Dekhar: "Une action anarchiste individuelle"

Abdelhakim Dekhar, vendredi 15 novembre, à l'arrêt de tram en face des locaux de BFMTV. - -
Abdelhakim Dekhar a été interpellé mercredi soir, quelques jours après avoir fait irruption armé, vendredi 15 novembre, dans les locaux de BFMTV, et après avoir tiré, lundi 18 novembre, sur un assistant photographe à Libération, avant d'ouvrir le feu devant le siège de la Société Générale à la Défense. Il a laissé deux lettres assez délirantes. De l'une d'elles se dégage une idéologie politique où se mêlent critique du capitalisme et évocation de la Libye, de la Syrie. Le texte se conclut sur des paroles du Chant des partisans.
Christophe Bourseiller, spécialiste des mouvements d'extrême gauche, analyse pour BFMTV le discours politique d'Abdelhakim Dekhar.
Quelle est son appartenance politique?
C'est l'acte individuel d'un homme désespéré. Son discours politique s'inscrit dans le courant autonome, mais en même temps, c'est l'acte d'un homme seul. C’est plutôt une action à relier aux actions anarchistes individuelles insurrectionnalistes de la fin du XIXe siècle. On retrouve là cet élément de l’anarchiste solitaire qui veut marquer les esprits par un acte qu’il commet sans aucune organisation préétablie.
On est fort loin d'une cellule révolutionnaire. C'est plutôt la dérive d'un ancien révolutionnaire qui se retrouve seul.
Qu'est-ce que le mouvement autonome?
C'est un mouvement qui s'illustre aujourd'hui beaucoup dans l'écologisme radical, on le voit aussi en bordure des rassemblements altermondialistes. Ils sont partie prenante de cet antifascisme radical, qu'on a vu lors du tragique décès de Clément Méric. Les militants antifascistes les plus radicaux sont souvent enclins à la cogne. Ce sont des gens qui viennent de cette mouvance autonome.
C'est une toute petite mouvance, dont les théoriciens considèrent qu'il faut dépasser le mode organisationnel traditionnel, inventer quelque chose de nouveau en critiquant l'embourgeoisement de l'extrême gauche traditionnelle.
Dekhar a-t-il influencé Florence Rey et Audry Maupin?
Je ne pense pas qu'il ait les capacités intellectuelles d'influencer Florence Rey et Audry Maupin, qui étaient déjà des gens assez structurés politiquement. C'était plutôt un camarade de lutte. Chez les autonomes, qui pratiquent une surenchère par rapport à l'extrême gauche traditionnelle, il y a des intellos et aussi des cogneurs. Lui était plutôt du côté de ceux qui étaitent fascinés par cette violence ou mus par cette colère.
Est-il toujours lié au mouvement autonome?
Il est allé au bout d'un processus personnel. Un psychologue pourrait en parler, plus qu'un spécialiste de l'extrême gauche. Mais c'est un acte qui s'inscrit dans une tradition révolutionnaire individuelle.
Il semblerait qu'il se soit éloigné du milieu autonome et qu'il ait poursuivi une trajectoire totalement personnelle. On ne l'a pas vu à Tarnac par exemple. Il est maintenant d'une autre génération. Il serait intéressant de savoir ce qu'il a fait pendant tout ce temps. Il semble qu'il ait nourri une sorte de désespoir qui s'est accumulé. Dans son acte, il y avait quelque chose de suicidaire. Il a presque tout fait pour qu'on le repère.