Budget 2025: le gouvernement prévoit d'alourdir le coût du travail de 5 milliards d'euros

Dans son PLFSS, le gouvernement propose d'augmenter les charges des salariés au Smic. - PHILIPPE HUGUEN © 2019 AFP
"Un tabou est brisé". Les économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer ont dévoilé leur rapport sur les allègements de charges patronales la semaine dernière afin de fluidifier l'évolution des rémunérations. Leur idée étant de permettre des exonérations plus linéaires, sans à-coup, afin d'éviter la constitution d'hypothétiques trappes à bas salaires.
A peine dévoilées, leurs préconisations se retrouvent déjà dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale 2025 (PLFSS 2025). Du moins en partie puisqu'avant tout y figurent celles qui permettent de faire des économies.
Hausse du coût du travail sur les bas salaires
Alors que Bercy vise un effort budgétaire de 60 milliards d'euros en 2025, la facture des allègements de charges qui devrait représenter 78,4 milliards d'euros cette année est une manne versée aux employeurs que l'exécutif entend réduire.
Afin de lisser la courbe des exonérations, les économistes proposaient dans leur scénario central de relever les cotisations patronales entre 1 et 1,2 Smic, de les alléger entre 1,2 et 1,9 Smic et de les alourdir entre 1,9 et 3,5 Smic. Le gouvernement souhaite dans un premier temps ne retenir que les baisses d'exonération, donc augmenter le coût du travail sur les bas salaires, selon le projet de budget que nous avons consulter, confirmant une information des Echos.
Le PLFSS prévoit ainsi une diminution de deux points des exonérations au niveau du Smic (40% actuellement) puis une nouvelle de deux points en 2026. Parallèlement, les dispositifs d'allègements appelés "bandeaux" vont être réduits dès 2025. Le point de sortie du bandeau maladie (réduction des cotisations à l'assurance-maladie) serait ramené de 2,5 à 2,2 Smic. Celui du bandeau famille (réduction de cotisations destinées à la branche "famille" de la sécurité sociale) serait quant à lui être ramené de 3,5 à 3,2 Smic.
Dégager 5,1 milliards d'euros
Concrètement, le gouvernement propose d'augmenter, dès le 1er janvier prochain, les charges (donc le coût du travail pour les employeurs) à la fois des salariés rémunérés au niveau du Smic mais encore de ceux qui touchent 2,2 Smic et plus, et de ceux qui sont à 3,2 Smic et plus.
L'objectif à court terme est de dégager 5,1 milliards d'euros d'économie en augmentant les recettes des différentes branches de la Sécurité sociale. La dégressité des exonérations de charges devrait se poursuivre jusqu'en 2027 afin de faire entrer 15 milliards d'euros sur trois ans dans les caisses de l'État.
Le scénario des économistes Bozio et Wasmer prévoyait certes de lisser le système des éxonérations en augmentant notamment les charges pour les salariés au niveau du Smic mais il compensait ce surcoût pour les entreprises en les diminuant entre certains intervalles.
Ce que le gouvernement compte faire mais dans un second temps. Le montant des exonérations augmentera pour les salaires compris entre 1,3 et 1,8 Smic mais pas avant 2026.
"La mesure intègre la préoccupation d’une maitrise des coûts des dispositifs d’exonérations dont le coût a cru de manière très significative ces dernières années dans un contexte où les finances sociales se sont dans le même temps fortement dégradées", peut-on lire dans le projet de budget de la Sécurité sociale.
"Tabou brisé"
Reste la question centrale des conséquences sur l'emploi d'une telle mesure de surenchérissement du coût du travail. Pour lutter contre le chômage de masse des moins qualifiés, les gouvernements se sont attelés à diminuer les cotisations sociales sur les bas salaires. Des allègements Balladur aux exonérations Fillon en passant par ceux de Martin Aubry ou du CICE de François Hollande transformé en baisses de charges pérennes par Emmanuel Macron en 2017... Jamais, depuis trois décennies, un gouvernement n'avait augmenté le coût du travail sur les bas salaires.
D'où le "tabou brisé" évoqué par Antoine Bozio et Etienne Wasmer. Bien que le taux de chômage en France reste supérieur à celui de la zone euro (7,3% contre 5,9%) et demeure encore loin du plein-emploi visé par le chef de l'État (5% ou moins), les deux économistes considèrent que la création d'emplois faiblement rémunérés ne doit plus être une priorité mais plutôt "viser des emplois de meilleure qualité".
Alors que le montant du Smic aura augmenté le 1er novembre de 16% depuis 2021, ces hausses de cotisations seront-elles de nature à améliorer la qualité des emplois sans pénaliser les moins qualifiés, qui sont aussi les plus éloignés de l'emploi? C'est ce que souhaite le gouvernement.
