Démission de Martine Aubry: comment Lille s'est transformée depuis sa première élection en 2001

Après 24 ans de mandat, Martine Aubry passe la main. La maire socialiste de Lille a annoncé sa démission dans une conférence de presse aux allures de bilan, ce jeudi 6 mars.
"À l'époque, en 2001, Lille était considérée comme la capitale triste d'une région en crise, la belle endormie comme disait Pierre Mauroy, une ville à deux vitesses. Qui aurait pu croire que Lille serait devenue une ville où l'on vit bien, qui est aujourd'hui une capitale culturelle, rayonnante", s'est félicitée l'ancienne ministre de l'Emploi, reconnaissant néanmoins "des difficultés qui persistent".
Des avancées sur la Transition écologique
Durant sa conférence de presse, la maire a insisté sur le bilan environnemental de la ville. "La ville a souvent été la première à faire", a-t-elle assuré. Première ville à avoir obtenu le label éco-quartier avec les rives de la Haute-Deule, Lille a fait le premier agenda 21 (local) en France, dès 2001, souligne Martine Aubry.
La maire a également balayé les accusations de greenwashing. "Nous avons largement avancé" sur la transition écologique de la ville, assure l'élue, citant la rénovation thermique entamée sur les bâtiments de la ville, notamment les écoles. Ces transformations ont eu pour résultat une diminution de 30% de la consommation énergétique et de 45% des émissions de CO2. Si les mandats précédents de Martine Aubry "étaient vraiment tournés vers la culture", son dernier "s'est verdi", nuance Alexandre Fauquette, docteur en science politique sur le plateau de BFM Grand Lille.
Depuis 2006, 11 voies de circulations et de zones de parking ont été transformées en parc, a rappelé Martine Aubry lors de sa conférence de presse. Une quinzaine de squares ont vu le jour alors que 40.000 arbres ont été plantés. Capitale française de la biodiversité en 2012, la ville de Lille a également obtenu le label climat-air-énergie, décerné par l'Ademe en 2024.
En 2016, la municipalité a présenté la "révolution des mobilités". Ce nouveau plan de circulation a eu pour effet de modifier les us des automobilistes et cyclistes en poussant les conducteurs à contourner la ville au lieu de la traverser et en créant 75 kilomètres de double sens cyclable. "L'impact a été immédiat sur la sécurité routière", assure l'élue.
La culture, un chantier au coeur de sa stratégie
Pour ce qui est de la culture, sous l'impulsion de Lille 2004, lorsque la ville est nommée capitale européenne de la culture en 2004, plusieurs salles de spectacles et de concerts ont ouvert leurs portes dont le Flow, la gare Saint-Sauveur ou le Grand-Sud. "C’est une ville où l’on vit bien, une capitale culturelle rayonnante et attractive", a confié la maire au journal Le Monde.
"La culture, c’est ce qui nous émancipe et nous rassemble, nous permet de faire société", a-t-elle déclaré, en juin dernier, lors d'une rencontre au centre culturel La Sécu à Fives, rapporte La Voix du Nord.
Sous son premier mandat, l'opéra de Lille est rénové, des inititiatives telles que Lille Plage ou Lille Neige voient le jour. La mairie va également créer des rendez-vous qui deviendront clé pour l'attractivité de la ville avec Lille 3000.
Une "transformation de la ville en profondeur"
Pour Jean-Claude Branquart, directeur de rédaction d'Europe Nord Médias, Martine Aubry laisse "un très beau bilan pour la ville de Lille". Si Pierre Mauroy a "posé les actes forts de la mutation de Lille avec tout le quartier d'affaires", la maire s'est "beaucoup investie dans la transformation de la ville en profondeur, la rénovation des quartiers, l'animation culturelle".
"Pierre Mauroy a posé les grands moments de la mutation de Lille mais elle, elle a eu un travail d'investisseur avec tous les acteurs économiques du territoire."
Martine Aubry a ainsi "laissé une empreinte nationale et locale très forte", notamment en matière de culture, souligne Alexandre Fauquette. Jean-Claude Branquart note néanmoins un "point faible": "Au moment où elle a pris la présidence de la MEL, elle était repartie dans le jeu politique national."
