Présidentielle: le début de campagne de Christiane Taubira ne change pas la donne à gauche

Avec l'annonce de son éventuelle candidature à la présidentielle, Christiane Taubira espérait bien faire bouger les lignes à gauche. Mais après avoir labouré le terrain ces derniers jours, l'ancienne ministre suscite le scepticisme sur les bancs des candidats déclarés. À commencer par Yannick Jadot qui, après avoir refusé la main tendue d'Anne Hidalgo qui lui proposait de rejoindre la Primaire populaire, lui ferme à son tour la porte:
"Rejoins les écologistes, mets ton talent au service d’une campagne qui a travaillé", a-t-il appelé ce lundi sur BFMTV.
"À l'inverse, 5 ans d’absence politique, 'je reviens avec une vidéo de 3 minutes pour donner rendez-vous dans un mois'... À moins de 3 mois du premier tour, ça n’est pas sérieux. Ce n’est pas à la hauteur des combats qu’elle mène", a estimé le candidat écologiste, déjà passé par la case primaire en septembre dernier.
Même son de cloche chez les insoumis. En déplacement en Martinique, Jean-Luc Mélenchon a jugé ce samedi "ne pas se sentir concerné". On ne "prend pas le peuple par surprise à 3 mois d'une élection", a-t-il commenté. Le candidat à la présidentielle avait déjà tancé vertement l'initiative portée par la maire de Paris.
Une tribune pour l'union, mais sans mention d'elle
Du côté du Parti socialiste, on milite bien en faveur de l'appel à l'union de la gauche, tout en se gardant de prononcer le nom de l'ancienne garde des Sceaux.
"Nous soutenons l'initiative d'organiser une primaire ouverte, citoyenne et populaire, pour redonner l'envie, recréer de l'espoir et désigner la candidate ou le candidat qui fera gagner la République sociale et écologique en 2022", ont ainsi déclaré plus de 1500 élus dans une tribune du Journal du dimanche.
Signé par des maires socialistes de poids comme Martine Aubry à Lille, Johanna Rolland à Nantes ou encore Carole Delga, présidente de la Région Occitanie et porte-parole d'Anne Hidalgo, ce texte est vu comme le service après-vente de la maire de Paris.
"On aurait pu signer les mêmes propos juste après son interview à TF1 quand elle a appelé pour la première fois à une seule candidature de gauche. Ce n'est pas vraiment des applaudissements à l'arrivée de Taubira, plutôt le fait qu'on acte qu'on peut éventuellement arriver à un accord", lâche sans trop y croire un député socialiste, proche de l'élue parisienne, auprès de BFMTV.com.
Un début de campagne qui coche les cases
L'ex députée guyanaise a pourtant mis les formes dans l'espoir de ne froisser aucun des élus présents sur la ligne de départ pour 2022. Après une déclaration de (possible) candidature très consensuelle dans laquelle elle évoquait des "personnes de grande valeur" à gauche, elle s'est rendue le lendemain à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), terre historiquement communiste avant de devenir socialiste aux dernières municipales.
Elle profite également de sa visite dans un centre de vaccination de la Croix-Rouge pour clôre une polémique lancée en octobre dernier. Les vaccins sont "notre meilleure arme contre la pandémie", estime désormais la sexagénaire, qui avait suscité une polémique après ses propos plus hésitants sur la difficile avancée de la campagne de vaccination en Guyane.
"Je suis (une) responsable politique qui n’est pas en exercice et qui, par conséquent, ne dispose pas des éléments d’information qui lui permettraient formellement (...) de donner une consigne", avançait l'ex-ministre de François Hollande sur RTL en octobre dernier.
Parler de santé pour mettre toute la gauche d'accord
Lundi, direction Vierzon et son centre hospitalier pour proposer aux Français "un service public de santé à trente minutes de leur lieu de résidence". La question d'un plus grand investissement financier dans le médical a le mérite d'être consensuelle à gauche, même si les solutions proposées différent d'un candidat à l'autre.
Et pourtant rien ne bouge sur le front de l'union. "L'ancienne Garde des sceaux peut se targer d’une riche parcours. Elle a fait deux lois très fortes, celle sur la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité et celle du mariage pour tous. Mais un riche passé ne fait pas forcément un présent et encore moins un avenir", souligne Mathieu Croissandeau, éditorialiste politique pour BFMTV.
"Que pense-t-elle de la France d’aujourd’hui ? Que propose-t-elle pour résoudre ses problèmes ? Mystère et boule de gomme", se demande encore le journaliste.
2% dans un sondage
Christiane Taubira n'a en effet, à l'exception de sa proposition sur les hôpitaux, pas encore esquissé le moindre programme. À gauche, certains gardent d'ailleurs en mémoire son soutien au gouvernement Balladur en 1993 comme son programme pour la présidentielle de 2002 dans lequel elle proposait par exemple d'alléger la fiscalité des plus riches.
Avec 67% d'opinions favorables, elle est la personnalité préférée des Français de gauche d'après un sondage Odoxa. Mais la seule étude qui a testé sa candidature sans union de la gauche ne la crédite que de 2% des voix. Très loin donc d'une solution miracle pour espérer rabibocher la gauche.