Procès Le Scouarnec: les parties civiles saluent le "respect" dont font preuve les avocats du chirurgien

Les avocats de Joël Le Scouarnec, Thibaut Kurzawa (G) et Maxime Tessier, le 4 mars 2025 à Vannes - Damien MEYER © 2019 AFP
Le verdict approche à grand pas, mais pour l'heure, place aux plaidoiries de la défense. Alors que le parquet a requis 20 ans de réclusion criminelle à l'encontre de Joël Le Scouarnec pour des viols et agressions sexuelles sur 299 patients, Mes Maxime Tessier et Thibaut Kurzawa vont plaider ce lundi 26 mai pour défendre le chirurgien.
Si l'on ne connaît pas avec précision le contenu de ces plaidoiries, la défense ne tentera pas de décrédibiliser les témoignages des victimes ni de jouer sur l'absence de preuves à l'encontre de leur client. Et ce pour une bonne raison: Joël Le Scouarnec a choisi de reconnaître tous les faits qui lui sont reprochés.
À l'issue d'une audience le 20 mars dernier, près d'un mois après l'ouverture du procès, l'un de ses avocats a raconté à l'AFP lui avoir "demandé s'il reconnaissait que les 299 faits poursuivis étaient des infractions". "Il a dit 'oui'", a poursuivi Me Maxime Tessier.
"Je suis dans un devoir de vérité", a ensuite expliqué l'accusé.
Deux mois plus tard, alors que l'on s'approche de la fin du procès, les parties civiles disent attendre beaucoup de la parole de la défense. Elles saluent le "respect" qu'ont témoigné les deux avocats à toutes les victimes qui ont déposé à la barre.
Une "atmosphère d'écoute attentive"
Délestée de la nécessité de tirer les vers du nez à Joël Le Scouarnec après ses aveux complets, la cour a donc pu recentrer en grande partie les débats sur la parole des victimes. Pendant presque trois mois, elles ont défilé à la barre pour raconter leur histoire et confier le traumatisme qu'elles ont gardé après le passage du chirurgien dans leur vie.
Des témoignages sur lesquels les avocats de la défense ont souvent rebondi en interrogeant leur client, mais toujours de manière respectueuse, indiquent plusieurs avocats de parties civiles auprès de BFMTV.com.
"Les questions qui leur sont posées ne consistent pas à les piéger. Il y a une atmosphère d'écoute attentive", commente Me Laure Boutron-Marmion, avocate de l'association Face à l'inceste, partie civile dans le dossier.
Ce qui n'est pas le cas, selon elle, à tous les procès touchant à des violences sexuelles. "Parfois, les victimes assistent à un vrai interrogatoire qui passe au crible ce qu'elles racontent", explique encore l'avocate. Même avis du côté de Me Myriam Guedj Benayoun, qui intervient souvent dans ce type de dossiers et représente deux victimes lors de ce procès tentaculaire: "Il y a un respect de la parole que l'on est loin d'avoir dans tous les procès."
Le procès Depardieu, "contre-exemple spectaculaire"
Un constat que nuance toutefois Me Cécile de Oliveira, avocate de quatre victimes. Selon elle, la défense témoigne un "respect normal, que l'on doit aux personnes". "Ce choix est important et plus confortable pour les victimes. Il leur offre un espace de parole protégé", déclare-t-elle.
Au contraire, le procès de Gérard Depardieu offre un "contre-exemple spectaculaire" en la matière, admet l'avocate. Jugé pour des agressions sexuelles sur le tournage du film Les Volets verts, l'acteur a été condamné le 13 mai à 18 mois de prison avec sursis, mais aussi à verser 1.000 euros à chacune des plaignantes au titre de la "victimisation secondaire". La cour a en effet estimé que les parties civiles avaient "été exposées à une dureté excessive des débats à leur encontre", comme indiqué dans le jugement.
Pendant l'audience, l'avocat du comédien, Me Jérémie Assous, avait notamment qualifié les avocates des parties civiles d'"hystériques" et avait multiplié les propos jugés humiliants à l'encontre des victimes, écorchant au passage le nom de l'une d'entre elles. "C'est une posture très atypique de la défense", estime Me De Oliveira.
Pour autant, ce n'est pas la première fois que ce genre de comportement d'avocats de la défense est pointé du doigt. Au procès dit des "viols de Mazan", déjà, Gisèle Pelicot avait pris la parole à ce sujet, déclarant de sentir "humiliée" par les insinuations de certains avocats d'accusés. "On me traite d'alcoolique, que je me mets dans un état d'ébriété tel que je suis complice de monsieur Pelicot", avait-elle énuméré.
Un climat bien différent de celui dans lequel s'est déroulé le procès Le Scouarnec depuis son ouverture. "Souvent, on essaie de piétiner l'image de la victime. Là, on est dans un vrai travail de défense, avec des avocats qui essaient de rendre la justice", souligne Me Myriam Guedj Benayoun.
"Un idéal de justice réparatrice"
Toutes les avocates s'accordent sur un point: cette posture de la défense aurait néanmoins été beaucoup plus compliquée à tenir si Joël Le Scouarnec avait refusé de reconnaître son implication dans l'ensemble des cas. "Avec ces aveux successifs, il n'y avait plus à contrer le contenu de la parole des victimes", analyse Me Laure Boutron-Marmion.
Selon elle, "cela a permis aux victimes d'avoir moins peur de la déposition. Ça rend moins désagréable le jeu du procès."
Auprès de BFMTV.com, Me Maxime Tessier, l'un des deux avocats du chirurgien, réagit à ces propos et se dit "extrêmement touché", évoquant un choix de défense "conforme à ses valeurs".
"Nous avons montré toute la compassion et l'admiration que nous avons envers les victimes. Il fallait élever le débat au niveau des enjeux de ce procès" et répondre à l'"idéal de justice réparatrice" qui est le sien, déclare-t-il.
La présidente aussi saluée pour sa bienveillance
L'autre personne dont les parties civiles saluent le travail, c'est la présidente de la cour, Aude Buresi. Au cours de leurs plaidoiries, la semaine du 19 mai, plusieurs ont souligné l'écoute bienveillante qu'elle a témoignée aux victimes.
"Chaque victime est considérée, a droit à la parole. La présidente prend le temps de l'écouter et d'interroger Le Scouarnec sur chacune d'entre elles. C'est assez incroyable, ce qu'on vit", confirme Me Myriam Guedj Benayoun.
Quant à ce dernier, si ses aveux ont pu libérer un poids, sa posture neutre, touchant presque à l'indifférence, agace. "Elles ont beaucoup de colère en elles et restent vent debout contre Joël Le Scouarnec. Ce procès ne révèlera jamais l'authenticité de l'accusé", indique Me Laure Boutron-Marmion.
Davantage attendues que redoutées, les plaidoiries de Me Maxime Tessier et de Me Thibault Kurzawa ce lundi vont peut-être pouvoir apporter certaines réponses en la matière. "On attend toujours une forme de compréhension, au regard de la personnalité énigmatique de l'accusé", conclut Me Cécile de Oliveira.