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Gouvernement

Budget 2025: premier 49.3 et début d'une semaine à haut risque pour François Bayrou

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Le Premier ministre va dégainer l'article 49.3 pour la première fois depuis sa nomination à Matignon ce lundi 3 février, afin de faire passer le budget de l'État sans vote des députés à l'Assemblée, faute de détenir la majorité. En retour, il s'expose à une motion de censure à l'issue incertaine.

Dans son ascension de l'Himalaya, voulue comme une métaphore des difficultés se présentant à son gouvernement, François Bayrou estime avoir "installé le camp de base". Désormais, le Premier ministre aimerait s'attaquer aux "huit sommets de plus de 8.000 mètres qui composent la chaîne", explique-t-il dans une interview pour La Tribune Dimanche.

Encore faudrait-il avoir l'occasion de les gravir. Car le vent risque de souffler fort. Suffisamment pour pousser le Béarnais à rebrousser chemin? Ce dernier entame une semaine à danger ce lundi 3 février. Devant les députés, il va dégainer l'article 49.3 pour la première fois depuis sa nomination, afin de faire adopter le budget de l'État sans vote de l'Assemblée nationale, faute de détenir la majorité.

"Maintenant, il faut passer sans tarder à l'adoption. Un pays comme le nôtre ne peut pas rester sans budget. Le seul moyen, c'est d'engager la responsabilité du gouvernement. Ce sera fait ce lundi", a-t-il prévenu.

Que feront le PS et le RN?

Le Premier ministre devrait enchaîner rapidement, peut-être dès lundi soir, un deuxième 49.3, sur la première partie du budget de la Sécurité sociale, qui arrive en nouvelle lecture à l'Assemblée. Trois 49.3 au total devront être déclenchés sur ce texte avant sa transmission au Sénat, un pour chaque partie.

En retour, François Bayrou va de nouveau s'exposer à la censure. Les insoumis ont annoncé de longue date une motion pour faire chuter le chef du gouvernement. En principe, celle-ci sera présentée ce mercredi et devrait être votée par les écologistes et les communistes.

Reste deux inconnus: le Parti socialiste et le Rassemblement national, sans les voix desquels cette motion ne peut passer. Les regards sont plus particulièrement braqués sur le PS, avec qui le gouvernement négocie depuis plusieurs semaines.

Vendredi dernier, les socialistes ont voté contre le texte de la commission mixte paritaire réunissant sept députés et sept sénateurs pour trouver un compromis entre les deux chambres du Parlement. Tout en se félicitant au passage d'avoir "réussi à amoindrir ce qu'auraient été les souffrances ou les atteintes au pouvoir d'achat des retraités, des patients", selon le président du groupe PS à l'Assemblée, Boris Vallaud.

Dans une interview à Ouest-France, le chef de file des députés socialistes a avancé que la question de la censure n'était "pas encore tranchée". D'une part son groupe estime que les "concessions" obtenues, comme la non-suppression de 4.000 postes dans l'Éducation nationale, "restent largement insuffisantes". De l'autre, "nous savons aussi que ce pays a besoin d'un budget et nous entendons les inquiétudes, les craintes des entreprises, des collectivités ou des associations", explique-t-il.

Lionel Jospin appelle à "ne pas voter la censure"

Boris Vallaud, qui s'est élevé avec force mardi contre les propos du Premier ministre sur une supposée "submersion migratoire", craint aussi de voir arriver en France "un moment trumpiste", dont les signaux seraient la remise en cause du droit du sol à Mayotte, la circulaire du ministre de l'Intérieur durcissant les critères de régularisation des sans-papiers, la remise en cause du Pacte vert, la "révolte" de certains grands patrons.

"Ceux qui se compromettent là-dedans, auront des comptes à rendre au regard de l'histoire", assure-t-il.

L'ancien Premier ministre Lionel Jospin est intervenu dans ce débat samedi, en appelant les socialistes et la gauche de manière générale "à ne pas voter la censure", ce qui laisserait sinon le pays sans gouvernement et sans budget.

Argumentaire vivement contesté par les leaders Insoumis dimanche. Le coordinateur de LFI Manuel Bompard s'est dit "en désaccord radical" avec Lionel Jospin, au nom de la fidélité aux promesses faites aux électeurs.

Le président Insoumis de la commission des finances à l'Assemblée, Éric Coquerel, a lui souligné la faiblesse des concessions obtenues par le PS, avec au total un budget "pire" que celui proposé par Michel Barnier, prévoyant 6,2 milliards d'euros de recettes en moins et 6,4 milliards d'économies en plus.

Il a aussi relativisé l'urgence pour le pays de se doter d'un budget, alors que la loi spéciale votée fin 2024 permet de gérer les affaires courantes et qu'un projet de loi pourrait permettre de voter rapidement des dispositions urgentes et consensuelles.

Le RN, plus en retrait, François Bayrou négociant en premier lieu avec le PS, a lui aussi déclaré qu'il ferait connaître sa position en début de semaine. Le député Jean-Philippe Tanguy a estimé dimanche sur France 3 que le budget proposé était "pire que l'absence de budget", et que lui-même souhaitait la censure.

Mais il appartiendra à Marine Le Pen, présidente du groupe, et à Jordan Bardella, président du parti, de trancher, a-t-il souligné.

Baptiste Farge avec AFP