"Moralisation" de la vie publique: dix ans d'inéligibilité en cas de crime ou délit
C'est le projet clef du début du quinquennat d'Emmanuel Macron: ce jeudi, le garde des Sceaux François Bayrou a présenté son projet de loi pour la moralisation de la vie publique, rebaptisée "pour la confiance dans notre vie démocratique".
Deux lois et une réforme constitutionnelle
"Il ne s’agit pas de laisser penser qu’on va régler les problèmes de morale personnelle par un texte. La morale est une question individuelle", explique le ministre de la Justice, alors même qu'une enquête préliminaire visant le ministre de la Cohésion des territoires Richard Ferrand a été ouverte jeudi matin par le parquet de Brest. "Les institutions ne sont pas faites pour rendre les hommes vertueux. Mais, sachant qu’ils ne le sont pas tous, elles sont faites pour éviter que les faiblesses humaines ne contaminent le corps social."
Expliquant que le projet se déploiera autour d'une loi ordinaire, d'une loi organique et d'une loi constitutionnelle, François Bayrou en a exposé les principaux objectifs: "en finir avec le deux poids deux mesures entre représentants politiques et citoyens ordinaires", "réguler les conflits d’intérêt, c'est-à-dire empêcher que la décision d’intérêt général se trouve confisqué par les intérêts particuliers, et "garantir l’exercice équilibré de la démocratie".
Prévention des conflits d'intérêts et exemplarité
Faisant de la "moralisation par la transparence et la prévention des conflits d'intérêt" une des priorités de ce projet, François Bayrou a annoncé qu'une peine d'inéligibilité d'une durée maximale de dix ans pourrait frapper, sur décision du juge, toute personne faisant l'objet d'une condamnation pénale pour crime ou délit portant atteinte à la probité (concussion, corruption, trafic d'influence, prise illégale d'intérêt, favoritisme, détournement de fonds public, recel ou blanchiment d'un produit de ces délits, faux en écriture publique, fraude électorale, fraude fiscale, déclaration mensongère à la Haute autorité de la vie publique).
Il a, en sus, confirmé l'interdiction de recruter des membres de sa famille pour les ministres, parlementaires, et au sein des exécutifs locaux (cabinets compris), les emplois de membres de la famille par d'autres parlementaires devant faire l'objet d'une déclaration.
L'ancien maire de Pau a promis un renforcement de l'encadrement des activités de conseil, le passage à une déclaration "réelle" des frais parlementaires - sur factures, la suppression de la réserve parlementaire, et l'obligation de déclaration d'intérêt des élus, entraînant un déport lors des votes.
Réforme des institutions
Le garde des Sceaux a égrené plusieurs réformes institutionnelles, confirmant la "suppression de la cour de justice de la République" (juridiction d'exception des ministres). "Il n'y a aucune raison pour que cette juridiction d'exception continue d'exister. Les représentants politiques seront jugés par des magistrats, avec en amont une procédure de filtre", a expliqué François Bayrou.
Les anciens présidents de la République ne pourront plus être membre du Conseil constitutionnel. Enfin, les élus "ne pourront plus exercés plus de trois mandants identiques et successifs de députés, de sénateurs ou d'élu dans un exécutif local", avec des exceptions pour les petites communes.
Transparence du financement et pluralisme politique
Enfin, François Bayrou a présenté une "refonte du mode de financement de la vie politique", "dans le sens de la transparence et du pluralisme". Le projet inclut ainsi la séparation des fonctions d'ordonnateur et de payeur au sein des partis politiques et la "certification des comptes des partis par la cour des comptes à partir d'un certain seuil".