Hamon-Mélenchon: fin de partie

En politique comme en amour, certains signes ne trompent pas. Certains mots non plus. Au cours du week-end, la perspective d'une alliance entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon est passée du rang de l'hypothèse à celui de la chimère. Mis bout à bout, les mots échangés par les candidats montrent que dans chaque camp, le constat est le même: les egos n'ont pas été dépassés, le rendez-vous a été manqué. Mais surtout, chacun se renvoie la faute de cet échec.
Le vent a définitivement tourné vendredi soir, lorsque sur BFMTV Jean-Luc Mélenchon a affirmé ne pas vouloir s'accrocher au "vieux corbillard" du PS. Les deux hommes devaient convenir d'une rencontre au cours du week-end et se sont parlés, alors que Benoît Hamon était en déplacement au Portugal. Mais d'après le candidat de la France insoumise, les choses avaient déjà trop tardé.
"J’ai attendu. Je ne voulais pas faire le mec qui se précipite, trois semaines, ça va!", a-t-il estimé, devant la caméra de BFMTV. "Voilà, j’ai proposé une date de rendez-vous (...) Et puis, après j’apprends que, non, non, j’aurais fermé la porte… Alors que c’est quand même moi qui ait fait le pas!", se défend Jean-Luc Mélenchon, qui refuse d'être "un amoureux éconduit", même si le parallèle est tentant.
Les "conditions fortes" qui coincent
Message reçu cinq sur cinq pour Benoît Hamon, dont le camp a renvoyé à Jean-Luc Mélenchon la faute de ce malentendu. Sur BFMTV, Pascal Cherki, député et conseiller politique du candidat du PS, s'est réapproprié la métaphore amoureuse:
"Je pense que Jean-Luc Mélenchon est dans une stratégie d'évitement. Quand vous voulez vous marier, vous trouvez à votre compagnon ou votre conjoint quelques qualités", a-t-il fait valoir.
En marge de sa visite au Portugal, le vainqueur de la primaire a remis de l'huile sur le feu en affirmant qu'il ne "courrai(t) pas après Jean-Luc Mélenchon", ni après personne. Dimanche, dans le Grand jury, il a aussi dénoncé les "conditions fortes" posées par Jean-Luc Mélenchon comme préalable d'un rassemblement, puisque le candidat de la France insoumise souhaite ne voir investir aux législatives aucun ministre du quinquennat.
"Ma priorité ne consiste pas à parler aux appareils (...) mais aux électeurs de gauche et à tous les Français. Nous ne pouvons pas nous permettre d'assister passifs à un second tour entre la droite, qui est une droite dure, et l'extrême droite", a-t-il insisté, brandissant la menace du vote frontiste.
Mélenchon n'est pas "un satellite du PS"
"C'est la raison pour laquelle je serai tenace, têtu. Je respecte les égos, j'en ai moi-même un. Mais si la dynamique se confirme, vous verrez, elle parviendra à vaincre bien des réticences", a-t-il estimé, se voulant optimiste. Pourtant, ce lundi matin, les équipes de chaque candidat ont eu du mal à faire croire qu'un avenir commun était envisageable. Alexis Corbière, le porte-parole de Jean-Luc, a défendu la bonne volonté de son candidat, sur RMC et BFMTV, regrettant qu'à l'issue de la primaire, Benoît Hamon ait commencé par aller voir "Monsieur Cazeneuve" et "Monsieur Hollande".
"Quand un socialiste vous parle d'unité, ça veut dire derrière moi", a-t-il dénoncé, déclarant que Jean-Luc Mélenchon n'était pas "un satellite du PS". "Nous sommes une force majeure. Benoît Hamon "est un candidat sous influence solférinienne", a-t-il ajouté.
Cambadélis en appelle aux électeurs
Refusant de dire clairement qu'un accord n'était plus possible, le porte-parole du candidat a insisté sur la nécessité, pour une telle alliance, de se construire en rupture avec le quinquennat: "Dans la vraie vie on peut se rencontrer, mais si mon opinion c'est de dire 'je vais recycler les mêmes', ça ne marchera pas. Les 50% de Français qui n'ont pas fait leur choix ils vont nous dire mais vous nous resservez le même plat, ils vont jeter des cailloux à Mélenchon", a-t-il conclu.
Au même moment, sur France 2, Jean-Christophe Cambadélis appelait les électeurs de Jean-Luc Mélenchon à se rassembler derrière Benoît Hamon.
"Quand vous ne pouvez pas vous mettre d'accord au sommet il faut créer de la dynamique pour que ce soit les électeurs qui tranchent", a-t-il expliqué.
Un accord trouvé avec Jadot
D'après lui, "Jean-Luc Mélenchon est engagé dans une dynamique" et "n'avait pas prévu l'arrivée de Benoît Hamon". Il serait donc "gêné par cette nouvelle donne". Le premier secrétaire du Parti socialiste a voulu lui aussi se montrer optimiste, au risque de donner l'impression d'un dialogue de sourds, entre les deux camps.
"Elle se heurte à des difficultés mais la dynamique elle est là. Les discussions se poursuivront, je pense qu'ils vont se rencontrer, a-t-il poursuivi, évoquant aussi les législatives. "Toutes les gauches seront représentées dans son gouvernement, ça vaut le coup de discuter", a-t-il estimé, évoquant une possible victoire de Benoît Hamon à la présidentielle.
Benoît Hamon, engagé également dans des discussions avec un autre candidat de la gauche, Yannick Jadot, devrait avoir moins de difficultés à mener cette histoire à bien. Les deux hommes doivent se rencontrer ce lundi et son parvenus à trouver un accord. Un vote devrait intervenir en fin de semaine, après lequel le candidat écologiste pourra retirer officiellement sa candidature.