"Instrumentalisation politique": après sa contre-attaque, Julien Bayou fâche les écologistes

Le numéro un d'EELV et candidat en Ile-de-France, Julien Bayou avant un débat télévisé à Paris le 14 juin 2021 - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Une démission puis une riposte qui vise directement la cellule d'enquête interne des écologistes. Après avoir quitté ses fonctions à la tête d'Europe Écologie-Les Vert lundi matin, Julien Bayou, qui est accusé par son ex-compagne de violences psychologiques, a répliqué par la voix de son avocate. Plusieurs membres de son parti regrettent son positionnement.
"À quatre reprises, Julien Bayou a demandé par écrit à être auditionné devant cette cellule (de lutte contre les violences sexuelles et sexistes), ce qui lui a été purement et simplement refusé", a tancé son avocate Marie Dosé ce lundi, précisant qu'il n'avait "jamais exercé la moindre violence psychologique".
"Il était toujours d'accord avec le fonctionnement de la cellule"
Ce dispositif est "incapable de travailler en respectant le moindre principe fondamental", avance encore sa défenseuse, regrettant "une instrumentalisation" "à des fins politiques".
Au sein du parti qui a été le premier en France à se doter de ce type d'organe en 2016, le coup est rude.
"Il a quand même été notre patron pendant presque trois ans et il était toujours d'accord avec le fonctionnement de la cellule, jusqu'à que ça le concerne", regrette une élue écologiste auprès de BFMTV.com.
"On ne fait pas autrement pour les autres"
Julien Bayou n'avait jusqu'ici pas critiqué la procédure liée au signalement de son ex-compagne. Son cas était passé sous les radars médiatiques malgré des propos de sa part sur le dossier pendant l'été dans les colonnes du Figaro.
Mais une interview de Sandrine Rousseau le 19 septembre change la donne. La députée écologiste évoque sur France 5 le travail de la cellule interne sur le cas Bayou et explique que l'organe travaille sur des accusations de "comportements de nature à briser la santé morale des femmes". De quoi mettre un coup de projecteur sur le travail du parti en la matière.
Sur le site d'EELV, le dispositif semble très clair: il prévoit que la plaignante est d'abord reçue par la cellule, après qu'elle ait effectué son signalement. Les membres de l'organe recueillent ensuite des témoignages qui peuvent infirmer ou confirmer les faits supposés. La personne incriminée est reçue à la fin de la procédure avant que la cellule ne propose d'éventuelles sanctions.
"On ne fait pas autrement pour les autres que Julien Bayou et c'est bien normal. J'entends les plaintes sur la lenteur mais le signalement a eu lieu juste avant les vacances d'été. Le travail est effectué par des bénévoles et manifestement, ils ne sont pas encore à la fin de leurs investigations", avance en guise d'explication la sénatrice écologiste Raymonde Poncet.
"Le temps de l'actualité et le temps de la procédure"
Les critiques passent d'autant plus mal que l'ancien numéro un du parti a soutenu les modifications du protocole à l'hiver dernier, donnant désormais à la cellule le pouvoir de sanctions provisoires.
"On peut évidemment améliorer nos processus, peut-être décider de se donner une échéance pour rendre des conclusions", reconnaît cependant Hélène Hardy, membre du bureau exécutif du parti.
Les membres de la cellule ont mis un bémol à sa demande : la difficulté de fixer une date de fin de la procédure alors que les dates des auditions des différentes personnes sont parfois compliquées à fixer rapidement. Un audit sur son fonctionnement est prévu en 2023 et pourrait amener à des changements.
"On sait bien que Julien a été mis sous pression par le fait que ça passe le mur du son médiatique. On a un vrai problème, entre le temps de l'actualité et le temps de notre procédure", reconnaît une députée EELV.
Tensions entre Rousseau et Bayou
Si certaines critiques de la part de l'avocate de Julien Bayou ont visé juste, la mise en cause du parti passe cependant mal dans les rangs écologistes, après une présidentielle jugée décevante et une élection interne pour désigner son successeur à l'hiver prochain. Une phrase de Marie Dosé a particulièrement déplu.
"Personne n'ignore que le congrès des écologistes se tient en fin d'année. L'ambition politicienne ne saurait justifier toutes les croisades", a lancé sa défenseuse, visant Sandrine Rousseau, sans la nommer.
Prise de parole "dans les prochains jours"
Certains en interne jugent que la sortie de l'éco-féministe sur un plateau de télévision s'explique en partie par l'élection interne à venir qui opposera Mélissa Camara, l'une de ses intimes, à Marine Tondelier, proche du désormais ancien secrétaire national.
"Je n'y vois pas un coup politique de la part de Sandrine Rousseau. Elle a pris la parole sur un sujet qui est le sien : la défense des droits des femmes. Je ne pense pas qu'elle avait forcément un agenda politique en tête", nuance Hélène Tardy, membre du bureau exécutif.
Les tensions pourraient encore monter d'un cran. Julien Bayou doit s'exprimer "dans les prochains jours", a indiqué son avocate.