Refus d'euthanasie pour Vincent Lambert: "Il n'y a pas de droit à la mort"

Une infirmière s'occupe d'un patient dans une salle de réveil à l'hôpital cardiologique de Lille, le 13 avril 2013. (Illustration) - -
La décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne refusant jeudi que soit mis en place un protocole de fin de vie pour Vincent Lambert, relance immanquablement le débat sur l'euthanasie passive et les failles de la loi Leonetti. La ministre de la Santé Marisol Touraine avait annoncé sur BFMTV "une loi avant la fin de l'année".
Mais en attendant, le sort de ce tétraplégique en état de conscience minimale, dit "pauci-relationnel", divise sa famille comme la société. Ce jugement peut-il faire jurisprudence? Sur quoi se fonde-t-il et de quelle manière pourrait-il être contesté? BFMTV.com fait le point avec Xavier-Philippe Gruwez, avocat au Barreau de Paris.
> La décision du tribunal administratif peut-elle faire jurisprudence?
Cette décision prise en première instance ne crée pas forcément une jurisprudence, mais apporte un éclairage intéressant. Ce qui a primé est le droit à la vie qui est un droit sacré, un droit fondamental. Au regard de ce droit, la décision de l'hôpital de mettre fin aux jours de M. Lambert est suspendue car elle n'est pas légale. Le droit à la vie est opposable à tous, y compris aux institutions et à l'Etat. C'est une valeur cardinale, le "premier des droits de l'Homme" ou encore, le "roi des droits" comme disent certains auteurs.
Il n'y a pas de "droit à la mort". La Cour européenne des droits de l'Homme, dans son arrêt "Pretty c. Royaume-Uni du 29 avril 2002, l'a clairement dit. (NDLR: Diane Pretty, une Britannique atteinte d'une maladie neurodégénérative entraînant une paralysie des muscles demandait que son mari ne soit pas poursuivi s'il l'aidait à mourir. Ce qui lui fut refusé). Les juges de Strasbourg ne font d'ailleurs dans leur interdiction aucune distinction entre l'euthanasie proprement dite, donc active, l'orthothanasie, qui consiste à laisser mourir le malade par abstention de soins (NDLR: le cas donc de Vincent Lambert), ou la dysthanasie, soit l'interruption des moyens artificiels de survie.
> La loi Leonetti est-elle remise en question par ce jugement?
La loi Leonetti est prévue pour des personnes qui sont en fin de vie et non pas pour des grands accidentés. La loi n'a pas été faite pour ceux qui sont encore jeunes et qui ont une potentialité vitale avérée. Elle a été faite pour les gens âgés et mourants. Là, il ne s'agit nullement d'une maladie "grave et incurable" dont parle la loi Leonetti, mais d'un accident.
Quant à l'article 5 de la loi, soit l'article L1111-4 du Code de la Santé publique, qui parle d'une "procédure collégiale" (NDLR: pour décider l'arrêt du traitement après avoir consulté les proches et la "personne de confiance"), on voit qu'il est neutralisé dès qu'apparaît un désaccord familial et il cède aussitôt devant le droit à la vie.
> Quels arguments pourraient faire valoir les partisans de cette euthanasie devant le Conseil d'Etat?
L'"obstination déraisonnable". Mais en cas d'absence de manifestation de la volonté de l'intéressé et au vu du désaccord de la famille, le juge ne peut ordonner que soit délivré une autorisation légale de tuer. Le juge ne pourrait pas ordonner ça et s'opposer à la Cour européenne des droits de l'Homme et aux droits fondamentaux. La loi ne peut même pas autoriser ça.
> Sur quels fondements la loi promise par Marisol Touraine pourrait s'appuyer?
Cette loi pourra difficilement s'opposer aux droits fondamentaux qui prévalent sur elle. Elle ne pourra porter atteinte à la vie qu'en prenant des précautions extrêmes et dans certains cas limitativement énumérés. Cette future loi sera à la fois un cas de conscience et casse-tête juridique.