"Le premier meeting de la présidentielle": branle-bas de combat au RN pour le rassemblement de "soutien à Marine Le Pen"

Marine Le Pen et Jordan Bardella à la fin d'une réunion à Nice, dans le sud de la France, le 6 octobre 2024. - Valery Hache / AFP
Après la riposte dans les médias, place à la démonstration de force dans la rue. Le Rassemblement national organise ce dimanche 6 avril à Paris "un meeting de soutien à Marine Le Pen, dans le cadre de la mobilisation populaire et pacifique" lancée lundi par le parti après la condamnation de la triple candidate à la présidentielle à une peine d'inéligibilité immédiate.
Jugée coupable de détournement de fonds publics dans l'affaire des assistants parlementaires européens, Marine Le Pen s'est vue infliger 4 ans de prison (dont 2 ferme aménagés sous bracelet électronique), une amende de 100.000 euros et surtout 5 ans d'inéligibilité avec exécution provisoire.
"Se concentrer sur le fond"
Une décision largement dénoncée par le parti d'extrême droite, qui a violemment attaqué les juges qui l'ont rendue lundi. Tout en "condamnant les menaces" à leur égard, le président du RN, Jordan Bardella, a ainsi fustigé "la tyrannie des juges", qualifiés de "rouges" car "on a le sentiment que ça se tourne souvent contre un camp politique", en référence aux affaires Fillon et Sarkozy.
Mais désormais, le RN adopte une nouvelle stratégie. "On a eu 24 ou 48h pour maudire les juges: c'est fait! Maintenant on va se concentrer sur le fond, le fond, le fond!", affirme un lieutenant de Marine Le Pen à BFMTV.
La consigne a été passée dans une boucle interne mercredi: plus question d'attaquer les juges. Les porte-paroles médiatiques sont priés de parler du fond. "Dimanche, on ne va pas attaquer les juges. On va être sur le fond et sur la démocratie", confie ce même proche de la cheffe des députés RN. "C'est le premier meeting de la présidentielle", nous résume un proche de Marine Le Pen.
Un rassemblement à Paris
La question de ce rassemblement a suscité des questionnements au sein du parti. "Dès lundi, on s'est interrogé sur le fait de faire un rassemblement. On a pesé le pour et le contre. Il y a le risque de débordements, de présence de black bloc donc on s'est posé la question", raconte un député. "C'est vraiment l'afflux d’adhésions, de dons, de soutiens qui nous pousse à faire la mobilisation. C'est ce qui nous fait changer d’avis, on était partis pour des tractages comme on sait faire", assure-t-il.
"Jordan Bardella était très favorable à un rassemblement. C'est lui qui a présenté le rassemblement en réunion de groupe mardi", explique un autre député.
L'événement doit se tenir place Vauban, derrière les Invalides, dans le VIIe arrondissement de la capitale, a annoncé mardi le parti dans un communiqué. Un député confie: "À la base, on voulait que ce soit en intérieur mais on ne trouve pas de salle en quatre jours".
"On ne voulait pas de défilé", précise un proche de Marine Le Pen.
Quatre prises de parole sont d'ores et déjà annoncées: le vice-président du RN également condamné lundi Louis Aliot, Éric Ciotti, Jordan Bardella et Marine Le Pen. Certains soutiens du RN prévoient déjà de s'y rendre, même s'ils ne vivent pas à Paris. C'est le cas de Stéphanie, habitante d'Hénin-Beaumont. "Avec plusieurs amis, on va prendre le train pour accéder à Paris, dit-elle à BFMTV.
Un "scandale démocratique"
Dans certaines communes, "il y a des bus qui se préparent. C’est le branle-bas de combat", assure un cadre. "Ça permet de canaliser les soutiens qui ont envie de s’exprimer" explique un élu. "On a reçu tellement de messages… Les gens ont besoin de se réunir. Encadrer et le faire, c’est moins risqué que de laisser faire chaque département! ", ajoute-t-il.
Un autre cadre raconte: "Marine dit: 'il faut toujours organiser la colère et la canaliser.'"
Sur X, le parti appelle à la mobilisation "pour clamer notre amour de la démocratie" face au "scandale démocratique visant la favorite à la présidentielle". Le RN rejette tout parallèle avec Donald Trump et l'attaque du Capitole par ses partisans le 6 janvier 2021, après sa défaite à la présidentielle.
"Le mot d’ordre ce n’est pas: 'regroupez-vous pour dénoncer la justice', c’est en soutien à Marine Le Pen. C’est un peu différent. Le mot d’ordre c’est soutien et non critique. Trump il l’avait fait contre une décision démocratique d’avoir perdu l’élection, devant le Capitole", assure un député.
"Nous on ne fait pas ça devant le ministère de l’Intérieur, l’Élysée, le tribunal ou l’Assemblée nationale car on a perdu dans les urnes. On se réunit car on a besoin de se réunir. Et on ne fait pas ça face à un lieu de pouvoir ni face à l’institution judiciaire", ajoute-t-il.
Un rassemblement de la gauche
La cheffe des Écologistes Marine Tondelier a assuré jeudi que la gauche préparait une mobilisation pour contrer la manifestation du Rassemblement national dimanche en soutien à Marine Le Pen condamnée à une peine d'inéligibilité immédiate, mais n'a donné aucun détail sur cette initiative.
"Il se passera quelque chose dimanche", a déclaré la responsable écologiste sur franceinfo. "Nous sommes en train d'y travailler, nous sommes les maîtres des horloges de nos propres mobilisations", a-t-elle déclaré. La cheffe des Écologistes avait appelé mardi à "une initiative de défense de notre Etat de droit" face aux "menaces" du RN envers les juges.
Une enquête a été ouverte visant "les propos répréhensibles proférés à l'encontre des magistrats qui ont rendu collégialement la décision" visant Marine Le Pen, a fait savoir la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, dans une déclaration transmise à la presse mardi.
Une autre enquête, toujours en cours, avait été ouverte en début d'année sur des menaces de mort postées sur le site d'extrême droite Riposte Laïque visant des magistrats du procès du Rassemblement national (RN) dans l'affaire des assistants parlementaires européens. Ces menaces concernaient la magistrate ayant présidé l'audience et les deux procureurs ayant requis contre les prévenus, dont Marine Le Pen.
Cette dernière a fait appel de la décision rendue lundi et la cour d'appel de Paris a annoncé qu'elle examinerait le dossier "dans des délais qui devraient permettre de rendre une décision à l'été 2026", soit bien avant l'élection présidentielle de 2027. Aussi, un élu affirme à BFMTV que le rassemblement de dimanche "n'est pas le meeting de la dernière chance. Il y a un procès en appel. On est loin de la dernière chance!"
Un cadre reconnaît une "lueur d’espoir" et "une mini victoire" avec l’annonce d’une décision en appel possible à l’été 2026 même s’il temporise: "il n'y pas d'excès d'optimisme". Rien ne garantit en effet que la cour d'appel rende une décision différente de celle du tribunal, qui a considéré qu'il y avait bien eu un "système" entre 2004 et 2016 pour faire des "économies" au RN en payant avec l'argent du Parlement européen des assistants d'eurodéputés travaillant pour le parti. Le préjudice total est évalué à 4,1 millions d'euros. Outre Marine Le Pen et le parti, 23 personnes ont été condamnées lundi dans ce dossier.