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"On n'a pas de précédent": Sébastien Lecornu peut-il présenter le projet de loi de finances sans gouvernement?

Sébastien Lecornu, le 27 août 2025.

Sébastien Lecornu, le 27 août 2025. - Photo par AMAURY CORNU / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le droit prévoit que le projet de budget soit déposé en Conseil des ministres avant d'être examiné au Parlement. Or, Sébastien Lecornu n'a pas encore nommé de gouvernement pour participer à ce Conseil des ministres et la date butoir de dépôt du bugdet 2026 approche...

La procédure classique prévoit que le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) soient déposés au plus tard ce lundi 13 octobre en Conseil des ministres pour que la France se dote d'un budget 2026. Cette date butoir vise à laisser au Parlement le délai légal de soixante-dix jours pour examiner ces textes.

"En droit, ce qui fait qu'un projet de loi est un projet de loi, c'est qu'il y a un Conseil des ministres qui l'a adopté avant qu'il soit déposé au Parlement", explique sur BFMTV Benjamin Morel, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public à l'université Paris 2.

Toutefois, le Conseil des ministres ne se tiendra pas demain, a appris BFMTV. Si la date butoir va donc être dépassée, le Premier ministre Sébastien Lecornu peut compter sur l'article 28 de la Constitution pour rattraper son retard. Il pourrait décider la tenue de "jours supplémentaires de séance" au Parlement, notamment le week-end, pour tenir les délais, relèvent nos confrères de Ouest-France.

"Un Conseil des ministres pourrait donc se réunir mardi 14 ou mercredi 15, sans aucun problème", indiquent les constitutionnalistes Benjamin Morel et Anne-Charlène Bezzina.

La question du calendrier étant écartée, reste la question de la nomination du gouvernement. Sébastien Lecornu, renommé à Matignon vendredi après sa démission quatre jours auparavant, n'a pas encore annoncé de gouvernement. Il n'y a donc personne à ce stade pour s'asseoir à la table du Conseil des ministres pour la présentation du projet de budget 2026.

Une nomination partielle du gouvernement?

Ce cas de figure ne s'est encore jamais présenté sous la Ve République et le droit peine à y répondre. "Ce que je peux vous dire en droit, c'est qu'on n'en sait rien. On n'a pas de précédent", assure le politologue Benjamin Morel.

Pourquoi renommer Sébastien Lecornu Premier ministre?
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Sébastien Lecornu a la possibilité de nommer une partie de son gouvernement avant le Conseil des ministres, et d'annoncer les ministres délégués et les secrétaires d'État ultérieurement.

Si dans les colonnes du Parisien, le député LFI Éric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, assure qu'il faut "un Conseil des ministres en bonne et due forme", il explique au Figaro que seuls les ministres "essentiels" au bon déroulé du processus budgétaire peuvent être nommés dans un premier temps. Nos confrères citent ainsi le ministre de l’Économie, des Comptes publics, du Travail et de la Santé.

Un projet de budget examiné par des ministres démissionnaires?

Quid d'un Conseil des ministres composé de Sébastien Lecornu et des ministres démissionnaires? "Il n'y a pas de précédent depuis la Troisième République", indique Benjamin Morel. Un gouvernement démissionnaire peut seulement expédier "les affaires courantes" selon la tradition républicaine mais aucun texte juridique n'encadre cette notion. On ne sait pas si le projet de budget entre dans "les affaires courantes".

Jean-Pierre Camby, docteur en droit et ancien administrateur des services de l’Assemblée nationale, estime auprès du Figaro qu'un gouvernement démissionnaire peut déposer un projet de budget au nom de la "continuité de la vie nationale". Une notion du Conseil constitutionnel datant de 1979. "Mais selon mon interprétation, cette notion de continuité de la vie nationale ne peut pas recouvrir des réformes fiscales d’ampleur", ajoute-t-il.

Le Secrétariat général du gouvernement (SGG) avance de son côté, dans une note dévoilée en décembre dernier par le média Contexte, que le Parlement "ne peut s’opposer à l’examen d’un PLF ou d’un PLFSS au motif qu’il aurait été déposé par un gouvernement démissionnaire". Mais là encore, aucun précédent ne le garantit.

Le constitutionnaliste Benjamin Morel juge également peu probable que le Conseil constitutionnel retoque, à la fin de la navette parlementaire en décembre prochain, un budget qui a été soumis par un gouvernement démissionnaire. "On voit assez mal le Conseil constitutionnel se pencher sur le casting du Conseil des ministres, en disant 'ils étaient démissionnaires, donc recommencez'", souligne-t-il. "Pour ces raisons-là, même si en droit on n'a pas de précédent, la réalité c'est que d'un point de vue pragmatique, ça peut passer".

Juliette Brossault