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Politique

Marine Le Pen, l’islamophobie sans voile

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Les déclarations de Marine Le Pen, qui préconise l’expulsion de « tous les intégristes étrangers » et l’interdiction totale des signes religieux en public, ont suscité beaucoup de réactions ce week-end. Elles m’ont choqué…

D’abord, il faut dire qu’il s’agit d’une provocation calculée. Entre le débat à gauche sur le traité européen et le duel Copé-Fillon à l’UMP, le FN a du mal à se faire entendre. La sortie de M. Le Pen vise à attiser l’inquiétude après les violences récentes dans le monde arabe et les manifestations contre les caricatures de Mahomet. C’est autant un calcul politicien que l’expression d’une idéologie. Et en l’occurrence, ce n’est d’autre qu’un appel à la haine – en tout cas à la discrimination. Comme ce n’est pas la 1ère fois, M. Le Pen « s’étonne qu’on s’étonne ». Il n’est pas indigne qu’on s’en indigne.

Elle justifie cette prise de position par la défense stricte de la loi de 1905 sur la laïcité. Que répondez-vous à cet argument ?

Qu’il relève d’une tromperie manifeste. La laïcité n’impose pas la clandestinité des fois religieuses mais la neutralité de l’Etat par rapport aux religions. C’est le contraire de ce que défend M. Le Pen ! Il va de soi que les « intégristes » qu’elle veut expulser ne sont pas ceux de l’Opus Deï et que son interdiction des signes religieux vise essentiellement l’islam – même si elle a cru bon d’ajouter la Kippa, pour dire ensuite qu’elle ne posait « pas de problème ». La vérité, c’est qu’elle veut interdire le simple affichage d’une foi musulmane. A ce train-là, pourquoi ne pas imposer des souterrains pour entrer dans les mosquées – mais alors faudra-t-il aussi se cacher pour aller à l’église ?

Jean-Marie Le Pen a dit aux journées parlementaires du FN que ce sujet ne lui paraissait pas « essentiel ». Est-ce un nouveau désaccord entre le père et la fille ?

Plutôt une différence d’appréciation, dans le cadre du jeu de rôles que les Le Pen ont mis en place pour gérer en famille leur fonds de commerce politique. JM Le Pen trouve sans doute que sa fille se focalise trop sur les questions religieuses alors que lui s’est encore déchaîné devant les militants pour évoquer la menace de raz-de-marée migratoires avec des hordes de musulmans à nos frontières – comme dans un mauvais scénario de film catastrophe… C’est l’avantage pour M. Le Pen : après un discours de son père, elle a toujours l’air plus modérée !

Avec tout cela, on a beaucoup moins parlé du discours de clôture de Marine Le Pen, hier dimanche, dans lequel elle a vivement attaqué François Hollande. S’est-elle piégée elle-même ?

Elle savait bien qu’en relançant une polémique sur l’islam, elle ferait infiniment plus de bruit qu’en critiquant l’euro ou les socialistes. Elle sait surtout que le FN reste inaudible sur les sujets économiques – et qu’il ne peut se différencier de l’UMP sur les thèmes de société, comme le droit de vote des étrangers et le mariage gay. Pour se distinguer, il lui reste – encore et toujours – la stigmatisation de l’étranger et du musulman (qu’elle traite le plus souvent comme un étranger). Elle force le trait. Sur le fond comme sur la forme, ses caricatures sont encore plus discutables que celles de Charlie Hebdo.

Pour écouter Le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce lundi 24 septembre, cliquez ici.

Hervé Gattegno