Procès Le Scouarnec: pour la première fois, l'ex-chirurgien reconnaît avoir abusé de sa petite-fille

Erwann* Le Scouarnec semble toujours aussi perdu. En 2017, il a mené son "enquête personnelle" sur les faits reprochés à son père, s'est "heurté à des murs", et a arrêté. En sortant de la salle d'audience où l'ex-chirurgien est jugé depuis lundi, le fils aîné de cette famille ressort assommé, sonné par les déclarations de son père, Joël Le Scouarnec, sur les abus commis sur sa petite-fille quand elle était âgée entre deux et trois ans.
Pour la première fois, l'ex-chirurgien a admis avoir abusé de l'enfant, sans donner de détails.
"Je reconnais d’avoir commis des abus sexuels sur sa fille, ma petite-fille, je te demande pardon", a lancé Joël Le Scouarnec, de son habituelle voix plaintive.
La présidente a fait acter ses déclarations. Son fils, KO debout, a dû être pris en charge psychologiquement. Il repart sans savoir ce que son père a fait subir à son enfant. Plus tard, le parquet de Lorient a communiqué annonçant des suites judiciaires aux déclarations de Joël Le Scouarnec.
Des récits dans les carnets
Dans les "journaux intimes" de Joël Le Scouarnec, 20 passages concernant la fillette ont été découverts. Le premier a été écrit à sa naissance, le dernier en 2017 juste avant l'interpellation du chirurgien. L'ex-chirurgien raconte, entre autre, comment il montre ses parties génitales à l'enfant. Il évoque ses regrets de ne pas l'avoir abusée ou attouchée sexuellement. "Dans peu de temps il sera trop tard pour le faire... elle en conservera trop le souvenir", écrit le grand-père.
En 2017, la lecture de ces récits a été "imposée" à Erwann Le Scouarnec par le procureur lors de l'enquête à Saintes pour "que je prenne conscience", raconte-t-il au cours de son audition. Il évoque alors le "double traumatisme" ressenti.
À l'époque, le fils aîné n'envisage pas de porter plainte. "Pour ne pas exposer ma fille", dit-il ce vendredi face à la cour. "Vous pensez qu’elle n’a pas déjà été exposée?", s'étonne la présidente Aude Buresi. "Si mais elle n’a aucun souvenir et on lui a déjà posé beaucoup de questions", estime le dernier de la famille Le Scouarnec à être entendu.
Jusqu'à ce jour, il considère qu'il n'y a pas eu "d'agressions directes sur sa fille". La présidente lui propose de relire les récits, à l'extérieur de cette salle d'audience. Il acquiesce, "dans un autre contexte".
"J’ai pas dû bien comprendre, analyser ce qui m’a été dit", souffle, perdu, Erwann Le Scouarnec. "C’est pour ça que j’ai demandé à relire ce qui a été écrit. Si j’ai mal compris ou mal interprété je vais agir rapidement."
Le fils dénonce l'omerta familiale
C'est un homme marqué qui se présente devant la cour criminelle du Morbihan. Certes, Erwann Le Scouarnec présente une carrure imposante, a réussi à sortir de deux ans d'addiction à l'alcool causée par l'interpellation de son père, mais à 44 ans, le fils aîné de l'ex-chirurgien de Jonzac est autant atteint par les faits reprochés à son père que par cette omerta familiale qui a régné chez les Le Scouarnec pendant toutes ces années.
Concernant les 300 faits de viols et d'agressions sexuelles imputés à son père, il évoque sa "colère" énorme, son sentiment de trahison. "Pourquoi il ne s’est pas soigné?", s'agace le quadragénaire. "D’une part il a soigné des gens, il a sauvé des personnes, et de l’autre il les a souillées."
Contrairement à ses deux frères et sa mère entendus en début de semaine, il refuse de distinguer le père avec qui il avait "un lien fort", partageait beaucoup de choses communes, notamment la passion pour la médecine, du prédateur sexuel.
"Je pense qu’on a une architecture de pensée différente", estime-t-il.
Si Erwann Le Scouarnec est resté proche de ses deux frères, il n'a plus de contact avec sa mère. "Quand j’ai commencé à faire mon enquête personnelle, elle savait plein de choses, elle m’a trahi", résume-t-il. "Dans la famille de ma femme, ça n’existe pas le mensonge. J’ai vu une autre façon de penser." Le fils aîné a peut-être été celui qui a découvert le plus tard les non-dits familiaux (la perquisition de 2004, les abus sexuels du grand-père sur son jeune frère...). "Pensez-vous que le silence est protecteur?", l'interroge l'avocat général.
"Non, mais ça demande énormément de courage. (...) Quand on ne dénonce personne, ça continue."
Les premiers mots d'Erwann Le Scouarnec ont d'ailleurs été pour les victimes de son père: "Même si pour moi c’est pénible d’être ici je voulais avoir une pensée pour toutes les victimes, pour les personnes de ma famille que je connais, et celles que je ne connais pas."
* Le prénom a été changé.