Comparution immédiate, fin de "l'excuse de minorité"... Ce que contient la loi sur la justice des mineurs

Des policiers patrouillent dans une rue après des émeutes et l'incendie de plusieurs voitures dans le quartier de Parilly à Bron, près de la ville de Lyon, dans le centre-est de la France, le 6 mars 2021. - OLIVIER CHASSIGNOLE
Passée au forceps. Après un parcours sous haute très tension, le Parlement a définitivement adopté ce lundi soir la proposition de loi défendue par le président des députés macronistes Gabriel Attal.
Lancé après les émeutes liées à la mort de Nahel, un jeune homme tué d'un tir de policier à l'été 2023, ce texte d'abord porté par Élisabeth Borne, alors Première ministre, vise à "restaurer l'autorité", "responsabiliser les parents" et "juger plus vite" les mineurs délinquants récidivistes.
• La comparution immédiate pour les jeunes récidivistes dès 16 ans
Impossible jusque-là pour les mineurs, une procédure de comparution immédiate est désormais instituée pour les jeunes de 16 ans et plus, à condition qu'ils soient déjà connus de la justice, que ce soit pour une condamnation ou une mesure éducative. Concrètement, la comparution immédiate permet de faire juger le prévenu dès la fin de sa garde à vue.
Elle sera possible seulement pour les infractions graves, avec une peine encourue de plus de trois ans, comme l'homicide volontaire par exemple. Comme pour les majeurs, la comparution immédiate ne sera possible qu'avec l'accord du jeune.
La mesure a suscité la colère de l'ensemble de la gauche. Dans un avis du 21 novembre 2024, la Défenseure des droits a considéré que cette réforme contrevenait au principe fondamental d'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs.
"Le principe de la primauté de l'éducatif, qui implique la connaissance de la personnalité et de la situation familiale du mineur" est "incompatible" avec un tel dispositif regrette l'institution.
• La fin de l'excuse de minorité automatique pour les récidivistes à partir de 16 ans
Jusqu'ici, en vertu du principe de "l'excuse de minorité", un mineur était systématiquement sanctionné moins sévèrement qu'un majeur avec des peines divisées par deux par rapport à un adulte. Ce principe, qui existe depuis 1945, reste pour les mineurs en dessous de 16 ans.
Mais pour ceux au-delà de 16 ans, l'excuse de minorité disparaît, et ils seront désormais jugés sur la même échelle de peine que les majeurs en cas de récidive punis d'une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Si les juges souhaitent cependant garder ce principe, ils le pourront, mais devront motiver leur décision.
La mesure suscite le scepticisme des magistrats Évelyne Sire-Marin, magistrate honoraire et membre du bureau de la Ligue des Droits de l'Homme, soulignait à l'occasion de la mort d'un collégien tabassé à mort dans l'Essonne au printemps 2024 sur BFMTV qu'"on avait déjà tous les instruments juridiques pour éventuellement écarter cette excuse de minorité et mettre les mineurs en prison".
Avant la proposition de loi de Gabriel Attal, les magistrats pouvaient déjà en effet écarter "l'excuse de minorité" en cas de fait particulièrement grave. Elle n'a cependant été levée qu'à deux reprises depuis 1945 pour des crimes particulièrement graves.
• Des peines plus lourdes pour les parents
La responsabilité civile des parents, déjà prévue par la loi pour leur faire payer des dommages causés par leurs enfants mineurs, est largement renforcée. Jusqu'ici, en cas de séparation des parents, seul celui qui avait la garde de son fils ou de sa fille devait payer. Reste cependant à être en mesure de recouvrir les sommes dues, une situation parfois impossible en cas de trop faibles revenus.
Les parents qui ne répondent pas aux convocations de la justice ou aux auditions d'assistance éducative risqueront désormais une amende civile d'un montant maximum de 7.500 euros, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici.
Enfin, le délit de soustraction d'un parent à ses obligations légales, qui reposent sur le fait de "se soustraire" à son rôle de parent au point de "compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation", est largement alourdi.
Lorsque l'absence d'un parent conduit à la commission de plusieurs crimes ou délit par l'un de ses enfants, il risquera jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende. La mesure, déjà existante, n'est que pour l'instant très peu appliquée dans le cas de délinquance. Mais elle n'entraînait jusqu'à présent que deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.
Désormais adopté par le Parlement, le texte va désormais passer les fourches caudines du Conseil constitutionnel. La gauche juge en effet que cette nouvelle loi ne respecte pas les droits de l'enfant, pourtant inclus dans la déclaration des droits de l'Homme.