Discours d'Edouard Philippe: l'opposition et les syndicats vent debout

Jean-Luc Mélenchon. - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Il n'y a guère que le Medef de Geoffroy Roux de Bézieux pour juger que le projet de réforme des retraites du gouvernement va "dans le bon sens". Ce mercredi, Edouard Philippe présentait, au siège du Conseil économique, social et environnemental à Paris, son projet de réforme des retraites. Les mesures dévoilées ont finalement durci le ton des opposants et refroidi les plus réformistes. A la sortie du Cese, devant la presse, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a ainsi lâché:
"Pour la CFDT, il y avait une ligne rouge dans cette réforme. C’était le fait de ne pas mélanger la nécessité d’une réforme systémique pour rendre le système plus juste, plus lisible, et la réforme paramétrique qui demanderait aux travailleurs de travailler plus pour travailler plus longtemps. Cette ligne rouge est franchie. Et ce n’est pas parce que on nous montre un chemin dont on aurait soi-disant les manettes…finalement on sait qu’il y aurait un âge d’équilibre de 64 ans fixé d’ores et déjà par cette réforme."
Il a encore dénoncé: "Deuxièmement, concernant les mesures sociales de la réforme systémique, il y a encore beaucoup d’insuffisances notamment sur la question de la pénibilité avec la réintégration des quatre critères exclus en 2017, il y a donc aussi des insuffisances concernant notamment le minimum contributif avec un relèvement insuffisant."
Les syndicats d'une même voix
Les cadres ne sont pas plus convaincus. François Hommeril, secrétaire général de la CFE-CGC, a réagi sur France Info: "Je reste officiellement dans le camp des opposants, je continue à considérer que cette réforme, elle est inutile, mais surtout elle est dangereuse et il apparaît après le discours du Premier ministre qu'elle est de plus en plus dangereuse".
L'UNSA, syndicat numéro 1 de la RATP, ne désarme pas non plus. Thierry Babec, son secrétaire général, a signalé qu'il comptait "installer la mobilisation dans la durée" et "élargir le mouvement au-delà des transports".
Un communiqué de FO a développé: "Incontestablement la mobilisation exceptionnelle et la grève engagée le 5 décembre conduisent le gouvernement à retarder l'application effective à la génération 1975 plutôt qu'à la génération 1963 comme initialement prévu. Pour FO cela ne peut que confirmer la nécessité de renforcer cette mobilisation".
Sur notre antenne, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a lui aussi dit son mot:
"J'ai bien entendu le Premier ministre reprendre un à un nos arguments, y compris les copier, puisqu'il a dit qu'on avait le meilleur système de retraite au monde, mais en même temps, j'allais dire, c'est projet contre projet c'est-à-dire, le gouvernement a un projet de système de retraite individualisé, nous nous préférons un système modernisé mais qui prône d'abord la solidarité, donc moi j'encourage vivement, mais je crois que je n'ai pas besoin de le faire beaucoup, l'ensemble des salariés qui sont déjà en grève à poursuivre le mouvement et les autres à l'amplifier et à le généraliser".
"Injuste et inéquitable" pour la France insoumise
Côté politique, les coups n'ont pas tardé non plus. Jean-Luc Mélenchon, leader de la France insoumise, a lancé sur Twitter: "Macron vient d'instaurer la retraite à 64 ans. Ceux qui ont 15 ans sont condamnés au système par point. Les autres sont jetés dans un labyrinthe illisible et piégeux. Les retraites des grands patrons et les privilèges des assurances privées sont maintenus. Injuste et inéquitable."
Son collègue, député élu en Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière, a appuyé: "Edouard Philippe n'annonce rien, il radote. Et nous radoterons tous, à l'âge où ils veulent nous mettre à la retraite ! Pour toucher les 1000€ garantis, il faudra avoir bossé 43 ans au SMIC. Et si vous partez avant 64 ans, vous serez sanctionnés. Voilà leur progrès !"
Pour le PS, "c'est NON"
Le Parti socialiste, par la voix de son secrétaire national, a lui aussi fermé la porte. "Allongement de la durée de cotisation, rien ou presque sur la pénibilité, toujours le flou sur les transitions... partenaires sociaux piétinés... c’est NON !" a en effet tweeté Olivier Faure.
Le PCF appelle à se mobiliser
Député élu dans le Nord, et secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel s'est projeté directement vers les prochaines journées de mobilisation: "Travailler plus, pensions calculées sur des points, fin des trimestres, âge pivot à 64 ans avec malus... le Premier ministre confirme le pire. C’est la casse programmée d’un pilier de notre modèle social. J’appelle la jeunesse et toutes les professions à se mobiliser !"
LR amer
Et si Edouard Philippe espérait le soutien de son ancienne famille politique, il en sera pour ses frais. L'ex-ministre du Budget, Eric Woerth, figure des Républicains, a regretté sur Twitter: "L'âge pivot n'est ni plus ni moins le rééquilibrage financier par la baisse des pensions".
Le Rassemblement national veut un référendum
Le Rassemblement national a lui aussi donné de la voix. Marine Le Pen a ainsi commenté: "Jamais probablement un gouvernement n’aura présenté avec des mots aussi enjolivés une réforme aussi terrible, qui va frapper durement les Français et risque de provoquer un blocage du pays. M. Macron, sortez de la crise par le haut : référendum !"
Jordan Bardella, vice-président du RN et député européen, a quant à lui évoqué l'exorde du discours d'Edouard Philippe, qui avait voulu se rattacher aux mânes du Conseil national de la résistance: "Se référer au Conseil national de la Résistance pour mieux détricoter son héritage, il fallait oser ! Malgré les annonces et le ton d'Edouard Philippe qui se veulent rassurants, cette réforme retraites n'est toujours pas acceptable : les Français seront perdants!"