"Un gros coup qui va la galvaniser": malgré leur condamnation, Marine Le Pen et le RN toujours tournés vers 2027

Marine Le Pen au tribunal de Paris le 27 novembre 2024 - Alain JOCARD / AFP
KO debout? En dépit de sa condamnation ce lundi soir à cinq ans d'inéligibilité avec exécution immédiate - qui ampute sur le papier ses chances de pouvoir se présenter à la présidentielle en 2027 -, Marine Le Pen se voit toujours un destin politique. Mais les prochains mois s'annoncent très compliqués.
"Je ne vais pas me laisser éliminer ainsi", a martelé la présidente des députés RN ce lundi soir sur TF1, avant de promettre lors d'une conférence de presse ce mardi 1er avril de ne pas laisser les Français "se faire voler la présidentielle".
Une condamnation qui douche les espoirs du RN
Reste que la députée du Pas-de-Calais est confrontée au pire des scénarios sur le plan judiciaire avec une peine lourde: elle a été condamnée à une peine de quatre ans d’emprisonnement, dont deux ferme, aménageable avec un bracelet électronique, 100.000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité dans le cadre du procès des assistants parlementaires au Parlement européen.
Concrètement, l'ex-candidate à la présidentielle peut rester députée mais à l'instant T, elle ne peut pas se représenter à une nouvelle élection pendant 5 ans, que ce soit en cas de nouvelle dissolution ou de présidentielle. De quoi doucher tous les espoirs de Marine Le Pen alors même qu'un sondage Ifop publié ce dimanche la donnait en tête du premier tour de ce scrutin entre 34 et 37% - un score jamais atteint jusqu'ici.
"On est tous estomaqué"
"C'est très dur. Je ne pensais pas que la justice irait jusque-là, encore moins après le sondage de dimanche. On est tous estomaqué. C'est d'une immense violence", résume une député RN auprès de BFMTV.com.
"Connaissant la famille Le Pen, plus vous leur faites du mal, plus ils sont combatifs. Marine Le Pen a pris un gros coup mais ça va la galvaniser", nuance de son côté le sénateur Stéphane Ravier, longtemps élu RN.
"Quand l'injustice vient directement de ceux qui sont censés rendre la justice, il est évident qu'elle est plus insupportable encore que n'importe quelle autre injustice", a déclaré ce mardi Marine Le Pen en conclusion d'une réunion de groupe de son parti à l'Assemblée.
"Mais cette indignation, cette blessure, il faut s'en servir. C'est un moteur de motivation, de persévérance. Si nous ne tenons pas bon, si nous ne sommes pas ceux qui exprimons cette solidité et cette persévérance, qui le fera à notre place? Personne", a-t-elle poursuivi. "On sera là jusqu'au bout, on sera là jusqu'à la victoire."
Bien décidée à pouvoir se présenter lors de la prochaine présidentielle, la députée, qui a fait appel de la décision du tribunal, espère en effet voir un nouveau procès rapidement s'organiser.
Une chasse aux signatures pour la présidentielle à haut risque
Mais le calcul n'a rien d'évident. Compte tenu des délais habituels de la justice, on peut imaginer que son second procès se tiendra au mieux dans un an, soit au printemps 2026.
La décision des juges ne devrait pas être rendue avant l'automne 2026, soit pile pendant la chasse aux 500 signatures qui permet de se présenter à la présidentielle.
"Quand je regarde l'agenda, je ne vois pas comment Marine Le Pen peut se lancer sereinement pour aller chercher des signatures", soupire auprès de BFMTV.com une députée de son camp.
Un second jugement au résultat très incertain
Un scénario-catastrophe est déjà toutes les têtes, celui d'élus qui frapperaient à la porte de maires pour obtenir leur précieux paraphe et qui seraient contraints de jeter tout ce travail à la poubelle si leur candidate ne pouvait définitivement pas se présenter.
Un nouveau procès n'est en effet en rien une garantie que la justice sera plus clémente. La relaxe semble peu probable compte tant le jugement du tribunal de Paris a été sévère. Sa peine d'inégibilité avec exécution immédiate pour une durée de 5 ans pourrait également être confirmée par les juges, rendant donc impossible sa candidature en 2027.
