"Il use de sa salive inutilement": le podcast de François Bayrou sur le budget laisse la classe politique dubitative

Certains, proches de l'exécutif, y voient la création d'un "canal de communication directe avec les Français". Les autres, dans l'opposition, se montrent plus circonspects sur l'intérêt du podcast et de la série de vidéos Youtube lancées ce mardi 5 août par François Bayrou.
Le Premier ministre entend par ce biais justifier les orientations budgétaires de son gouvernement et son plan d'économies de 44 milliards d'euros pour le budget 2026. "C'est un moment si crucial que je ressens le besoin de parler en direct avec les Français. Pour que chacun d'entre eux, personnellement, se forge une opinion", a expliqué François Bayrou au Parisien.
"L’objectif est clair: rappeler le contexte dans lequel nous nous trouvons et expliquer les solutions envisagées", appuie auprès de BFMTV un conseiller de l'exécutif. "Le Premier ministre souhaite prendre le temps d’échanger avec les Français, loin des caricatures et postures des oppositions." Avec un mot d'ordre: "Pédagogie, pédagogie, pédagogie!"
"Les Français ne sont pas débiles"
Un député Modem veut aussi croire en l'intérêt de cet exercice, qui permettra notamment aux internautes de poser des questions à partir de la semaine prochaine. Le chef du gouvernement veut ainsi "montrer sa volonté de parler directement aux Français pour expliquer ses choix et sa démarche", expose-t-il.
Dans l'opposition, en revanche, cette mue du Premier ministre en podcasteur et Youtubeur ne convainc pas. "Il use de sa salive inutilement", tacle un parlementaire de gauche auprès de BFMTV.
"Les Français ne sont pas débiles. Il peut leur expliquer tout ce qu’il veut, il s’apprête à leur faire les poches, ils le savent."
Antoine Léaument, député La France insoumise de l'Essonne, concède que "c’est toujours une bonne chose que les élus essaient de convaincre plutôt que de contraindre". "Mais Bayrou essaie quand même de contraindre à la fin", ajoute-t-il. "On ne fait pas avaler de l’acide sulfurique à quelqu’un juste parce qu’on l’a mieux emballé que la première fois qu’on le lui a proposé !"
"Je ne pense pas que cela soit de nature à faire changer d’avis des Français qui voient légitimement ce budget comme un condensé de mesures socialement inacceptable", abonde un député socialiste. "Quant à la forme, celle du podcast et des vidéos Youtube, elle ne l'enthousiasme pas davantage. "C’est plus désuet que moderne à ce stade", cingle-t-il.
Le précédent Mendès France
Un caractère suranné résumé par un député de l'opposition en une formule: François Bayrou "se voit comme Mendès France, il finira comme Barnier". Une référence aux célèbres causeries radiophoniques hebdomadaires que tenait Pierre Mendès France lorsque celui-ci était président du Conseil. Un format lui-même inspiré des "causeries au coin du feu" de Franklin Delano Roosevelt.
"Cette première semaine d'août, beaucoup d'entre vous êtes en vacances. Vous ne m'en voudrez pas d'interrompre quelques instants cette période de détente pour vous parler de problèmes sérieux qui nous intéressent tous", lançait ainsi "PMF" dans sa causerie diffusée le 7 août 1954.
Il y appelait à un "effort de solidarité" et à un "accroissement de la productivité". "Le mal (de la France), c'est le retard de son organisation économique qui est comme ankylosé et réfractaire aux évolutions les plus indispensables", regrettait encore Mendès France.