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Gouvernement Bayrou: pourquoi les négociations entre le Premier ministre et LR patinent

Bruno Retailleau er François Bayrou à Paris le 14 décembre 2024

Bruno Retailleau er François Bayrou à Paris le 14 décembre 2024 - STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP

Le Premier ministre tente de constituer son gouvernement avec des élus Les Républicains (LR), à commencer par l'actuel ministre de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau. Mais la droite pose ses conditions et "fait monter les enchères", bien déterminée à garder tout son poids politique dans les prochains mois.

La température est montée de quelques degrés entre François Bayrou et la droite ces dernières heures. Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, n'a pas fait semblant ce mercredi matin sur BFMTV en jugeant que "les conditions" n'étaient "pas réunies" pour une entrée de ses troupes au gouvernement.

"Si c'est pour rester et ne pas pouvoir avancer, c'est non. On ne peut pas mettre les sujets sous le tapis et dire qu'on s'en occupera un jour. On n'ira pas à ce prix", nous résume le député LR Thibault Bazin.

"Aucune connaissance de rien"

Depuis sa nomination à Matignon ce vendredi, François Bayrou s'attelle pourtant à trouver une coalition capable d'éviter une motion de censure pour faire voter un budget de l'État et de la sécurité sociale 2025.

Avec comme priorité pour lui: arrimer la droite. Un tout premier rendez-vous avec le ministre de l'Intérieur démissionnaire quelques heures à peine après son retour au pouvoir, un échange avec le président des députés LR Laurent Wauquiez et son homogue Mathieu Darnaud au Sénat lundi, une nouvelle rencontre ce mercredi avec Bruno Retailleau...

Le centriste ne ménage pas ses efforts et ne veut pas se passer des 47 députés LR à l'Assemblée et de la très large majorité du parti au Sénat. Mais pour l'instant, le compte n'y est pas, sur le papier du moins.

"On n'a aucune connaissance de la ligne politique, de l'orientation, de projets de loi qu'on voudrait faire voter à l'Assemblée, bref de rien. Bayrou ne sait pas dire où il veut emmener le pays", tance la députée LR Véronique Louwagie à BFMTV.com.

"Des excuses pour faire monter les enchères"

La question de l'état des finances publiques fait partie des points bloquants des négociations avec LR avec l'explosion du déficit ces derniers mois. Pour l'instant, le Premier ministre s'est bien gardé de toute piste précise en la matière alors qu'il va devoir plancher sur l'un des budgets les plus difficiles à boucler de la Ve République dans les prochaines semaines.

"Je ne laisserai pas la situation budgétaire sans réponse", s'est contenté de répondre François Bayrou ce mardi devant les députés.

Quant à l'opportunité d'"une loi d'urgence agricole" réclamée par la droite et le RN ou sa vision des politiques migratoires, le Premier ministre a fait le service minimum. Tout juste s'est-il contenté de promettre "vouloir essayer de résoudre les fractures de la société française".

"Quand on cherche des excuses pour faire monter les enchères, on en trouve. La droite ne savait pas plus ce qu'allait faire Barnier quand il a été nommé et ils y ont été sans hésiter", observe un député Modem.

"Continuer à peser dans l'équipe ministérielle"

En réalité, la droite peut-elle vraiment refuser de rester au gouvernement ? Après 12 ans très loin des allées ministérielles, les LR ont savouré leur retour en force à la faveur de l'arrivée de Michel Barnier à Matignon. L'un des leurs a même su se rendre incontournable: Bruno Retailleau.

Marc Fesneau, l'un des très proches de François Bayrou banalise lui aussi la situation. "Il me semble que les échanges sont quand même très avancées" avec la droite, a tranché ce mercredi matin le président des députés Modem sur TF1.

"On dit qu'il y a des sujets de fond mais bon, tout le monde sait que Bayrou ne fera pas grand-chose. On a un sujet de continuer à peser dans l'équipe ministérielle", reconnaît sans détour un poids lourd LR au Sénat.

Seulement "si on donne les moyens" à Retailleau

C'est que les LR ne comptent pas renoncer à leurs 10 ministères qui leur permettent, au-delà d'hypothétiques changements législatives, de capitaliser sur 2027. Échanges avec des hauts fonctionnaires, réseaux qui s'étoffent, attrait pour des jeunes ambitieux sur qui compter pour la prochaine présidentielle...

Autant d'atouts pour la famille politique de Laurent Wauquiez qui ne fait pas mystère de ses ambitions élyséennes.

Pour y parvenir, Bruno Retailleau fait donc monter la pression. Il souhaite bien conserver son poste mais seulement "si on lui donne les moyens" de mener "la politique que veut la majorité des Français".

En réalité, le locataire de la place Beauvau a déjà détaillé une feuille de route auprès de François Bayrou. Faisant de la lutte contre l'immigration illégale l'une de ses priorités, Bruno Retailleau doit arrondir les angles. Les socialistes ont déjà promis de voter la censure en cas de nouvelle loi immigration.

"Garder les mains propres"

Le ministre de l'Intérieur semble déjà avoir trouvé la parade en proposant à Matignon de faire voter plusieurs dispositifs qu'il défend à travers des textes séparés au lieu d'une grande loi. La stratégie devrait lui permettre de dire dans quelques mois que sa présence auprès de François Bayrou aura été utile.

"Je ne vois pas comment LR ne pourrait pas rester au gouvernement si Retailleau est maintenu à son poste. Et si Bayrou est censuré très vite, Wauquiez pourra dire qu'il n'était pas très partant dès le départ pour y participer", décrypte un député Modem.

De quoi permettre au président des députés LR de garder ses distances avec le centriste et de "garder les mains propres" comme le résume l'un de ses lieutenants. Une cartouche toujours utile en cas de prochaine dissolution ou de présidentielle anticipée.

Marie-Pierre Bourgeois