EDITO - "Ce n'est pas un dérapage, c'est exactement ce que Macron pense"

En déplacement en Corrèze mercredi, Emmanuel Macron a estimé que "certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d'aller regarder s'ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas". Une référence aux salariés de GM&S qui manifestaient en même temps, alors qu'une fonderie située à près de 150 kilomètres de là a des difficultés pour embaucher. Des propos qui ont déclenché un tollé immédiat. Mais pour les éditorialistes de BFMTV, ils sont calculés et relèvent de la stratégie politique.

> Laurent Neumann: "Ce n'est pas un dérapage, c'est parfaitement assumé"
"N’employez pas le mot 'dérapage', c’est exactement ce qu’Emmanuel Macron pense, c’est parfaitement assumé. Qu’est-ce qu’il dit? 'Plutôt que de foutre le bordel, allez donc voir s’il n’y a pas du travail ailleurs'. C’est sa vision de l’économie, clairement. Il dit qu'il faut se former, accepter d’être mobile. Quand on regarde sur le fond ce qui se passe, la fameuse fonderie Constellium d’Ussel est à 143 kilomètres de la Souterraine, donc il faut vraiment accepter d’être mobile, surtout quand on a un emprunt sur une maison, une famille, c’est compliqué. Et il faut la qualification, or dans une fonderie qu’est-ce qu’on fait? On fond de l’acier et de l’aluminium, c’est une qualification. A la Souterraine on est emboutisseur, on découpe du métal, ce ne sont pas les mêmes formations. On est dans le même domaine, mais ce n’est pas la même formation. La vision de l’économie d’Emmanuel Macron, c’est qu’il faut se former et être mobile, sauf que ce n’est pas aussi simple que cela. Les mots qu’il a employés mercredi sont brutaux, c’est maladroit aussi parce qu’il y a le contexte, les ordonnances, la fameuse phrase sur les "fainéants", le débat sur l’ISF, le ‘président des riches’. C’est d’autant plus maladroit que la veille, il avait réussi une visite parfaite chez Whirlpool. Je vous le dis, c’est assumé, c’est exactement ce qu’Emmanuel Macron pense. Mais, je conçois que cela énerve".

> Christophe Barbier: "Emmanuel Macron s'adresse à une France de droite"
"Ce n’est pas légitime de parler comme ça, on ne parle pas comme ça de gens qui sont dans un drame social. Mais le problème en politique c’est de savoir si c’est efficace. Quand on sort des clous du bien-penser et du bien-parler, est-ce qu’on est efficace? Emmanuel Macron, dès qu’il en a l’occasion, s’adresse à une France de droite globalement, qui considère qu’en effet il y a des fainéants, qu’en effet il y a des agitateurs syndicalistes qui partent d’un plan social et qui en font une action politique, qui pensent plus à leurs indemnités qu’à retrouver un boulot. Bref, qui ne sont pas à considérer pour ce qu’on les considère, c’est-à-dire de pauvres salariés brisés par la mondialisation. Il y a une France comme ça, elle est travaillée au corps par un certain Laurent Wauquiez, et Emmanuel Macron ne veut pas abandonner cette France. Il fait même coup double, puisqu’en agressant ces gens-là, eh bien il plaît à une France de droite et il fait monter une France d’ultra-gauche. Il s’installe encore une fois dans le duo Emmanuel Macron-Jean-Luc Mélenchon. D’ailleurs, cela marche, depuis mercredi on retransmet les réactions d’Eric Coquerel, de la France insoumise, etc. C’est une stratégie politique du parler cash, appeler un chat un chat, pour rafler des voix. Le fond ne passe que si la forme est tranchante en politique. C’est comme quand vous faites une tarte aux pommes, si vous voulez les pommes, il faut accepter les pépins. Il prend les pépins dans la figure, il se fait critiquer, mais il espère en tirer les fruits pour lui-même. Attention, encore faut-il que le fond soit convaincant. C’est quelqu’un qui apprend beaucoup de lui-même. S’il fait ces sorties de manière répétitive, c’est qu’il vise un objectif politique."

> Eric Brunet: "C'est une façon de dire que l'action syndicale est ringarde"