-Pierre Bourgeois