BFMTV
Police-Justice

Procès de Cédric Jubillar: un "ami virtuel" de l’accusé, très impliqué dans sa défense, s’attire les foudres des avocats

Cédric Jubillar, le 22 septembre 2025, devant la cour d'assises du Tarn, à Albi

Cédric Jubillar, le 22 septembre 2025, devant la cour d'assises du Tarn, à Albi - Lionel BONAVENTURE © 2019 AFP

Un homme avait que Cédric Jubillar a rencontré par le biais d'un jeu sur son téléphone et qui correspondait par messages avec lui est venu livrer sa conviction sur le manque de preuves à l'encontre de l'accusé, ce jeudi 9 octobre au tribunal d'Albi (Tarn). Son témoignage-plaidoyer lui a valu des critiques des parties civiles et de l'accusation.

Il s’est avancé en costume-cravate bleu à la barre, les cheveux gominés, le pas assuré. Cyril H., élu dans l’Indre-et-Loire, se présente aussi comme un ancien policier, ancien surveillant pénitentiaire, juriste – et ami de Cédric Jubillar. Il vient témoigner en faveur du peintre-plaquiste, jugé depuis le 22 septembre à Albi (Tarn) pour le meurtre de son épouse, Delphine Jubillar, en décembre 2020. Mais rapidement, son témoignage fait "pschitt": il n’a jamais rencontré l’accusé physiquement, comme il l'explique.

À son arrivée, il s’étend pendant une vingtaine de minutes sur ses échanges avec Cédric Jubillar à partir de 2018, via un jeu Game of Thrones en ligne. De fil en aiguille, les deux hommes quittent la messagerie du jeu, basculent sur les réseaux sociaux et "commencent à parler de leurs vies respectives".

Après la disparition de Delphine Jubillar, en décembre 2020, Cyril H. témoigne son soutien à Cédric et le prévient: il sera considéré comme suspect dans l’enquête. "C’est la procédure. J’étais policier de profession, je connaissais la suite", détaille-t-il ce jeudi. À compter de mai 2021, les deux hommes n’auront plus de contacts. Mi-juin, le mari de l’infirmière est placé en garde à vue, puis mis en examen et incarcéré. Cyril H. explique alors avoir été outré du portrait de son ami dressé par les médias. "Je suis animé par un profond refus de l’injustice, je suis un idéaliste."

Il explique également avoir cherché des statistiques en consultant… deux intelligences artificielles. À ChatGPT et Grok, il demande "dans quels délais on trouve des éléments probants dans les enquêtes sur des féminicides". "C’est en termes de quelques semaines. Aujourd’hui, quatre ans et demi après l’incarcération de Cédric, on n’a rien de probant" à l'encontre de ce dernier, raconte-t-il.

Il prend alors la parole dans l’émission Touche pas à mon poste pour défendre son ami. "Si j’ai voulu m’investir dans cette affaire, c’était pour que la justice puisse rayonner et soit digne de ce qu’elle doit être", récite-t-il dans une déposition aux airs de plaidoyer.

"Je suis un homme empathique"

S’il est là aujourd’hui, répète-t-il, c’est parce qu’il est "idéaliste" et souhaite montrer que son compagnon de jeu en ligne, s’il n’est pas forcément innocent, n’est pas non plus inévitablement coupable.

Ses déclarations agacent passablement les deux avocats généraux. "Vous savez, vous, à quelle heure il emmenait les enfants à l’école, combien de stupéfiants il consommait?", lui demande le premier. "Non… Mais je savais qu’il se levait la nuit pour jouer" notamment, répond le conseiller régional.

Le second avocat général sursaute, un échange tendu s’engage. "Je vous rassure monsieur, on n’a pas besoin de vous. On a besoin de magistrats sérieux, de jurés impliqués, d’avocats qui défendent leurs clients de manière acharnée. Vous êtes là parce que la défense vous a fait citer." Réponse du témoin: "Ben donc, quelque part vous avez besoin de moi…"

Tour à tour, les avocats des parties civiles se relaient pour pointer l’inutilité du témoignage de Cyril H. "Ce que je trouve incroyable c’est que, dans le cadre des relations que vous avez avec un joueur, dans un jeu vidéo, vous ayez cette empathie extraordinaire", s’étonne Me Philippe Pressecq, avocat de la cousine de Delphine Jubillar. "Je suis un homme empathique, oui. Mais comme je l’ai dit, je suis idéaliste. Je n’aime pas l’injustice. (…) Ce que je défends ici, c’est la présomption d’innocence et la détention arbitraire."

"Beaucoup de questions" pour un "témoignage insignifiant"

Me Laurent Boguet, avocat des enfants du couple Jubillar, raconte pour sa part l’avoir croisé sur le plateau de BFMTV lors de la première semaine du procès. Cyril H. y défendait l’accusé, alors qu’il était prévu qu’il témoigne au tribunal d’Albi deux semaines plus tard. "Vous fournissez une conviction sur un plateau télévisé", pointe l’avocat. "Je n’ai pas connaissance d’avoir enfreint une règle, si je dois être sanctionné, je le serai", répond l’élu.

"À cet instant, ça relativise la portée de votre témoignage...", insiste l’avocat. Réponse: "Très bien, eh bien, relativisez."

"Pour un témoignage 'insignifiant', on vous a posé beaucoup de questions…", fait remarquer Me Alexandre Martin, avocat de Cédric Jubillar. La défense, qui a demandé à ce que Cyril H. vienne témoigner ce jeudi, s’abstient pourtant de l’interroger davantage.

Elisa Fernandez