De son côté, Violette Spillebout estime que son "pouvoir autoritaire et clanique a pris le pas sur les préoccupations quotidiennes des Lillois: sécurité, propreté, transports, innovation". Selon la députée du Nord, qui fut sa directrice de cabinet et qui est candidates aux futures municipales, "Lille a pris du retard par rapport aux autres grandes métropoles".
De grands dossiers de rénovation urbaine
En matière de rénovation urbaine, Martine Aubry a notamment mentionné dans sa conférence de presse les cas de Lille-Sud, des rives de la Haute-Deul, de Fives-Cail et de la porte de Valenciennes. Pour le premier cité, 250 millions d'euros ont été investis.
"Avant c'étaient des champs de boue maintenant ce sont des immeubles." Les logements sont complétés par des centres sociaux, des écoles et une dizaine de nouveaux équipements publics ainsi que le parc du Grand-Sud. Cette logique tient d'un combat qu'a voulu porter la municipalité, celui de la densité urbaine.
"Nous avons pensé qu'il fallait faire de la densité dans les cœurs des grandes villes, auprès des gares, à la fois pour limiter la mobilité et surtout pour ne pas artificialiser des terres. Nous nous battons pour ça. Ce qui n'empêche pas d'accroître la place de la nature dans les villes."
"Nous ne voulons pas que le centre-ville devienne un centre-ville musée." Pour que le cœur de ville reste vivant, "il fallait faire beaucoup de choses", note Martine Aubry. Améliorer la qualité de l'espace public et faire revenir des commerces alimentaires étaient "une nécessité".
Pour développer la ville, les pôles Euraville, Eurasanté ou Euratechnologies ont émergé. "Tout ce que nous avons fait là, c'est pour créer de l'emploi et de l'attractivité."
Certains autres dossiers sont néanmoins "restés en friche", a relevé, sur X, Violette Spillebout, qui cite le site de Saint-Sauveur, la piscine Marx Dormoy ou la Cité Administrative, dont la vente n'a pas abouti.
En 2023, la friche de l'ancienne gare Saint-Sauveur avait été sous le coup d'une ordonnance d'évacuation. Le terrain était occupé depuis près de quatre ans par des exilés et des personnes sans-abri. À l'occasion de la 7e édition de Lille3000, le site sera investi pour accueillir des expositions et performances artistiques.
L'objectif d'un coeur de ville vivant
Par ailleurs, en 2025, le taux de vacance à Lille est toujours considéré élevé par la municipalité, notamment dans la rue de Béthune. Pour y remédier, Martine Aubry appelle à la possibilité d'encadrer les loyers commerçants.
La ville a créé depuis 2001 plus de 31.000 logements, et 27.000 logements anciens ont été rénovés, sur un total de 145.000 logements.
"La base de mon mandat: le cœur, c'est le vivre ensemble, pour notre ville comme pour la société", a affirmé la maire, qui prône la métamorphose des quartiers populaires pour lutter contre "la ville à deux vitesses". Selon la maire, le plan a ainsi été de favoriser la mixité sociale et la mixité de fonction pour une ville qui "tourne le dos à la ghettoïsation pour faire de chaque quartier un vrai morceau de ville".
Un point que conteste le docteur en science politique Alexandre Fauquette. "La ville de Lille est quand même ségréguée", affirme-t-il, citant l'ouvrage Sociologie de Lille (Éditions La Découverte) qui "montre des différences fortes entre les quartiers".
"Tout n'est pas réglé"
Malgré l'ensemble de ces aménagements, "tout n'est pas réglé", estime la maire, citant Lille-Sud et le trafic de stupéfiants "qui reste un problème endémique".
En matière de sécurité, le nombre de caméras de voie publique est passé à 177, 160 policiers municipaux maillent désormais le territoire. Près des écoles, des parvis sécurisés ont été mis en place, des rues scolaires également.
Désormais, c'est Arnaud Deslandes, actuel premier adjoint, qui aura la charge de succéder à Martine Aubry en attendant les élections municipales prévues dans un an. "Nous partageons les mêmes priorités dans notre engagement: la solidarité et l'accompagnement de tous. Je pense que nous avons les mêmes colères devant les inégalités et les mêmes envies de les combattre", a-t-il d'ores et déjà assuré.