Au procès de Cédric Jubillar, deux ex-compagnes témoignent entre contradictions et accusations

Cédric Jubillar lors de l'ouverture de son procès devant la Cour d'asises du Tarn à Albi, le 23 septembre 2025 - Lionel BONAVENTURE © 2019 AFP
L'une est blonde, l'autre brune. La première a 48 ans, l'autre en a 31. Les deux témoins qui ont déposé ce jeudi 9 octobre lors du procès de Cédric Jubillar à Albi (Tarn) n'ont pas grand-chose en commun. À ceci près qu'elles ont noué une relation avec l'accusé après la disparition de son épouse, Delphine, en décembre 2020. Mais là où Séverine L. assure qu'elle ne pense pas l'homme coupable, Jennifer C. soutient qu'elle a reçu des aveux de sa part.
"Je ne regrette pas du tout ma relation avec Cédric", commence Séverine L. La quadragénaire, explique à la barre qu'il lui est "déjà arrivé de penser que c'est lui" qui a tué Delphine Jubillar. "Mais au jour d'aujourd'hui, je ne pense pas que ce soit lui", déclare-t-elle à la barre.
Avant ça, cette blonde aux cheveux tressés, lunettes sur le nez, a déroulé le fil de sa rencontre avec le peintre-plaquiste. Au mois d'avril 2021, lors d'une battue pour chercher Delphine Jubillar, elle met la main sur un pull abandonné. Les gendarmes ne semblent pas s'en préoccuper, alors elle se met en tête d'en parler directement avec le mari de la disparue et se rend chez lui.
Non, ce pull ne dit rien à Cédric Jubillar. Malgré tout, les deux commencent à discuter, nouant le début d'une relation amoureuse de quelques mois. "Curieuse", elle se dit que ce lien pourra lui permettre "d'en savoir plus" sur la disparition de l'infirmière.
"J’ai eu des fois des doutes parce qu’il cherchait pas trop sa femme, mais je me suis pas dit que c’était lui qui avait fait du mal à Delphine", indique Séverine L.
Séverine L. dit "ne rien savoir"
Les minutes passent et, à la barre, la témoin commence à s'empêtrer dans ses contradictions, que les parties civiles ne manquent pas de souligner. Non, son ex-compagnon n'est "pas spécialement" menteur, affirme Séverine L. Avant d'admettre, l'instant d'après, qu'il est capable de "mentir et vous regarder droit dans les yeux en vous disant 'non, c’est pas vrai'."
De la même manière, Cédric Jubillar n'était pas violent avec ses enfants, il s'en occupait même "super bien", dit-elle, décrivant un père de famille "calé sur les horaires", qui faisait faire leurs devoirs à Louis et Elyah, qui était câlin avec eux.
Pourtant, elle reconnaît ensuite avoir dit que Cédric Jubillar pouvait être "violent" avec Louis. "Il lui met des claques d’une telle violence que j’aimerais pas les prendre. Quand il le punit il le met par terre comme un chien", prononce-t-elle en 2021 lors d'une conversation téléphonique. "J'assume, je confirme mes dires", commente aujourd'hui Séverine L.
Me Emmanuelle Franck, avocate de Cédric Jubillar, résume ainsi la déposition de Séverine L.: "Si on doit retenir quelque chose de votre témoignage, c’est que vous ne savez rien." L'intéressée confirme: "Je ne sais rien du tout."
"Si je le trompe, je vais finir à côté de Delphine"
Jennifer C., elle, se connecte en visioconférence depuis un commissariat du Gers, où elle vit, n'ayant pas pu se rendre à Albi pour des raisons de santé. Entre elle et l'accusé, explique-t-elle, tout a commencé par un message en janvier 2021. Delphine Jubillar a alors disparu depuis quelques semaines, et Jennifer C. souhaite témoigner son soutien à son mari. Elle le contacte sur les réseaux sociaux, il lui répond. S'engagent des conversations "quotidiennes" et des appels en visio, "parfois des nuits entières".
À l'époque, déjà, la jeune femme note que le mari ne semble pas très impliqué dans l'enquête sur la disparition de son épouse: "Je voyais qu’il ne cherchait pas Delphine." Au printemps 2021, alors que Cédric Jubillar rencontre Séverine L., leur relation s'éteint d'elle-même. Pour mieux renaître deux ans plus tard, toujours par messages et lettres interposées.
Le peintre-plaquiste se trouve à ce moment-là en détention, mis en examen pour le meurtre de son épouse. Jennifer C. se décide à lui rendre visite, entame toutes les démarches pour qu'ils puissent enfin se rencontrer au parloir. "Jusque-là, moi, j'avais quelqu'un qui clamait son innocence", raconte-t-elle.
Tout bascule au printemps, cette année: alors que Cédric lui confie sa "peur" à l'approche de son procès, elle l'interroge. "Mais c'est toi pour Delphine?" Le détenu aurait alors répondu "oui". "Qu'est-ce que t'as fait?", poursuit sa compagne. "Je l'ai étranglée", lui aurait-il dit, joignant le geste à la parole et mimant sur lui une strangulation. Lorsqu'elle le questionne sur les raisons de ce meurtre, toujours selon son récit, le mis en cause répond qu'avec le divorce à venir, "Delphine l'aurait fait chier avec la maison, avec les enfants."
Répondant aux questions des parties civiles, Jennifer C. relate un autre épisode, lors duquel Cédric Jubillar évoque la possibilité qu'elle puisse lui être infidèle: "Il me dit que si jamais je le trompe, je vais finir à côté de Delphine."
Cédric Jubillar nie en bloc tout aveu
La présidente questionne l'accusé sur le témoignage accablant de Jennifer C. A-t-il bien tenu ces propos face à elle? "Non, je n’ai jamais reconnu l’avoir tuée. Ça, elle l’invente complètement. Elle m’a posé la question plein de fois. Je lui ai dit 'écoute, ce n’est pas moi, maintenant, crois ce que tu veux'", répond-il.
Il poursuit en évoquant une possible volonté de "vengeance" de la part de son ex-compagne: "J’ai beaucoup insisté pour avoir du shit au parloir. Je pense qu’elle a dû se sentir manipulée, et du coup elle se venge en faisant ça." "Comment expliquez-vous que tant de gens mentent autour de vous?", l'interroge Me Mourad Battikh, côté parties civiles. "Je suis le coupable idéal. C’est l'effet des médias, j’ai été condamné avant même d’avoir été jugé", estime l'accusé.
"Je suis innocent, j'ai jamais fait de mal à Delphine. Je ne suis pas du tout coupable de ce dont on m'accuse", réaffirme-t-il depuis son box, comme depuis le début de son procès.
La présidente se tourne à nouveau vers Jennifer C., toujours connectée depuis le Gers: "Est-ce que vous mentez?" La réponse ne se fait pas attendre: "Non, je ne vous mens pas." Personne d'autre n'ayant assisté à leur échanges, la cour devra s'en tenir là. Parole contre parole.