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Présidentielle: cette drôle de campagne qui n'intéresse toujours pas à 30 jours du premier tour

L'Elysée

L'Elysée - AFP

Longtemps vue comme l'élection-reine, la course à l'Élysée ne suscite pas l'enthousiasme cette année. En cause, un contexte national et international très lourd mais aussi des oppositions qui peinent à faire entendre leurs différences avec Emmanuel Macron.

À un mois jour pour jour du premier tour, la campagne semble toujours au point mort. Entre le Covid-19, le conflit en Ukraine, la descente tardive d'Emmanuel Macron dans l'arène présidentielle et des oppositions qui peinent à faire entendre leurs différences avec l'exécutif, aucun thème n'accroche dans le débat public.

De quoi faire dire au sondeur Brice Teinturier que cette campagne a des allures de casserole anti-adhésive.

"Une campagne Tefal qui glisse"

"Les projets, les propositions, ça n'accroche pas, c'est une campagne Tefal, tout glisse auprès des Français, il n'y a pas d'éléments forts et structurants", estimait le directeur général d'Ipsos sur France inter en janvier dernier.

Plus d'un Français sur trois ne s'intéresse d'ailleurs pas à la campagne, avance un sondage OpinionWay-Kéa Partners pour Les Echos. En 2017, ils étaient 81% à la regarder avec intérêt au même moment.

Coincée entre le Covid-19 et l'Ukraine

Au rang des accusés pour expliquer ce désintérêt, le contexte national et international d'abord, après deux années de pandémie et un conflit aux portes de l'Union européenne.

"Ces sujets se sont imposés en lieu et place de la présidentielle et donnent finalement peu de visibilité à la compétition politique, créant une sorte de désintérêt et des Français peu motivés pour aller voter. Le tout donne une sorte de cercle vicieux qui ne pousse pas vraiment à s'intéresser à la campagne", résume le politologue Benjamin Morel pour BFMTV.com.

Des oppositions qui peinent à montrer leurs différences avec Macron

Au-delà du poids que peuvent peser ces sujets par rapport à d'autres enjeux de campagne comme l'éducation, la santé ou le réchauffement climatique, ces crises montrent également la difficulté pour les oppositions à incarner des alternatives crédibles.

"On l'a vu sur le pass sanitaire ou vaccinal, on le voit encore avec l'Ukraine. Ces thématiques terrassent toutes les subtilités des différentes positions alors que les candidats n'ont pas toujours grand-chose d'autre à proposer que ce que fait déjà le gouvernement", nous explique pour sa part Martial Foucault, professeur à Sicences-Po et directeur du Cevipof.

Une absence de débat au premier tour

Face à la situation, plusieurs candidats ont dénoncé la supposée responsabilité du président. Après avoir entretenu pendant des semaines le vrai-faux suspense autour de sa candidature, Emmanuel Macron refuse désormais tout débat de premier tour, donnant le sentiment à ses concurrents de boxer dans le vide.

"Je trouve ça tout à fait lâche de ne pas venir défendre soi-même son bilan. Aujourd’hui, on a besoin que ce bilan soit montré clairement aux yeux des Français et pas l’écran de fumée. Il est en train de se dérober aux Français", l'a d'ailleurs tancé Valérie Pécresse sur BFMTV ce mardi.

L'argument peine à convaincre les spécialistes alors qu'aucun président sortant n'a jamais participé à ce type de confrontation télévisuelle.

"Je n'ai pas le souvenir que François Mitterrand ou Jacques Chirac ou encore Nicolas Sarkozy aient vraiment joué le jeu de la confrontation directe avant le premier tour, certes dans des débats mais encore moins dans des interviews ou des meetings", souligne d'ailleurs Martial Foucault.

Un campagne du président à bas bruit

Mais la campagne d'Emmanuel Macron, à bas bruit, entre une réunion publique à Poissy autour de 200 habitants triés sur le volet et une mini-série sur YouTube a un goût singulier. Là où les présidents sortants, candidats à leur réélection, se démultipliaient sur le terrain, comme Jacques Chirac qui, en 2002, était chaque jour en déplacement, le locataire de l'Élysée semble, lui, en service minimum.

"Je ne pourrai pas mener campagne comme je l’aurais souhaité en raison du contexte", s'est-il d'ailleurs justifié dans sa "Lettre aux Français".

De quoi donner l'impression aux électeurs que le président a lui aussi le regard tourné plutôt vers l'Ukraine que la France.

Pas de clivage fort

Dernière raison pour expliquer ce manque d'intérêt pour la campagne: l'absence de proposition clivante. "Une campagne se nourrit d'échanges parfois vifs entre candidats. Ils n'ont pas vraiment eu lieu jusqu'ici", remarque le constitutionnaliste, Benjamin Morel. Une donnée pourrait cependant changer la donne: Emmanuel Macron a mis sur la table l'âge de la retraite qu'il souhaite repousser à 65 ans ce jeudi.

La proposition a fait réagir ses opposants entre ceux qui trouvent la réforme trop dure, à l'instar de Marine Le Pen, Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon et ceux qui proposent un dispositif relativement similaire comme Valérie Pécresse ou Éric Zemmour. De quoi, peut-être, intéresser les Français à cette drôle de campagne.

Marie-Pierre Bourgeois