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TOUT COMPRENDRE. Doualemn: pourquoi l'OQTF de l'influenceur algérien a été annulée par la justice

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L'influenceur algérien Doualemn, dans le viseur des autorités françaises et au cœur d'une querelle diplomatique avec Alger, ne sera pas expulsé dans l'immédiat. Son obligation de quitter le territoire français (OQTF) a été annulée par la justice.

L'influenceur algérien "Doualemn", au cœur d'un bras de fer entre Alger et Paris, a obtenu gain de cause jeudi 6 février auprès du tribunal administratif de Melun, qui a annulé l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai dont il faisait l'objet.

La décision a provoqué la colère du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui subit un nouveau revers judiciaire dans cette affaire. Ce vendredi matin, il a dénoncé "un échafaudage juridique qui désarme l'État régalien".

· Qui est Doualemn?

Boualem N. est un ressortissant algérien de 59 ans. Agent d'entretien de profession, il est aussi à la tête d'un compte TikTok, "Doualemn", cumulant 168.000 abonnés.

Le 5 janvier 2025, il a été interpellé à Montpellier et placé en rétention après un signalement du maire Michaël Delafosse. En cause, une vidéo publiée fin décembre sur son compte. Il y tient des propos au sujet d'un opposant au régime algérien qui ont fait l'objet de traductions fluctuantes, initialement présentées par les autorités françaises comme un appel au meurtre. La version retenue par la justice a finalement relevé une incitation à "attraper" un homme et lui infliger une "correction sévère". Il doit être jugé le 24 février pour cette "provocation à commettre un crime".

Né en 1965 à Alger, Doualemn était entré une première fois en France de façon irrégulière à l'âge de 23 ans. Il avait rapidement attiré l'attention des autorités en multipliant les délits, ce qui lui a valu six condamnations à des peines de prison ferme. Il avait été expulsé une première fois en 2008. Il était revenu en France de façon irrégulière en 2009 en France. Il avait bénéficié ensuite d'une régularisation de sa situation administrative en sa qualité de parent d'enfant français et s'est vu octroyer un titre de séjour.

· Pourquoi n'a-t-il pas été expulsé de France?

Après la publication de la vidéo polémique, le préfet de l'Hérault a estimé que les propos de Doualemn justifiaient le retrait de son titre de séjour et son expulsion. Transféré vers Paris, il a été mis dans un avion vers l'Algérie le 9 janvier. Mais les autorités algériennes l'ont aussitôt renvoyé vers la France, au motif que l'homme est interdit de territoire dans son pays. À son retour dans l'Hexagone, il a été maintenu en détention administrative, en raison de l'arrêté d'expulsion dont il faisait toujours l'objet.

Mais le 29 janvier, nouveau rebondissement. Le tribunal administratif de Paris a jugé que le ministre de l'Intérieur avait "appliqué à tort la procédure d’expulsion en urgence absolue" pour expulser l'influenceur.

"Ils ont estimé qu'il n'y avait pas de caractère d'urgence car cela fait 15 ans qu'il est sur le territoire français avec femme et enfants en France", éclaire l'avocat Dylan Slama sur le plateau de BFMTV.

Le juge a toutefois donné raison aux autorités en validant le retrait du titre de séjour de l'influenceur, car "les faits qui lui sont reprochés représentent une menace grave à l’ordre public".

Aussitôt après cette décision, le préfet de l'Hérault a pris deux obligations de quitter le territoire français (OQTF) contre Doualemn.

· Qu'a décidé la justice ce jeudi?

Saisi en urgence, le tribunal administratif de Melun a cassé ce jeudi les obligations de quitter le territoire français (OQTF) dont Doualemn faisait l'objet.

Le juge a "décidé d'annuler les décisions prises par le préfet de l'Hérault", indique un communiqué du tribunal. Il "enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps de ce réexamen". La motivation de cette décision n'a à ce stade pas été rendue publique.

Le tribunal a également condamné l'État à verser 1.200 euros à Doualemn en vertu de l'article L761-1 du code de justice administrative. "On estime qu'il a subi un préjudice puisque sa rétention était illégale", explique l'avocat Dylan Slama.

Doualemn a donc quitté jeudi soir le centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) où il était détenu. Une victoire pour ses avocates, Marie David-Bellouard et Julie Gonidec, qui voient dans les décisions prises à l'encontre de leur client "un acharnement féroce et aveugle, aujourd'hui sanctionné". "Le ministère a joué son va-tout et a perdu. Nous dénonçons une rétention illégale depuis le 29 janvier et saluons une décision logique qui y met un terme", ont-elles écrit.

· Comment réagit le gouvernement?

Le ministère de l'Intérieur va "faire appel et continuer la procédure d'expulsion", a aussitôt indiqué à l'AFP l'entourage du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau.

"Je demande aux Français de bien enregistrer toute la séquence de faits et peut-être qu'ils vont toucher du doigt l'extrême difficulté que nous avons pour expulser", a regretté le ministre sur le plateau de LCI. "Il y a des points sur lesquels on doit changer la loi", a ajouté le patron de Beauvau. "Aujourd'hui, on a quantité de règles juridiques qui ne protègent pas la société française", a-t-il ajouté.

Ce vendredi matin, il a encore dénoncé un "échafaudage juridique qui désarme l'État régalien".

"S'il faut modifier la loi une nouvelle fois pour que les choses soient extrêmement claires et que la République et l'État ne fassent pas preuve d'impuissance mais expulsent du territoire national toute personne étrangère irrégulière. Alors il faudra modifier la loi", a de son côté déclaré le ministre de la Justice Gérald Darmanin à l'Assemblée nationale.

François Blanchard