Martine Aubry ne pense qu'à elle

Hervé Gattegno - -
Martine Aubry aime se donner l’image d’une femme d’équipe, mue par l’intérêt général, le goût du débat et le don de soi. La réalité est à peu près inverse : elle est souvent brutale, autoritaire jusqu’à l’autocratie et son sens du sacrifice est moins développé qu’elle ne le dit. Elle se félicite de son bilan parce que les socialistes au pouvoir. C’est oublier qu’elle ne s’est ralliée à l’idée des primaires qu’en pensant qu’elle pourrait lui servir de tremplin ; qu’elle s’est effacée élégamment devant Hollande après sa défaite mais qu’elle n’a presque pas fait campagne pour lui ensuite. Comme chacun sait qu’elle n’a digéré ni son élimination aux primaires, ni sa mise à l’écart par François Hollande, on peut parier qu’en organisant elle-même sa succession, elle n’est pas complètement désintéressée.
Cela veut dire qu’elle n’exclut pas forcément de vouloir rester à la tête du PS ?
Il ne faut pas l’écarter, puisqu’elle a toujours dit qu’elle partirait « si les conditions sont réunies pour éviter les divisions ». Avec ça… Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’elle va organiser un arrangement en coulisse entre les deux principaux prétendants, Harlem Désir et Jean-Christophe Cambadélis qui à eux deux n’ont pas plus de charisme que Jean-Marc Ayrault, c’est dire… Son objectif, c’est d’éviter tout débat sur la ligne du PS, et on voit bien qu’elle réclame que tous les chefs du PS et les ministres signent la contribution qu’elle a déposée avec le premier ministre et qu’elle refuse le débat sur le traité budgétaire européen. Ce qui ne l’empêche pas de revendiquer, dans son bilan à la tête du PS, des progrès spectaculaires dans la démocratie interne !
Entre Harlem Désir et Jean-Christophe Cambadélis, est-ce qu’elle va vouloir en avantager un ?
C’est là le comble : même les principaux dirigeants du PS disent qu’ils n’en savent rien, comme si c’était une élection si serrée qu’on ne peut pas deviner le résultat. En fait, c’est une campagne électorale avec un seul électeur : Martine Aubry ! Les deux candidats rivalisent de flagornerie et de soumission envers elle et c’est elle qui tranchera toute seule, puisqu’apparemment François Hollande a donné pour consigne de ne surtout pas la fâcher. Il n’empêche qu’en attendant, elle entretient le flou, et comme disait sa grand-mère (je la cite) : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup… »
Donc le « loup », c’est que Martine Aubry n’a pas renoncé à toute ambition politique ?
Qui pourrait le croire ? Elle a dit qu’elle voulait se consacrer à sa ville de Lille. Donc préparer les municipales de 2014, qui constitueront la 1ère grande échéance électorale pour François Hollande. D’ici-là, elle veut être loyale envers le gouvernement mais sans s’interdire des critiques, comme la semaine dernière sur les évacuations de camps de Roms. Et si, comme c’est plausible, François Hollande est à la peine à ce moment-là, Martine Aubry espère qu’elle sera, elle, en position de force pour s’imposer à Matignon. Sur le fond, elle reste persuadée qu’entre la gauche molle et la gauche folle, il y a une 3è voie qu’elle pourrait incarner mieux que personne – toujours ce dévouement au collectif… Elle a dit ce week-end que, même éloignée du PS, elle « continuerait à échanger » avec Jean-Marc Ayrault. Elle pensait évidemment d’abord à échanger… sa place contre la sienne !
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