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Paris Île-de-France

Mort de Nahel: pourquoi le parquet requiert un procès pour meurtre contre le policier auteur du tir

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Le parquet de Nanterre a requis, ce mardi 4 mars, un procès pour meurtre contre le policier auteur du tir mortel contre Nahel, un jeune homme tué le 27 juin 2023 lors d'un refus d'obtempérer en voiture. Un choix que le ministère public justifie par plusieurs éléments.

Le parquet de Nanterre a requis, ce mardi 4 mars, le renvoi devant les assises pour meurtre du policier auteur du tir qui avait tué Nahel, le 27 juin 2023. Sa mort avait plongé de nombreuses villes de France dans plusieurs nuits d'émeutes.

De nouvelles réquisitions qui ont suscité l'indignation du côté des syndicats de forces de l'ordre mais que le ministère public justifie en mettant en avant plusieurs éléments mis en lumière durant l'instruction.

Un policier habitué aux armes

L'un des éléments qui ont poussé le parquet à requérir un procès pour meurtre est la familiarité de l'agent avec les armes à feu. Il s'agit d'un ancien militaire qui "avait l’habitude du maniement des armes".

Selon l'expert balistique consulté lors de l'instruction, cette arme et les munitions étaient "susceptibles d’entraîner de graves blessures voire mortelles" sur une portée "de plusieurs centaines de mètres" et le policier, habitué aux armes connaissait cette "portée dangereuse, voire létale" de cette arme.

Pourtant, "il a tiré à très faible distance sur la victime, plaçant dans un premier temps la bouche du canon à quelques centimètres du pare-brise et dans un second temps au-delà du bout touchant".

Une "prise de risque inconsidérée"

Le parquet relève aussi que le policier a toujours contesté vouloir tuer Nahel M., mais a toujours "assuré avoir eu l’intention de tirer en direction de la partie basse du corps de Nahel M." donc pas dans une zone létale. Malgré ces déclarations, le procureur retient aussi que le policier a dit "qu’il ne disposait pas véritablement de visibilité par rapport à la position de (Nahel. NDLR) dans l’habitacle".

"Dans ces conditions, ouvrir le feu constituait nécessairement et à tout le moins une prise de risque inconsidérée, d’autant qu’eu égard à la position basse du conducteur dans ce véhicule 'sport', un tir à travers le pare-brise, quel qu’il soit, exposait nécessairement les parties vitales du corps de la victime ; en l’espèce, le tir a d’ailleurs atteint cette dernière dans la région cœur-poumons, qui est sans conteste une zone vitale", indique le procureur.

"Si l’objectif de Florian M. était exclusivement d’empêcher le conducteur de la Mercedes de redémarrer, il lui était possible de tirer sur le capot ou sur les pneus du véhicule, ce qui aurait permis d’éviter toute atteinte à l’intégrité physique du conducteur", ajoute-t-il.

"Un comportement particulièrement dangereux"

Le procureur retient aussi que Nahel a bien eu avant le tir un "comportement particulièrement dangereux" en voiture et qu'il a "mis en danger la vie d’autrui lors de la course-poursuite ayant précédé les faits". Mais au moment du coup de feu, Nahel est arrêté avec les policiers à côté de la voiture et il redémarre. Or à ce moment précis, "il n’apparaît pas qu’il a représenté un danger immédiat pour la vie de Florian M. ou l'autre policier", dit le parquet.

"Florian M. au moment du tir ne pouvait anticiper la trajectoire future du véhicule, nonobstant le périple antérieur ayant pu lui laisser penser que Nahel M. finirait par provoquer un accident", ajoute-t-il.

Le parquet considère d'ailleurs que "les policiers auraient pu ouvrir la portière du véhicule du conducteur pour tenter de le faire sortir, l’interpeller et le menotter".

"En réalité, le déclenchement du tir s’explique essentiellement par l’état de tension extrême dans lequel la scène a eu lieu, mais précisément, en sa qualité de fonctionnaire de police expérimenté, Florian M. aurait dû conserver son sang-froid, éviter toute nervosité et mesurer à l’aune de la situation les risques que son propre comportement pouvait engendrer", analyse finalement le parquet.

Concernant l'autre agent sur place, le parquet demande le non-lieu car il n'y a pas "d’élément matérialisant d’acte positif de complicité" notamment car "il n’apparaît pas que le tir de Florian M. a été effectué dans le cadre d’échanges ou d'interactions".

Interrogé après l'annonce de ces réquisitions, Me Franck Berton, avocat de la mère de Nahel, y voit "une décision conforme à la réalité des faits". "L'intention d'homicide était patente et évidente, réagit-il auprès de BFMTV. C'est sûrement la première fois qu’un policier va aller aux assises sous accusation de meurtre."

Un an après la mort de son fils, la mère de Nahel confiait en juin 2024 être "morte à l'intérieur" et entendait quitter la France après le procès et une éventuelle condamnation.

Maxime Brandstaetter avec Sylvain Allemand