Procès Le Scouarnec: des enquêteurs racontent la difficile exploitation des "carnets" de l'ex-chirurgien

Elle a épluché les carnets de l'horreur. Une enquêtrice qui a travaillé sur l'affaire Le Scouarnec a pris la parole au procès de l'ex-chirurgien accusé de viols et agressions sexuelles sur des centaines de patients. Des faits consignés dans des carnets personnels et qui ont été exploités par cette gendarme qui travaillait à la brigade de Jonzac (Charente-Maritime).
Elle confie avoir dû "se protéger" devant l'ampleur de cette affaire pédocriminelle, "je me souviens la première journée où je commence à exploiter les disques durs. Je dirais que ça fait un choc".
300.000 fichiers pédopornographiques
Visiblement très choquée, celle-ci a fondu en larmes en revivant sa découverte des 300.000 fichiers pédopornographiques trouvés dans les ordinateurs de l'accusé en 2017.
Une prise d'enquête difficile à digérer devant les contenus de l'ex-chirurgien qui, de 1996 à 2015, tient un fichier sur ses éjaculations mensuelles. Dans les données exploitées, des tableaux Excel titrés "vulvette" ou "quéquette" avec le prénom, âge, lieu, date de naissance ou encore adresse de nombreux patients. Deux temps de conjugaison sont employés dans les carnets: de l'indicatif et du conditionnel, sur ce qu'il aurait aimé faire à ses patients et potentielles victimes.
Ce sont quatre carnets qui ont été exploités. Son audition par visioconférence a toutefois été interrompue en raison de problèmes techniques, ce qui a motivé la cour à renoncer à sa déposition.
Le gendarme qui a dirigé l'enquête lui a succédé à la barre pour être interrogé notamment sur ces éléments, dont des clichés ont été projetés à la cour.
Dizaines de poupées, sexuées ou non, jouets sexuels, perruques, un cadre photo où l'accusé figure nu en érection, jambes écartées... La main en écran devant les yeux, Joël Le Scouarnec se plie en deux pour ne pas voir afficher l'attirail de ses perversions.
Le directeur d'enquête questionné à son tour
Impitoyable, la présidente Aude Buresi a ensuite questionné sans répit le gendarme sur les erreurs ou lacunes de l'enquête, insistant longuement sur les "victimes oubliées" ou non prises en compte dans les investigations.
Au total, 410 victimes potentielles avaient été comptabilisées et 344 interrogées. Certaines sont décédées, pour d'autres les faits étaient prescrits.
"Je pense qu'on a recensé la majorité des victimes dans ces écrits", se défend le directeur d'enquête.
Il est 20 heures, le gendarme est "sur le grill" depuis 5 heures, note l'avocat général. La présidente a fini ses questions, elle annonce la suspension de l'audience, saluée par certains avocats des parties civiles: "le cerveau a ses limites", "la semaine a été extrêmement éprouvante", "on est fatigués".