Intrusion violente au ministère de Benjamin Griveaux: cinq gilets jaunes jugés ce jeudi

Les officiers de police devant la porte dégradée du ministère de Benjamin Griveaux, à Paris, le 5 janvier 2019. - Bertrand GUAY / AFP
Une autre époque. Cinq gilets jaunes doivent être jugés ce jeudi au tribunal correctionnel de Paris pour avoir, à l’aide d’un transpalette de chantier, forcé l’entrée du ministère de Benjamin Griveaux, en janvier 2019. Ce dernier n’avait alors pas encore quitté son poste de porte-parole du gouvernement pour se lancer dans la course à la mairie de Paris, qui s’est achevée brutalement en février. Les week-ends étaient alors rythmés par des rassemblements de centaines de milliers de manifestants partout en France, à dix mille lieux des mesures actuelles liées au coronavirus.
Une attaque contre "la maison France"
Nous sommes au 8ème samedi de manifestation du mouvement des gilets jaunes, le 5 janvier. Il est environ 16h30, quand, au 11 boulevard de Grenelle, dans le VIIe arrondissement de Paris, une dizaine d’individus, certains vêtus de noir, d’autres du fameux gilet fluorescent, enfoncent les portes en bois de l’hôtel de Rothelin avec un chariot élévateur abandonné dans une rue adjacente. Certains manifestants pénètrent dans la cour d’entrée, brisent les vitres de deux voitures et s’enfuient avant que les forces de l’ordre n’aient le temps d’intervenir.
Benjamin Griveaux, alors en entretien avec des journalistes, est très rapidement exfiltré et dénonce aussitôt un acte “grave”, fait "d’une minorité qui appelle à l’insurrection", qui s’est attaquée “à la maison France."
"C’est la République qui a été attaquée, ses institutions et la forme démocratique du gouvernement."
"Excité par une foule en délire"
Cinq semaines plus tard, six individus sont interpellés en région parisienne et dans le Nord, confondus par des analyses ADN et des vidéos de témoins. Âgés entre 21 ans et 54 ans, aucun d'entre eux n’est connu par les services de police pour des faits de violence.
Ils sont ouvriers, agents d’accueil ou sans emploi et n’appartiennent pas à la mouvance radicale. Deux personnes sont ensuite relâchées, tandis que quatre autres sont jugées pour vol et dégradations aggravées. Ils encourent dix ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende. Seul l’un d’entre-eux, Romain M., reconnaît les faits, avouant avoir été "excité par une foule en délire". Il nie en revanche avoir su que le bâtiment abritait le ministère.
Finalement, le procès est renvoyé à plusieurs reprises, d’abord à la demande de la défense, puis pour des irrégularités dans la procédure. Un cinquième individu est arrêté à la rentrée, ce qui pousse le tribunal à ordonner la jonction des deux dossiers et entraîne un quatrième renvoi en décembre. Et plus de 14 mois après les faits, un cinquième renvoi se profile. Plusieurs avocats de la défense, dont Maître Martin Mechin, vont en effet demander un nouveau renvoi, étant actuellement en grève contre la réforme des retraites très critiquée par la profession.
La "montée d’adrénaline" de Juan Branco
Cet avocat de la défense fustige plus globalement la rapidité avec laquelle le parquet a voulu juger l’affaire et "une enquête qui n’a pas permis d’identifier les personnes ayant commis les actes", malgré "un dossier lourd de plus de 1000 pages", déplore-t-il auprès de BFMTV.com. L’avocat de Romain M. Maître Manuel Abitbol, ne s’opposera pas au renvoi, mais ne le soutiendra pas.
"Mon client reconnaît l’intégralité des faits depuis sa première garde à vue, il a hâte d’en finir", nous explique t-il.
Rue de Grenelle ce jour-là, dans la "foule en délire" décrite par Romain M., un autre avocat était présent: un certain Juan Branco.
"Soudain, on a vu arriver le Fenwick. On n'en croyait pas nos yeux. Quand il a défoncé la porte du ministère, j'ai ressenti une énorme montée d'adrénaline, une joie carnavalesque. C'était jouissif", avait-il confié à L’Express, bien avant l’affaire de la vidéo sexuelle de Benjamin Griveaux.