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Présidentielle

Entre défense des chasseurs et bien-être animal, la candidate Pécresse joue l'équilibriste

Valérie Pécresse à la Chatre le 21 février 2022

Valérie Pécresse à la Chatre le 21 février 2022 - GUILLAUME SOUVANT / AFP

La candidate de la droite prend soin de choyer les chasseurs, les considérant comme des descendants de la "Révolution française" tout en faisant entendre sa différence.

Séduire l'électorat urbain sans s'aliéner les voix de la ruralité. Valérie Pécresse marche sur le fil quand elle s'attaque aux questions de chasse. Si la candidate des LR défend la chasseurs qu'elle voit comme les "premiers amoureux de la nature", elle cherche aussi se présenter comme la défenseuse des droits des animaux.

La présidente de la Région Île-de-France a passé son grand oral devant les chasseurs le 15 février dernier. Auditionnée par le Mouvement pour la ruralité, le nouveau nom du parti politique Chasse, pêche, nature et tradition, elle a répondu aux questions et sorti le grand jeu.

"Interdire la chasse le week-end, c'est interdire la chasse tout court"

"Arrêtons de faire la chasse aux chasseurs. (...). On n'entrave pas la pêche et la chasse qui sont des libertés issues de la Révolution", a-t-elle lancé, sous l'œil ravi de dizaines d'amateurs de la gâchette.

Quelques jours plus tard, le ton change. Trois jours après la mort d'une randonneuse tuée accidentellement par une chasseuse dans le Cantal, l'élue francilienne veut montrer qu'elle est sensible aux critiques qui montent sur le sujet.

"Interdire la chasse le week-end, ce serait interdire la chasse tout court", a jugé d'abord la candidate sur France inter. Elle ferme ainsi la porte à la proposition de Yannick Jadot, depuis reprise par Jean-Luc Mélenchon, d'interdire cette pratique le samedi et le dimanche ainsi que pendant les vacances scolaires.

"Mais en revanche, on peut tout à fait organiser la cohabitation dans les zones les plus urbaines entre chasseurs et promeneurs, c'est ce qu'on fait dans ma région. Dans ma région, les forêts domaniales publiques sont interdites à la chasse le week-end", a-t-elle ensuite nuancé.

Signer la charte des chasseurs en y mettant des conditions

Cette posture qui a l'avantage de ne fâcher ni les chasseurs ni des électeurs plus sensibles aux sujets environnementaux ne surprend pas au regard des échanges qu'elle a eu quelques minutes après son grand oral devant le mouvement pour la Ruralité.

En descendant de la tribune, le parti politique lui a proposé de signer ses trente propositions. Au menu de ce document, "la reconnaissance de la pêche et de la chasse comme actes écologiques" ou encore "la défense des traditions locales comme la culture taurine ou les combats de coqs". Valérie Pécresse a refusé en expliquant que "la notion de bien être animal" devait également être prise en compte dans ce document.

Un entourage pro-chasse

Mais son équipe a pourtant insisté pour que la candidate signe ce document. Elle a donc fini par s'y résoudre à la condition que ses réserves soient explicitement mentionnées. Il faut dire que pendant la campagne des régionales en 2019, elle s'était engagée auprès de l'assocation L214 à attribuer une délégation sur les droits des animaux et qu'elle a tenu promesse. Pas question donc de gâcher ce travail.

Mais sa garde rapprochée a su la convaincre à l'instar de François Varlet, son directeur de campagne adjoint, grand amateur de la chasse à courre. Nul doute que ce très bon connaisseur du Sénat a su également rappeler à sa candidate que le président du Palais du Luxembourg, l'un des rares poids lourds de la droite à faire ouvertement campagne pour elle, est un très grand amateur de pratiques cynégétiques tout comme la majorité des sénateurs et des députés LR.

Un vivier électoral

Au-delà de la necessité de rassurer son entourage, la manœuvre se veut aussi payante électoralement. 4 millions de Français sont détenteurs d'un permis de chasse dont plus d'un million d'entre eux sont des pratiquants actifs. Mieux encore, si le vote des chasseurs est loin d'être homogène, il reste marqué par une préférence pour la droite et l'extrême droite. Ils sont 24,7% à avoir voté pour François Fillon et 26% en faveur de Marine Le Pen en 2017 d'après un sondage Ifop pour Le Monde.

Plus largement, dans des petites communes, où la boulangerie et le tabac ont souvent mis la clef sous la porte, le dernier lieu de sociabilité demeure l’association communale de chasse. Il en existe environ 10.000 aujourd’hui en France, presque une pour trois municipalités.

"Le monde de la chasse reste un monde de codes, avec une structure très pyramidale. S’adresser aux chasseurs, c’est l’assurance certaine que le message redescendra bien dans les forêts le dimanche" expliquait le politologue Olivier Rouquan dans les colonnes de Charles en 2018.

De quoi avoir des relais d'opinion bien utiles pour Valérie Pécresse à 47 jours du premier tour.

Marie-Pierre Bourgeois