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Élection des députés à la proportionnelle: ce que réclament les partis et pourquoi ils n’arrivent pas à se mettre d’accord

Le premier ministre François Bayrou à l'Assemblée Nationale, le 29 avril 2025 à Paris

Le premier ministre François Bayrou à l'Assemblée Nationale, le 29 avril 2025 à Paris - Ludovic MARIN © 2019 AFP

François Bayrou espère avancer sur la mise en place d'un nouveau mode de scrutin aux législatives qui pourrait changer profondément le visage de l'Assemblée nationale. Mais face à la multitude de variantes possibles, un consensus est très loin d'émerger.

Combien de divisions autour de la proportionnelle? François Bayrou a lancé ce mercredi 30 avril une série de consultations des forces politiques sur le sujet en commençant par recevoir le camp du Rassemblement national avec Marine Le Pen et Jordan Bardella.

Mais si le Premier ministre se veut favorable à un nouveau mode de scrutin pour les législatives qui permet de répartir les sièges en fonction du pourcentage obtenu par chaque candidat, tout comme le RN, les désaccords sont très nombreux quand on rentre dans le détail.

• Comment vote-t-on aujourd'hui?

Chaque électeur vote dans la circonscription où il réside pour élire un député qui représente son territoire. Pour être élu au premier tour, il faut réunir plus de 50 % des suffrages exprimés représentant au moins 25 % des électeurs inscrits sur les listes électorales.

Si cela n'arrive pas - seuls 76 candidats ont été élus dans ce cas de figure lors des dernières législatives- il faut réunir au moins 12,5% du nombre des électeurs inscrits pour se qualifier au second tour. Pour être finalement élu, il faut obtenir au moins 50% au second tour.

• Ce que veut faire François Bayrou

Le centriste, qui défend un nouveau mode de scrutin aux législativs depuis près de deux décennies, propose un scrutin à la proportionnelle intégrale à un seul tour pour les législatives, département par département.

Concrètement, cela voudrait dire que tous les députés sont répartis en fonction des résultats obtenus par chaque liste au niveau départemental au lieu de dépendre de leur score dans chaque circonscription, comme c'est le cas actuellement avec la nécessité de passer au moins la barre des 12,5% au premier tour pour se qualifier au second.

Avec une question clef: celle du seuil d'accès à l'élection. Un seuil relativement bas permettrait à des partis qui ne sont pas encore présents à l'Assemblée nationale de faire leur entrée. S'il était par exemple fixé à 2%, cela permettrait au parti animaliste qui avait obtenu 2,1% des voix aux dernières européennes de décrocher des sièges de députés.

A contrario, si ce seuil était plus élevé, à 5% par exemple, il pourrait faire disparaître du paysage de l'Assemblée certaines forces. Les communistes n'ont obtenu que 2,5% des suffrages aux dernières européennes. Ils comptent actuellement 17 députés. François Bayrou propose de fixer ce seuil à 5% par département.

• Ce que veut faire Marine Le Pen

La présidente des députés RN défend une vision de la proportionnelle proche de François Bayrou. Mais Marine Le Pen défend ce qu'on appelle la prime majoritaire. Cela veut dire qu'une partie des sièges de députés sont réservés à la liste arrivée en tête à l'issue des élections législatives. C'est déjà le cas pour les élections municipales pour dégager plus facilement des majorités.

Le RN propose que cette prime majoritaire soit fixée à 25%. Concrètement, cela signifierait que 25% des sièges de députés seraient réservés à la liste arrivée en tête. Du fait de sa difficulté à nouer des alliances politiques, à l'exception des forces d'Éric Ciotti, ce chiffre permettrait d'envisager une majorité importante pour le RN.

Si des nuances s'expriment entre Marine Le Pen et François Bayrou sur le sujet, elle a assuré à sa sortie de son rendez-vous avec lui ce mercredi "partager le souhait d'une réforme du mode de scrutin".

Avec une volonté: revenir des élections législatives de 1986 qui avaient permis pour la première fois au RN de faire son entrée à l'Assemblée nationale. Le seuil fixé était alors de 5% département par département. La présidente des députés RN a également semblé à l'issue de ce rendez-vous être prête à faire des concessions sur sa demande d'une prime majoritaire.

