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Mort d'Elias mortellement poignardé à Paris: qu'est-ce que l'excuse de minorité?

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Les deux adolescents, suspectés d'avoir poignardé mortellement Élias à Paris, ont été mis en examen et placés en détention provisoire ce lundi 27 janvier. Les deux suspects étant mineurs: qu'est-ce que l'excuse de minorité?

"La justice des mineurs en France est un fiasco." Ce mardi 28 janvier, Bruno Retailleau s’est exprimé sur France 2, quelques jours après la mort d’Elias, un adolescent de 14 ans poignardé mortellement à Paris.

Les suspects sont deux adolescents âgés de 16 et 17 ans. Ils ont été mis en examen et placés en détention provisoire ce lundi 27 janvier. Tous deux étaient connus de la justice de mineurs. Ils devaient être jugés en juin pour des faits de vols commis avec violence. Dans l’attente de cette audience, ils étaient libres avec pour obligation de ne pas entrer en contact l’un et l’autre.

Depuis la mort d’Elias, les voix s’élèvent dans les rangs politiques contre la justice des mineurs en France. "Il n’y a pas d’excuse, même de minorité, pour celui qui tue un enfant de 14 ans", a déclaré le ministre de l’Intérieur sur France 2.

Ce principe juridique, bien que souvent dénoncé et contesté dans la sphère politique, existe bel et bien en droit français. Créé par l’ordonnance du 2 février 1945, l'excuse de minorité a été reprise dans le Code de la justice pénale des mineurs (CJPM) en 2021. L’excuse de minorité prévoit qu’un mineur, "capable de discernement", c’est-à-dire âgé d’au moins 13 ans, doit être moins sévèrement puni qu’un majeur.

Une peine divisée par deux

Concrètement, pour les mêmes faits, la peine pénale encourue, ainsi que les amendes, sont divisées par deux pour les mineurs contrairement au majeur. Par exemple, pour un vol avec violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours, une personne majeure encourt jusqu’à 10 ans de prison et 100.000 euros d’amende. Un mineur, lui, peut être condamné au maximum à cinq ans de prison.

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Pour le meurtre d’un mineur, une personne majeure encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Dans le cas où l’auteur serait mineur, une distinction s’opère selon son âge. S’il a 13 ans ou plus et moins de 16 ans, il peut être condamné à une peine allant jusqu’à 20 ans de prison. S’il a 16 ans ou plus, et que l’excuse de minorité est levée, il encourt jusqu'à 30 ans de réclusion criminelle.

L’excuse de minorité peut donc bien être levée, à l’appréciation du juge, et dans des cas précis et exceptionnels. Il faut donc que le suspect soit âgé d’au moins 16 ans, que son discernement soit retenu et que les circonstances de l’acte et le profil de l’auteur le justifient.

L'excuse de minorité levée à deux reprises seulement

En France, l’excuse de minorité n’a été levée qu’à deux reprises depuis l’ordonnance de 1945. En 1989, Patrick Dils, alors âgé de 16 ans, est condamné à la perpétuité pour le meurtre de deux enfants à Montigny-lès-Metz. Si le principe juridique n’avait pas été levé, la peine de l’adolescent, qui a finalement été innocenté, aurait été ramenée à 25 ans de prison.

En 2014, Matthieu M., 17 ans, a été condamné à la prison à perpétuité pour le viol et l’assassinat d’Agnès, une adolescente de 13 ans.

Depuis plusieurs mois, plusieurs drames impliquant des mineurs ont fait réagir la classe politique française. Gabriel Attal, alors Premier ministre, avait annoncé lors d’un déplacement à Viry-Châtillon où un collégien avait été tabassé à mort en avril dernier, ne pas écarter de revoir certains principes en matière pénale, notamment l’excuse de minorité.

"Dans le respect vigilant de nos principes constitutionnels (...) le ministre (Éric Dupond-Moretti, NDLR) y travaillera et réfléchira dans les prochaines semaines avec les parties prenantes, à ouvrir ce débat d’atténuation possible à l’excuse de minorité, si c’est possible et si c’est souhaitable", avait déclaré le chef du gouvernement.

Michel Barnier, son successeur à Matignon, avait de son côté annoncé la poursuite de "la réflexion sur les atténuations de l’excuse de minorité" lors de son discours de politique générale.

"Il faut stopper la montée continue de la violence de mineurs qui rendent impossible la vie de quartiers entiers. Les Français demandent enfin à ce que les peines soient réellement exécutées", avait argumenté Michel Barnier face aux députés. "Il est nécessaire que les jugements soient respectés, que les peines soient exécutées sans être transformées au risque de faire perdre toute crédibilité à la réponse pénale."

L'ancien ministre de la Justice, Didier Migaud, avait de son côté dit ne pas être hostile à l'idée d'écarter l'excuse de minorité pour des faits d'une "extrême violence", quatre jours après un meurtre à Marseille impliquant un tueur à gages de 14 ans.

"Établir un âge minimum"

Reste que la Convention internationale des droits des enfants de 1989 oblige les États signataires à "établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale".

Dans son article 40, elle prévoit que les états signataires doivent "s'efforcer de promouvoir l'adoption de lois, de procédures, la mise en place d'autorités et d'institutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus d'infraction à la loi pénale". Mais aussi prévoir une série de dispositions "en vue d’assurer aux enfants un traitement conforme à leur bien-être et proportionné à leur situation et à l’infraction”.

"La justice des mineurs est une justice d'exception, et elle doit le rester", a déclaré de son côté Me Florence Rouas, avocate pénaliste ce lundi sur BFMTV. "On ne peut pas juger des mineurs de la même manière qu'on juge des majeurs."

Charlotte Lesage