François Bayrou: comment le nouveau Premier ministre a vaincu son bégaiement

François Bayrou, alors ministre de l'Éducation nationale, le 7 septembre 1993 dans un lycée à Orléans (Loiret). - GERARD FOUET / AFP
À 73 ans, François Bayrou ne bégaie plus depuis longtemps. Mais dans sa jeunesse, celui qui a été nommé ce vendredi 13 décembre Premier ministre a bataillé avant de dominer ce trouble de la parole qui l'a longtemps handicapé.
"Je me suis mis à bégayer à 7-8 ans", avait-il raconté au Journal du dimanche (JDD) en 2011, dans le contexte de la sortie du film Le Discours d'un roi, qui narre la vie du roi britannique bègue George VI.
"Ce n’est pas une petite chose dans une vie, et dans une vie de garçon surtout, pour qui le leadership de la parole est tellement essentiel. Le bégaiement est l’endroit où s’est produit une fêlure (...). C’est quelque chose qui tient à l’image de soi ", avait encore expliqué le patron du Modem.
Professeur de français, orthoponiste...
Le Parisien racontait dès 2007, en pleine campagne présidentielle à laquelle François Bayrou était candidat, comment le jeune garçon avait été suivi par un de ses professeurs de français, à raison d'une discrète rencontre mensuelle, le samedi matin: "Je lui disais: 'patientez, patientez, ne laissez pas vos idées se bousculer au portillon... Peu à peu, il progressait", citait le journal.
En parallèle, il est aidé par l'épouse de cet enseignant, morpho-psychologue et docteur en psychologie clinique qui insistait sur la nécessité de "ne pas avoir peur de l'autre".
Le centriste racontait aussi avoir rencontré un orthophoniste lorsqu'il était adolescent: "Quand je suis sorti de son cabinet, je ne bégayais plus, ma famille était folle de joie. Puis c’est revenu, quelques semaines plus tard", partageait-il auprès du JDD.
Les années passant, François Bayrou essaie de multiplier les moments où il prend la parole devant autrui, notamment lors de lectures la Bible dans sa paroisse de Pau. Il apprend aussi des dizaines de poèmes, s'inscrit au Conservatoire pour faire du théâtre et fait un "stage de diction" dans un cours théâtral bordelais.
Le bégaiement "ne disparaît jamais"
À 24 ans, François Bayrou ne bégaie quasiment plus: "il butait encore un petit peu sur les mots lorsqu'il était fatigué", exliquait auprès du Parisien Dominique Maye-Lasserre, prêtre de la paroisse à l'époque.
"Pendant des années, j’ai guetté et, avec moi, ceux qui m'aiment, les moments où ça bute. J'ai appris à trouver les mots, à jongler pour dénicher ceux qui passent", racontait-il au JDD.
"Avec le temps, vous comprenez que ce que vous dites est plus important que la manière dont vous le dites. Cela (le bégaiement) ne disparaît jamais, toujours on sait que ça peut arriver, qu'on peut bloquer", assurait-il.
Au cours d'une longue carrière politique durant laquelle il a été par trois fois candidats à l'élection présidentielle, François Bayrou s'est toujours démarqué par sa diction lente et déliée, souvent moquée à l'époque des Guignols de l'info. "Ce n'est pas du tout une difficulté dont les gens ont pitié" mais plutôt dont on se "moque", jugeait-il en 2011.
Il assure être ressorti fier de son parcours pour fluidifier son expression: "Tout cela est une vraie aventure humaine avec son poids sur les épaules. Elle vous forme et vous rend plus déterminé, plus attentif aux autres".
Elle lui a aussi valu à ce titre la sympathie de François Mitterrand: "J'admire comment il a su dominer son problème d'élocution. Ça dénote une vraie force d'être", assurait le président socialiste. François Bayrou l'a d'ailleurs honoré en retour lors de ses premiers mots après sa nomination ce vendredi, reprenant à son compte sa célèbre formule du 10 mai 1981, jour de son élection: "Enfin, les ennuis commencent".