"Je ne fais pas de politique dans le rétroviseur": en Israël, Jordan Bardella interpellé sur le passé du RN

En plein déplacement en Israël, une première pour un président du RN, Jordan Bardella a été longuement interpellé sur la question de l'antisémitisme. Ce déplacement vise à effacer le passé du mouvement, cofondé par un ancien Waffen-SS et dirigé pendant 38 ans par Jean-Marie Le Pen condamné pour avoir tenu à plusieurs reprises des propos antisémites.
"Qu'est-ce que le RN a à dire sur sa repentance?", l'a interpellé ce mercredi un Français présent lors de son arrivée sur les lieux du festival Nova, théâtre des attaques du 7 octobre 2023 perpétrées par le Hamas.
"Moi, j'ai été plein de fois avec mon grand-père à Auschwitz. Qu'est-ce que vous avez à nous dire?", a encore insisté le jeune homme.
"La sincérité de notre discours"
Réponse du président du RN, mal à l'aise: "Je considère que la Shoah a été le summum de la barbarie".
"Je pense que s'il y a beaucoup de Français de confession juive qui nous accordent leur confiance, c'est qu'ils connaissent la sincérité de notre discours", a ensuite insisté le député européen, se présentant comme "le bouclier" contre l'antisémitisme en France.
"Je ne fais pas de politique dans le rétroviseur", s'était encore défendu quelques heures plus tôt Jordan Bardella.
Pendant des années, le parti à la flamme a pourtant bien été persona non grata à Tel-Aviv. En 2006, Marine Le Pen alors simple députée européenne, avait espéré pouvoir venir à Tel-Aviv au sein d'une délégation parlementaire mais le gouvernement israélien avait fait savoir qu'il ne la laisserait pas rentrer sur le territoire.
Onze ans plus tard, Nicolas Bay, alors secrétaire général du RN, avait, lui, réussi à se rendre en Israël mais en toute discrétion.
Des épisodes qui continuent de jetter le trouble
Autant dire que ce déplacement à l'invitation du ministre de la Diaspora Amichaï Chikli, un proche de Benjamin Netanyahu a tout d'une victoire pour Jordan Bardella. Il s'inscrit plus largement dans une volonté du RN de "décoller l'étiquette antisémite du parti", comme le confiait un cadre du parti à BFMTV.com lundi.
Mais la manœuvre n'est pas si aisée pour le parti. À l'automne 2022, quelques jours à peine avant la "marche contre l'antisémitisme" lancée par les présidents des Assemblées Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet, Jordan Bardella avait expliqué ne "pas croire que Jean-Marie Le Pen "était antisémite", avant de finalement rétropédaler.
Plusieurs épisodes continuent d'ailleurs de troubler comme la présence dans les rangs du RN du député Frédéric Boccaletti, un ex-libraire qui longtemps tenu une boutique spécialisée dans les ouvrages antisémites et négationnistes.
Les institutions juives françaises mal à l'aise
Mais lors de son déplacement sur les lieux de l'attaque du 7-octobre ce mercredi, Jordan Bardella a pu compter sur l'aide de Meyer Habib, présent à ses côtés. L'ex député franco-israélien, qui est un très proche du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a volé à son secours.
"Est-ce qu'il est important que le RN vienne aujourd'hui en Israël? Pour moi, c'est extrêmement important", a avancé cet ancien député apparenté LR, visé par une enquête judiciaire pour avoir comparé les habitants de Gaza à "un cancer".
Du côté des institutions juives fançaises, on ne goûte en tout cas guère la visite de Jordan Bardella, d'autant moins qu'il est attendu pour un discours sur l'antisémitisme lors d'une conférence en présence de membres du gouvernement israélien ce jeudi.
"Aujourd'hui, on sent bien que ce sujet est instrumentalisé pour mettre en scène un RN nouveau dans une stratégie de conquête du pouvoir", a avancé Yonathan Arfi, le président du CRIF, le conseil représentatif des institutions juives de France sur RMC ce lundi.
Cette invitation "n'engage pas les institutions juives de France", a encore assuré celui qui a toujours refusé d'inviter Marine Le Pen au dîner annuel du CRIF.
La pique de Le Pen au CRIF
Si aucune étude ne permet de déterminer le vote des personnes de confession juive en France, l'étude de certains bureaux de vote donne traditionnellement des indications et sont loin de montrer un soutien massif des juifs de France au RN.
Dans le nord et à l'est du parc parisien des Buttes-Chaumont ou dans le quartier de la "Petite Jérusalem" à Sarcelles (Val-d'Oise), le score de Marine Le Pen a stagné lors de la présidentielle de 2022, restant trois à quatre fois plus faible que son score national
L'ex candidate à la présidentielle, qui ne fait pas partie de son déplacement en Israël, a appelé de son côté mardi à l'Assemblée nationale à "dégauchiser le CRIF".