• Ce que veut faire la macronie

En 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à la présidentielle, avait promis d'introduire une "dose de proportionnelle" aux législatives, sans guère avancer sur ce sujet une fois élu.

En 2022, alors en campagne pour sa réélection, le président s’était de nouveau dit favorable à la proportionnelle, ouvrant même la porte à une proportionnelle intégrale, avec un nombre de sièges proportionnel au total des suffrages obtenus.

Les députés Renaissance considèrent désormais que le mode de scrutin actuel est "le moins pire", car la "distorsion" entre le nombre de voix et le nombre de députés "n'existe plus" dans l'Assemblée actuelle, a jugé le député macroniste Pierre Cazeneuve, spécialiste du sujet au sein de son camp auprès de l'AFP.

La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet propose, elle, que la proportionnelle soit appliquée dans les 11 départements qui ont plus de 10 députés, ce qui représente environ un quart des sièges.

L'idée derrière cette barrière repose sur ce que les constitutionnalistes appellent "l'effet édredon" avec l'idée qu'une proportionnelle appliquée seulement sur certains territoires limite le risque d'une seule liste qui remporterait très largement l'élection.

Mais la mesure pourrait être jugé anticonstitutionnelle en représentant une inégalité dans la représentation des électeurs suivant leur lieu de vie. Yaël Braun-Pivet s'est également dit "réservée" sur l'urgence d'une réforme allant dans ce sens.

• Ce que veulent Les Républicains

À droite, on est vent debout contre la proportionnelle. "On a besoin de stabilité et ce n'est pas le moment", a asséné de son côté le président du Sénat Gérard Larcher sur BFMTV ce mercredi. "C'est le plus sûr moyen de ne pas donner à la France une majorité", a également partagé Bruno Retailleau sur Europe 1-CNews quelques minutes plus tôt.

Quant au président des députés LR Laurent Wauquiez, il a vivement tancé François Bayrou lors d'un petit-déjeuner à Matignon, critiquant devant lui "l'étonnante hiérarchie des priorités" du gouvernement sur le sujet.

Il faut dire que le score de la droite aux européennes sous la barre des 8% ne donne guère envie aux LR de prendre le risque de réduire leur nombre de députés. D'autant moins qu'ils ont repris des couleurs à la faveur de leur retour au gouvernement après 12 ans de disette.

• Ce que veut La France insoumise

Une fois n'est pas coutume, les troupes de Jean-Luc Mélenchon sont d'accord avec le Premier ministre et Marine Le Pen.

Elles plaident pour le modèle choisi par François Mitterrand en 1986, à savoir une proportionnelle avec un seuil fixé à 5% département par département.

Une proposition de loi avait été déposée dans ce sens en avril 2024, stoppée nette par la dissolution. Elle n'a pas depuis été remise à l'agenda par les députés LFI.

• Ce que veulent les socialistes

Les députés PS sont très divisés sur le sujet. L'ancien président François Hollande, de retour à l'Assemblée depuis l'été dernier, défend désormais la proportionnelle. "Nous avons aujourd'ui tous les inconvénients de la proportionnelle c'est-à-dire une Assemblée nationale fragmentée" mais "sans les avantages qu'un parti puisse se présenter devant les électeurs sur ses propres idées", avait jugé l'ex chef de l'État sur RTL en septembre.

À l'Élysée entre 2012 et 2017, François Hollande ne s'était cependant pas emparé du sujet. Quant au premier secrétaire du parti Olivier Faure, il est plutôt mitigé, se disant "favorable à une dose" de proportionnelle tout en "voyant la menace qui pèse pour avoir une majorité stable".

• Et maintenant?

Une fois que François Bayrou aura fini de consulter toutes les forces politiques, il lui restera à trancher la méthode proposée. Le Premier ministre s'est pour l'instant bien gardé de dire comment il comptait procéder pour mettre en place concrètement la proportionnelle.

Projet de loi qui émanerait directement du gouvernement? Proposition de loi portée par un député Modem? Très hypothétique référendum proposé par Emmanuel Macron qui a promis lors de ses vœux du 31 décembre dernier de consulter les Français pour "trancher" des "sujets déterminants"? La question reste entière.

Marie-Pierre Bourgeois