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"Rien n’est joué": la bataille des droites entre Wauquiez et Retailleau pour la présidence de LR reste indécise

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À trois semaines de l'élection du président des Républicains, l'incertitude règne sur l'issue du scrutin qui oppose Laurent Wauquiez à Bruno Retailleau. Pour les derniers jours de campagne, les équipes ont pour objectif de durcir le ton... Sans redonner l’image d’une famille politique qui se déchire.

À trois semaines du scrutin, la campagne s'intensifie. Au cours des deux derniers mois, Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, tous deux candidats à la présidence des Républicains, ont décuplé les efforts pour obtenir le ralliement de nouveaux adhérents.

Le délai pour adhérer à LR afin de désigner son nouveau président à la mi-mai a expiré ce jeudi à minuit, ouvrant une nouvelle étape dans la bataille des droites à laquelle se livrent le ministre de l'Intérieur et le chef des députés LR. Les deux candidats seront sur BFMTV ce dimanche, Laurent Wauquiez à 12 heures et Bruno Retailleau à 18 heures.

La grande incertitude (partagée) 

"Rien n’est joué", assure-t-on dans les deux camps. Chez Laurent Wauquiez, parce qu’il "n’est pas le favori", concède un soutien. Et chez Bruno Retailleau, "parce que crier victoire trop vite serait mal vu", assure un proche du candidat-ministre. Mais aussi "parce que les adhésions ont été beaucoup plus nombreuses que prévues, et qu’il est difficile de déterminer ce que votera cette majorité silencieuse", analyse un ponte du parti. 

La "bataille des cartes" d’électeurs LR est désormais achevée, et le collège électoral qui arbitrera le match atteint un niveau "inespéré", s’enthousiasment les deux écuries: le compteur s'est arrêté à 122.264 adhérents cette semaine, selon les informations de BFMTV. 

"La droite reprend des couleurs"

Cette mobilisation permet aux deux camps de tomber d’accord sur un point: il s'agit d'une bonne nouvelle pour la droite. "On arrive à peu près au stade des primaires de 2021, avant que Pécresse ne soit candidate", rappelle un proche de Laurent Wauquiez. "90.000, on aurait déjà pris ça comme une belle victoire. C’est une surprise, même si les résultats des dernières législatives partielles nous le disaient un peu déjà. La droite reprend des couleurs", ajoute-t-il.

Même satisfaction d’un élu proche de l’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui tempère tout de même: "On reste un flotteur à droite, mais un flotteur qui a du poids."

Les retaillistes saluent également la dynamique que cette élection apporte au parti, mais y voient aussi la puissance de la caisse de résonance du ministre de l’Intérieur. "Ça n’est pas tant le fait qu’il soit ministre de l’Intérieur, mais ses succès au ministère de l’Intérieur", commente un soutien du Vendéen. "Ça redonne de l’espoir à certains électeurs LR qui avaient laissé tomber. Nous en avons rencontré qui n’avaient pas prévu d’adhérer à nouveau, mais qui l’ont fait pour lui", assure-t-il.

Le Tour de France de la droite

Chaque appareil analyse, en coulisse, le nombre d’adhésions dans chaque région, et tente d’en tirer des conclusions. Chez Laurent Wauquiez, on se satisfait du nombre de "cartes" engrangées dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (plus de 20.000): "c’est plus que ce à quoi l’équipe de Retailleau s’attendait". "On est quand même loin du plébiscite, dans sa propre région…", griffe un élu proche de Bruno Retailleau, qui veut voir dans les adhésions en Île-de-France un mouvement pour le ministre-candidat. "30.000 adhésions c’est fort. On y voit aussi la patte de nos soutiens, la présidente de région Valérie Pécresse, comme dans les Hauts-de-France avec Xavier Bertrand", estime ce proche du ministre.

Pour autant, Bruno Retailleau se défend d’être "le candidat des barons": "Ce ne sont plus les têtes d’affiche qui prescrivent les votes, ça n’existe plus", balaie un élu. "Nous étions premiers sur les parrainages de militants, c’est ce qui compte", tient à préciser un de ses soutiens. Qui ajoute: "Mais quand même, entre (être) soutenu par tout le monde, et (n'être) soutenu par personne…"

L’équipe de Laurent Wauquiez est de fait bien moins dotée en appuis médiatiquement identifiés. Une force, assure un de ses proches, qui raille les barons: "Ce n’est pas comme si toutes ces personnes avaient constitué une machine à gagner pour la droite ces dernières années… Copé, la présidentielle de Pécresse…". 

