"Sa popularité, je n'y crois pas": y a-t-il une "obsession" pour Retailleau au Rassemblement national?

Le ministre de l'Intérieur estime "devenir l'obsession" du parti d'extrême droite. Au sein du Rassemblement national, cadres comme députés ne se montrent pas trop inquiets par le candidat à la présidence des Républicains.

"Je deviens l'obsession du Rassemblement national". Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, prétendant à la présidence des Républicains, a affirmé sur BFMTV et RMC ce lundi 3 mars être devenu la cible du RN.

"Ils voient en moi peut-être un homme politique susceptible de dire aux électeurs, à nos anciens électeurs qui ont quitté la droite et le centre parce que nous avions déçu, de revenir dans une maison commune", a-t-il déclaré sur notre antenne.

De là à faire de l'ombre au parti d'extrême droite et à Marine Le Pen? "Je suis désolée de vous décevoir, c'est un sentiment qui ne m'habite pas, qui ne me traverse même pas", avait déclaré la cheffe des députés Rassemblement national au début du mois de février.

"Mais à chaque fois qu'il avance ses convictions qui rejoignent les nôtres, je ne peux que m'en réjouir!", a ajouté Marine Le Pen.

"Il banalise nos idées"

Pour un proche de Jordan Bardella, la présence de Bruno Retailleau au sein du gouvernement et de la scène médiatique "est une bonne chose". "Il banalise nos idées auprès d'un public pas forcément favorable mais ne met pas en application. Pour moi, ce n'est pas du tout une menace!", poursuit-il.

Un député RN ne se dit "pas inquiet" par le locataire de Beauvau, "tout ce qui valide nos thématiques est bon. Pour l'instant, il nous a plus rendu service qu'abimer". "Pour l'instant" donc. Ce qui n'empêche pas le parti de réagir et critiquer l'action ou la non action - selon ses dires - de Bruno Retailleau.

"On tape sur ceux qui font de la politique, on ne va pas taper sur de Montchalin! Sa popularité je n'y crois pas! Souvenez-vous, Barnier était la personnalité préférée des Français en septembre", explique un cadre du parti pour justifier cette attention.

"Il n'a aucune chance"

Pour un conseiller de Marine Le Pen, "c'est normal de souligner les paradoxes du personnage" qui est loin d'être un nouveau venu "ça fait 30 ans qu'il est là et il n'a rien fait". Il prend l'exemple de Nicolas Sarkozy qui avait siphonné les voix du Front national en 2007 lors de la présidentielle.

"Sarkozy, qu'est-ce qu'il dit en 2007? 'Le FN veut mais ne peut pas' et 'moi je veux et je peux'. Aujourd'hui tout cela a été inversé. Retailleau veut mais en réalité il veut moins que le RN. Et il n'a aucune chance, il ne peut pas. Et nous on veut et on peut."

Un proche de la cheffe des députés RN estime que la problématique du ministre de l'Intérieur résulte dans ses résultats au sein du gouvernement: "cela fait 6 mois qu'il parle, qu'il relaie nos sujets mais pour l'instant sans résultats. Il parle immigration, droit du sol, référendum. Pour l'instant ça fait le boulot qu'il parle de ces sujets-là. Tous ces sujets qui étaient il y a quelques mois interdits. On trouve ça pas mal, mais après il ne va pas rester en stabilisation très longtemps sans résultats".

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"Au mieux c'est une réserve de voix"

Un autre député parle, lui, d'un "effet Retailleau" qui fait à la fois monter les Républicains et le Rassemblement national pour les échéances électorales à venir, au détriment de l'ex-majorité présidentielle.

"Moi je pense que Retailleau nous rend service et abîme la macronie. Et tout ce qui aura touché à la macronie de près ou de loin sera vérolé pour l'avenir. Il ne fait pas un second tour, au mieux c'est une réserve de voix", ajoute-t-il.

Un parlementaire proche de Jordan Bardella abonde: "c'est un Bellamy bis, il a son public. Il peut performer à 8-10% et au second tour, il peut psychologiquement préparer les électeurs à voter pour nous donc très bien".

"Pas le charisme de Sarkozy, pas le parti de Sarkozy... Puis la guerre avec Wauquiez va laisser des traces", analyse un député qui veut croire que Bruno Retailleau et "son positionnement conservateur" vont finir par plafonner.

Reste qu'en coulisses un conseiller de Marine Le Pen le reconnaît: "certains chez nous sont inquiets". Un député estime que "ce sont les mêmes qui ont espéré Zemmour qui veulent Retailleau mais ça n'ira pas beaucoup plus loin. Après, il ne faut pas le laisser monter donc ne pas dire tous les matins c'est notre porte-parole!"

Sophie Dupont