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Extrême droite

Assistants parlementaires: les courriers qui accablent le FN

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - European Parliament/Flickr

Des courriels échangés entre des cadres du Front national accablent le parti d'extrême droite dans l'affaire des assistants parlementaires. Selon les enquêteurs, "le FN avait pour leitmotiv la volonté de réaliser des économies grâce aux financements du Parlement européen".

Ce sont des révélations accablantes pour le Front national. Un courriel du trésorier du FN à Marine Le Pen évoquant des "économies" pour les finances du mouvement "grâce au Parlement européen" a été saisi par les enquêteurs dans l'affaire des assistants parlementaires du parti à Strasbourg.

"Dans les années à venir et dans tous les cas de figure, nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen et si nous obtenons des reversements supplémentaires", indique le trésorier du parti, Wallerand de Saint Just, dans ce message envoyé le 16 mai 2014 et révélé ce mercredi par Le Monde.

Des "économies dues aux députés européens"

Le FN venait alors de remporter les élections européennes en France, voyant son nombre d'eurodéputés passer de 3 à 24. Dans ce courriel, le trésorier informe la présidente du parti que "en 2013, les dépenses ont été mensuellement de 100.000 euros plus élevées que prévu". Ce message a été saisi lors des perquisitions au siège du parti d'extrême droite en février 2016 et février 2017. Une dizaine d'autres documents saisis sur le bureau du trésorier évoquent des "économies dues aux députés européens" ou "économies avec européennes", selon le grand quotidien du soir.

Autre élément à charge: une demande de prêt par Wallerand de Saint Just - la veille du premier tour des dernières européennes - de 1,5 million d'euros auprès de Cotelec, le micro-parti de Jean-Marie Le Pen. Et ajoute qu'un "nouveau point devra être fait lorsque les économies réalisées après l'élection européenne seront chiffrées exactement et lorsque les nouveaux reversements seront mis au point", selon les documents consultés par Le Monde.

Un document "risible", selon Wallerand de Saint Just

Quelques heures après ces révélations, Wallerand de Saint Just a répliqué. Dans un communiqué, il confirme les propos qui lui sont attribués mais en conteste l'interprétation et dénonce "une très grave diffamation". 

"Ce journal ose en conclure qu'on trouverait là la preuve de la 'mise au point d'un système frauduleux'. Une telle accusation à partir de ce document est risible", écrit le patron du FN en Île-de-France, tout en accusation le quotidien du soir de soutenir Emmanuel Macron. 

"Les économies que le FN anticipait portaient sur les salariés du Front National qui devenus députés français au Parlement européen allaient voir leurs contrats de travail s'interrompre; les 'reversements supplémentaires' étaient ceux attendus des élus départementaux et régionaux dont le nombre devait augmenter considérablement vu les enquêtes d'opinion", soutient-il.

Un "leitmotiv" pour le parti

Dans l'enquête sur des soupçons d'emplois fictifs au Parlement européen, les juges d'instruction du pôle financier tentent de déterminer si le parti a mis en place "un système frauduleux" pour rémunérer ses cadres ou employés avec des fonds publics de l'Union européenne, via des contrats d'assistants parlementaires. "Il apparaissait que, depuis 2012, le FN avait pour leitmotiv, par l'intermédiaire de ses cadres et sur avis de sa présidente, la volonté de réaliser des économies grâce aux financements du Parlement européen", selon le rapport des policiers transmis aux magistrats, selon Le Monde.

"Il y a eu un certain nombre d'économies car un certain nombre de cadres sont devenus députés européens", a répondu Marine Le Pen. 

Le Parlement européen - qui s'est depuis constitué partie civile - avait saisi la justice française sur les cas d'une vingtaine d'assistants d'eurodéputés frontistes. En cause, leur présence à des postes figurant dans le dernier organigramme du parti en France, qui peut faire douter de leur emploi effectif à l'assemblée siégeant à Strasbourg.

Aucune communication téléphonique avec sa députée

Parmi ceux-ci: Charles Hourcade, assistant parlementaire de Marie-Christine Boutonnet et graphiste au siège du FN. Ce dernier a été mis en examen. Il est suspecté d'avoir indûment perçu environ 37.000 euros bruts entre septembre 2014 et février 2015. Pour seuls justificatifs de son travail: des captures d'écran qui "ne pouvaient formellement attester de la participation et de l'intervention de l'assistant aux travaux européens de sa députée", selon les policiers. Domicilié à Albi, il n'a jamais demandé le remboursement de ses voyages et n'a eu aucune communication téléphonique avec la députée, affirme le quotidien.

L'une des plus proches collaboratrices de Marine Le Pen, Catherine Griset, a également été mise en examen pour recel d'abus de confiance, soupçonnée d'avoir été rémunérée comme assistante parlementaire alors qu'elle exerçait en réalité les fonctions de cheffe de cabinet de la présidente du FN, à son siège à Nanterre. Selon le rapport de l'Office européen de lutte antifraude, rapporte Le Monde, "entre septembre 2014 et août 2015, Catherine Griset n'aurait passé que 740 minutes (soit une douzaine d'heures, ndlr) dans les locaux du Parlement européen à Bruxelles, son lieu d'affectation".

Marine Le Pen a elle-même été convoquée en vue d'une possible mise en examen, mais elle refuse de répondre à la justice - invoquant son immunité parlementaire - avant la fin des campagnes présidentielle et législative. 

Au total, le FN doit plus d'un million d'euros à Bruxelles. "Depuis plusieurs semaines, indique le quotidien, les services du Parlement ponctionnent la moitié de l'indemnité parlementaire de Marine Le Pen pour obtenir le remboursement des salaires de Catherine Griset". Cinq autres députés frontistes sont également concernés.

C.H.A. avec AFP