Jusqu’au bout, les petites mains de la campagne effectuent une "campagne de terrain au plus près des militants": des réunions de 100, 200 personnes, avec buffet offert par le candidat -ce qu’il assume, au plus proche des adhérents. 

Un angle mort

À l’incertitude des inclinaisons des différentes régions s’ajoute un dernier angle mort inattendu: les "15.000 à 20.000 adhérents de dernière minute, ces 10 derniers jours, que personne n’avait vu venir", concède un proche de Laurent Wauquiez. "Personne ne sait pour qui ils vont voter". "Nous non plus", avouent les proches de Bruno Retailleau. 

Un des axes principaux de cette dernière ligne droite sera donc la bataille des grosses fédérations. Avec deux territoires de prédilection: l’Île-de-France et le Sud-Est, bastions historiques de la famille de la droite. 

Laurent Wauquiez a prévu différents meetings au Canet, dans le Val d’Oise, dans les Hauts-de-Seine à nouveau, avant de revenir sur ses terres à Lyon, selon nos informations, pour son dernier meeting. De retour de Cannes, Bruno Retailleau envisage lui aussi d’autres meetings en région parisienne, pour la dernière ligne droite.

"Attaquer sans débiner"

Pour les derniers jours de campagne, les équipes ont pour objectif de durcir le ton... Sans redonner l’image d’une famille qui se déchire, le mouvement ayant été marqué en 2024 par la scission de son président, Eric Ciotti, parti s'allier au RN. "Il faut attaquer sans débiner", résume un proche de Laurent Wauquiez. 

"Hors de question de revivre ce que notre famille a connu. Par ailleurs, Bruno Retailleau est populaire, c’est contre-productif: Laurent continue à jouer la carte du 'duo', l’un au parti, l’autre au gouvernement", ajoute cette main de la campagne du chef des députés LR.

"Cela restera un axe très fort de la fin de cette campagne pour Laurent: redire aux adhérents que Bruno Retailleau est empêché, entravé, parce qu’il est contraint par la solidarité au gouvernement. Retailleau, aujourd’hui, c’est Macron, et c’est Bayrou… Celui qui a fait appeler à voter Royal contre Sarkozy en 2007", étrille un proche de Laurent Wauquiez. Qui admet quand même que la position du ministre de l’Intérieur sur les tensions entre la France et l’Algérie "lui a fait marquer des points. Mais avec quel résultat? Il y a deux mois, il n’y avait pas match. Mais depuis... On verra si les adhérents se satisfont d’un doute bienveillant…". 

Le duel Retailleau/Wauquiez va-t-il à nouveau déchirer la droite?
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Même retenue dans les coups chez Bruno Retailleau, dont les proches critiquent néanmoins - et vertement - le "caractère" de l’Auvergnat et sa capacité à rassembler: "il s’est mis tellement de monde à dos, il est son pire ennemi", commente un stratège de la campagne. "Il faut voir ce que Barnier dit de lui, les bâtons qu’il a mis dans les roues de la famille de la droite… Comment voulez-vous rassembler avec une personnalité pareille?", demande-t-il. 

Dans l’entourage de Bruno Retailleau, on concède avec étonnement que la proposition de Laurent Wauquiez sur Saint-Pierre-et-Miquelon "lui a fait gagner des points auprès de l’électorat LR". Le député a proposé "d'enfermer" à Saint-Pierre-et-Miquelon les personnes dangereuses sous obligation de quitter le territoire (OQTF) refusant de retourner dans leur pays.

2027 dans les esprits

L’entourage de Bruno Retailleau juge toutefois que cette proposition, qui a fait polémique de la gauche au camp présidentiel, le "disqualifie pour gagner". Pour gagner la présidence des LR, ou la présidence tout court? 

La "suite" est déjà dans la tête des deux écuries. "Dans un an, on refait la même élection. Aucun des deux n’est assez fort à ce stade, pour être un candidat naturel pour 2027", analyse un proche de Laurent Wauquiez. "Et le résultat de cette présidence n’y changera rien. Les deux seront candidats."

"Bruno ne dit pas' jamais', il n’a pas le virus. Mais s’il gagne et qu’il est le mieux placé, bien sûr qu’il sera candidat", abonde un proche de Bruno Retailleau. 

"C’est pour ça qu’on va tous être très gentils, faire la photo de famille quoi qu’il arrive à la fin de cette campagne. Parce que dès le 19 mai, c’est la campagne suivante qui commence", ajoute-t-il. 

Anne Saurat-Dubois avec Sophie Cazaux