Congrès de Versailles: la décision de Macron critiquée par ses opposants

La date du lundi 3 juillet n'a certainement pas été choisie au hasard. En effet, le chef de l'Etat a décidé de réunir les parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat en Congrès à Versailles, afin de donner les grandes orientations de la ligne politique de son quinquennat. Problème: ce rendez-vous politique attendu interviendra exactement la veille du discours de politique générale que doit prononcer Edouard Philippe, mardi devant l'Assemblée nationale.
Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, avait tenu à rassurer quant à ce point, sur RTL:
"Aujourd'hui, il n'y a pas d'expression du président de la République sur les grandes orientations de la France qui ne soient travaillées avec le Premier ministre et inversement".
Le Président décide, le Premier ministre exécute
Pour Christophe Barbier, l'un de nos éditorialistes politiques, le choix de cette date n'est pas choquant:
"Emmanuel Macron a besoin de s'exprimer devant le Congrès avant l'été, sinon l'Assemblée nationale tourne à blanc pendant une semaine. Ce choix de date peut s'expliquer par le fait que le discours du lundi 3 juillet fera office de décision, celui du 4 juillet par Edouard Philippe, d'exécution. Ce dernier et le chef de l'Etat forment un tandem similaire à celui de Charles de Gaulle et de Michel Debré au début de la Ve République. En effet, le Premier ministre tire sa légitimité du président de la République. C'est une légitimité régalienne".
Christophe Barbier précise qu'Edouard Philippe pourrait faire le choix de "décaler son discours 24 ou 48 heures après celui du Président".
"C'est le conseil que je lui donnerais. Emmanuel Macron et le Premier ministre ne sont pas des amis intimes, il n'existe pas non plus de rivalité entre eux. Ils forment un couple opérationnel et sain. Malgré tout, personne n'est dupe: les députés savent qu'Emmanuel Macron met son emprise sur tout".
Edouard Philippe, un "répétiteur" pour le PS
Cependant, de nombreux élus s'étaient déjà exprimés sur le sujet. "Ce serait une humiliation pour Edouard Philippe qui serait renvoyé au statut non plus de collaborateur mais de simple répétiteur", a affirmé au Parisien le président du groupe PS à l'Assemblée, Olivier Faure. Dans un communiqué publié ce mercredi, il ajoute:
"La décision du président de la République de s’exprimer devant le Congrès symbolise le retour du pouvoir personnel. Effacé le Premier ministre qui se voit condamné à jouer les répétiteurs le lendemain. Escamoté le vote de confiance puisque le discours présidentiel ne peut faire l’objet d’aucun débat en sa présence ni d’aucun vote. Sous couvert de novation, Emmanuel Macron renoue avec la conception la plus archaïque de la Vè République".
Plusieurs députés vont sécher le Congrès
Le député Philippe Vigier s'est également indigné, dans une série de tweets:
"Cette décision témoigne d’une volonté de concentrer tous les pouvoirs à l’Elysée. Elle ouvre la porte à toutes les dérives, et porte en elle les germes d’un affaiblissement durable du Premier ministre".
Ainsi, "par respect du fonctionnement équilibré des institutions,", Philippe Vigier a décidé de ne pas se rendre au Congrès. Quant au député de Seine-Saint-Denis Jean-Christophe Lagarde, celui-ci a affirmé sur LCI:
"C'est son droit, c'est un droit constitutionnel que nous avons voté il y quelques années, mais très franchement, il serait assez curieux qu'il (Emmanuel Macron, NDLR) le fasse la veille du discours de politique générale du Premier ministre. Il faut que le président de la République préside, plutôt qu'il ne passe son temps à faire à la fois le travail de président de la République et de Premier ministre, comme Nicolas Sarkozy et François Hollande".
Le député UDI, qui siège à l'Assemblée nationale dans le groupe "UDI-LR constructifs", a indiqué ce mercredi sur Twitter qu'il boycotterait lui aussi l'événement.
"Ce n'est pas contradictoire"
Pour d'autres députés, au contraire, la décision de s'exprimer la veille du discours du Premier ministre n'est pas choquante, et serait même logique. Ainsi, Thierry Solère, fraîchement élu membre de la questure à l'Assemblée nationale, a déclaré sur France 2:
"Dans nos institutions, le Premier ministre est le chef de la majorité. Il est surtout le chef du gouvernement. Que le président de la République nous donne les grandes lignes et qu'ensuite le Premier ministre vienne expliquer, avec un vote de confiance derrière, sa méthode, ses priorités, son calendrier, je crois que ce n'est pas contradictoire".
Le principal intéressé a donné son mot sur la question. En marge d'un déplacement à Tallinn, en Estonie, Edouard Philippe a assuré: "Je pense que, comme toujours, il y aura deux expressions à la fois parfaitement en ligne et en même temps complémentaires".