Parmi les possibilités qui lui permettraient de pouvoir se présenter: une peine confirmée en instance mais moins sévère. La députée pourrait par exemple être condamnée à un an d'inéligibilité avec exécution immédiate. Auquel cas, elle aurait déjà purgé sa peine de façon réatroactive et pourrait se présenter à la présidentielle.
"Il faudrait un alignement des planètes assez dingue"
Autre espoir pour elle: une peine d'inéligibilité mais sans application immédiate. Concrètement, Marine Le Pen se pourvoirait probablement alors en cassation, suspendant alors cette peine jusqu'à un nouveau procès. Cela lui laisserait le champ libre pour se présenter à la présidentielle, nonobstant son image abîmée par la procédure judiciaire.
"Peut-être qu'elle va avoir vraiment beaucoup de chance et qu'à la fin, ça va passer mais il faudrait vraiment qu'on ait un alignement des planètes assez dingue quand même", reconnaît sans phare un collaborateur parlementaire.
Dans l'espoir que "la justice se hâte" comme l'ancienne patronne du RN, le mouvement a décidé de jouer le bras de fer entre ses électeurs et la justice. Le parti a lancé lundi une pétition de soutien avec le mot d'ordre "sauvons la démocratie, soutenons Marine" couplée à une opération de tractage dans l'Hexagone ce week-end.
"Les manifestations, pas dans notre ADN"
Le patron du mouvement Jordan Bardella a appelé de son côté ce mardi matin sur Cnews à "une mobilisation populaire et pacifique", se gardant bien d'en donner les contours précis. Manifestations devant des tribunaux? Courriers envoyés à tous les parquets de France? Si la palette d'actions est large, battre la pavé n'a jamais été dans l'ADN du parti.
"Il faut rester dans des procédures classiques, respecter le droit", insiste le député européen Aleksandar Nikolic, promettant de "ne pas faire ce qui s'est passé avec Donald Trump" pendant l'assaut du Capitole à Washington en janvier 2021.
"Les manifestations, ce n'est pas dans notre ADN. Il va falloir qu'on trouve autre chose pour dire qu'on ne se laissera pas faire", reconnaît quant à elle une députée. "Le but, c'est clairement que le ministère de la Justice se dise qu'il n'a pas le choix face à la pression et qu'il doit aller vite pour organiser un nouveau procès", traduit un député qui reconnaît "ne pas trop y croire".
L'hypothèse Jordan Bardella "trop tôt"
Face à ce sombre tableau pour l'avenir de Marine Le Pen, l'hypothèse d'une candidature de Jordan Bardella est dans toutes les têtes mais reste tabou. Pas question d'alimenter la thèse d'un renoncement de celle qui se prépare depuis des années à arriver à l'Élysée.
Le patron du RN a lui-même veillé à évacuer cette hypothèse, se disant "d'une loyauté totale" à Marine Le Pen car il a "une dette envers elle" sur CNews ce mardi matin. "C'est pas le moment de flancher, la politique est un chemin de croix", a-t-il encore insisté lors d'une conférence de presse quelques heures plus tard. "Rien ne nous empêchera de nous battre pour arriver au pouvoir".
"À l'heure actuelle, elle reste notre candidate tant que les recours juridiques n'ont pas été épuisés", traduit le député Antoine Villedieu.
"Remplacer Bardella par Le Pen, on y pense tous mais en parler, ça veut dire que c'est fini politiquement pour elle. C'est trop tôt", reconnaît plus franchement un collaborateur parlementaire.
"Pas que des amis" pour Jordan Bardella
Au-delà de l'éventuel retrait définitif de Marine Le Pen de la course à la présidentielle, c'est le profil de Jordan Bardella lui-même qui interroge. Le poulain de la quinquagénaire s'est pris à plusieurs reprises les pieds dans le tapis pendant la campagne des législatives de l'été dernier, lui qui se voyait bien arrivé à Matignon.
Quant à son profil, relativement inexpérimenté en dehors de son mandat de député européen, il pourrait interroger dans une situation international particulièrement complexe.
"C'est sûr que là où la figure de Marine Le Pen fait l'unanimité chez nous, Jordan n'a pas que des amis", reconnaît un député RN.
Marine Le Pen, elle, se voit toujours "un petit chemin" vers 2027, comme elle l'a confié lundi soir.