Mort d'Yvan Colonna: en larmes, le directeur de la prison d'Arles s'explique devant les sénateurs

"Une attitude dégueulasse." Auditionné ce mercredi par la Commission des lois de l'Assemblée nationale, le directeur de la prison d'Arles où a eu lieu l'agression, est longuement revenu, parfois avec émotion, sur les conditions dans lesquelles l'assassinat d'Yvan Colonna s'est déroulé.
"Sur les images de vidéosurveillance, on voit que c’est très froid. (Son agresseur) se jette sur lui, sans un mot, rien. Aucune émotion. C’est hyper agressif", a relaté Marc Ollier, le directeur.
Yvan Colonna est mort le 21 mars dernier, soit dix-neuf jours après son agression par un codétenu au sein de la maison centrale d'Arles. Il y purgeait sa peine après avoir été condamné à la réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac en 1998. Son agresseur, Franck Elong Abe, qui était emprisonné pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme", a été mis en examen pour l'assassinat du militant indépendantiste. L'enquête a été confiée au parquet national antiterroriste (Pnat).
Le blasphème, un mobile "pas très crédible"
Interrogé plus précisément sur le motif qu'a brandi Franck Elong Abe face aux enquêteurs, Marc Ollier se montre peu convaincu: à ses yeux, l'agression d'Yvan Colonna n'a pas été motivée par une volonté de vengeance après des blasphèmes qu'il aurait proférés. "Ça ne me paraît pas très crédible. Yvan Colonna était ouvert sur toutes les religions. C’est une excuse", a-t-il affirmé
"Elong Abe, jusqu’au 2 mars, qui en avait entendu parler? Aucun de vous. Que pouvait-il faire pour être connu? Que Colonna ait blasphémé ou pas, peu importe. Il voulait se payer quelqu’un de connu", lance le directeur avant de s’interrompre, la voix étranglée par des pleurs.
"Excusez-moi, je suis ému, je ne connaissais pas Colonna, mais c’était un être humain", déclare-t-il, des larmes dans la voix.
"Impossible" de surveiller tous les détenus en même temps
Comment les deux détenus pouvaient-ils se trouver dans la même salle sans surveillance? À cette question, lancée à plusieurs reprises par des députés, Marc Ollier a répondu que le surveillant chargé de garder un oeil sur ce secteur avait à surveiller deux ailes avec des détenus dans des pièces différentes.
Ce jour-là, a-t-il précisé, l'agent avait choisi de se concentrer sur la deuxième aile, où ne se trouvait pas la salle de musculation, alors que des femmes, qui intervenaient dans la prison, se trouvaient avec des détenus bénéficiant d'un suivi psychiatrique. "S'il y avait eu une agression, elle aurait normalement dû se dérouler dans cette aile-là", a estimé le directeur.
"Nous avons douze ailes. Il est impossible de mettre un agent pour un, deux, trois ou quatre détenus particulièrement signalés (DPS), quels qu’ils soient. Si on veut qu’ils n’aient aucun contact, il faut les mettre à l’isolement, ce qui n’était justifié ni pour Yvan Colonna, ni pour Franck Elong Abe", a affirmé le directeur de la maison centrale d’Arles.
Franck Elong Abe, détenu "calme" et "courtois"
D'autant, ajoute l'ancienne directrice de l'établissement pénitentiaire, également auditionnée ce mercredi, que rien ne laissait présager d'une agression de Franck Elong Abe envers Yvan Colonna, les deux prisonniers entretenant des relations cordiales, voire amicales.
"Une mesure de séparation aurait eu du sens si on avait eu le moindre indice, le moindre doute sur une difficulté entre ces deux personnes, ce qui n’était absolument pas le cas. Monsieur Colonna et Monsieur Elong Abe se fréquentaient", a rappelé Corinne Puglierini, ancienne cheffe d'établissement.
Franck Elong Abe était "discret", "calme", "poli", "courtois", a rapporté l'ex-directrice ce mercredi, d'après les rapports des surveillants qui le côtoyaient quotidiennement. Une évolution plutôt positive qui a, selon elle, justifié son placement en détention ordinaire après une période d'isolement, puis son autorisation à travailler en tant qu'auxiliaire sport, dès septembre 2021. "Il donnait entière satisfaction dans ces fonctions", a assuré enfin Corinne Puglierini.