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Gouvernement

"On doit changer la règle": Retailleau veut encore allonger la durée de rétention pour les sans-papiers "les plus dangereux"

Le ministre de l'Intérieur français Bruno Retailleau le 26 février 2025 à l'Hôtel de Matignon à Paris

Le ministre de l'Intérieur français Bruno Retailleau le 26 février 2025 à l'Hôtel de Matignon à Paris - Ludovic MARIN © 2019 AFP

Bruno Retailleau hausse encore un peu plus le ton sur la durée maximale de placement en rétention administrative. Le ministre de l'Intérieur souhaite désormais qu'elle puisse être de 18 mois, soit 547 jours, après avoir évoqué 210 jours.

Durcir encore d'un cran. Après avoir annoncé en octobre dernier vouloir prolonger la durée de placement des étrangers en situation irrégulière "des individus les plus dangereux" à 210 jours, Bruno Retailleau veut aller beaucoup plus loin.

"Nous avions prévu au départ d'aligner le régime de tous les individus les plus dangereux sur le régime terroriste qui prévoit 210 jours. Je pense qu'il faut aller au-delà, au maximum, c'est-à-dire 18 mois" soit 547 jours, a lancé ce mercredi sur RTL le ministre de l'Intérieur.

Une option maximaliste

D'abord fixée à 10 jours en 1993, la rétention des étrangers en situation irrégulière a été portée à 90 jours avec la loi Collomb de 2018. Dans son discours de politique générale à l'automne, Michel Barnier alors Premier ministre, avait annoncé vouloir augmenter sa durée, sans indiquer de durée précise.

L'option sur la table était alors qu'il reprenne à son compte la proposition de loi des LR déposée fin septembre qui voulait porter à 135 jours la durée de rétention. Mais le locataire de la place Beauvau avait indiqué dans la foulée vouloir passer à 210 jours.

Mais pour Bruno Retailleau, l'attentat à Mulhouse le 22 février dernier, qui a coûté la vie à un homme et blessé trois policiers municipaux, a manifestement changé encore la donne.

L'assaillant présumé, un Algérien de 37 ans, était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Le suspect avait été condamné en 2023 pour apologie du terrorisme. Après sa condamnation à six mois de prison pour apologie du terrorisme, l'homme avait été libéré après quatre mois et demi de détention.

"Changer les règles" pour "éviter les trous dans la raquette"

Dans la foulée, il avait alors placé en centre de rétention administrative (CRA) pour 90 jours comme le prévoit actuellement la loi. Pendant cette période, la France avait tenté de l'expulser vers l'Algérie 14 fois "sans que jamais l'Algérie n'accepte" de reprendre le suspect, avait expliqué le ministre de l'Intérieur.

"Si demain, il y a un nouveau Mulhouse et que l'on constate qu'il y a un Algérien avec un profil très très dangereux qui commet un acte terroriste, qu'est ce que diront les Français?", s'est ainsi demandé Bruno Retailleau.

"On est comptable de cela", a estimé Bruno Retailleau. "Le risque zéro n'existe pas, dans aucun pays du monde. Mais à chaque fois qu'on constate qu'on a des trous dans la raquette, on doit changer la règle", a encore insisté l'ancien président des sénateurs LR.

Un vrai risque politique

Une directive européenne stipule cependant que les migrants ne peuvent être placés en rétention que "pour une durée la plus brève possible". La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le délai maximal de rétention autorisé est de 18 mois et doit s'arrêter "sans réelle perspective d'éloignement" vers le pays d'origine de la personne sans-papiers.

Mais reste désormais à faire voter la prolongation de la durée en centre de rétention au Parlement. Si une telle mesure passerait sans problème au Sénat, reste à convaincre à l'Assemblée nationale. La gauche voterait très probablement largement contre comme une partie de Renaissance.

Quant à sa place dans le calendrier parlementaire, elle est entière. La prochaine niche des Républicains, qui permet à la droite d'avoir la main sur l'agenda de l'Assemblée pendant une journée, n'aura lieu au mieux qu'à l'automne prochain.

La question du soutien de François Bayrou, soucieux d'éviter jusqu'ici les sujets qui peuvent faire exploser le bloc commun, est entière. Jusqu'ici, le Premier ministre ne s'est jamais exprimé sur le sujet.

Marie-Pierre Bourgeois