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Coups de couteau, chasse à l'homme et fusillade: ce que l'on sait de l'attaque de La Chapelle-sur-Erdre

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Un homme a poignardé une policière municipale ce vendredi matin à La Chapelle-sur-Erdre, en Loire-Atlantique. Après sa fuite, il a provoqué une fusillade - qui lui a finalement coûté la vie - avec les gendarmes. Son profil est complexe, mêlant radicalisation islamiste, prison et lourds troubles mentaux.

Une policière en état d'urgence absolue mais dont le pronostic vital n'est heureusement pas engagé, deux gendarmes légèrement blessés, un troisième choqué, et un assaillant qui a succombé à ses blessures. Mais ce bilan succinct ne permet pas de retracer tout à fait l'ampleur des événements qui ont agité la commune de La Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes (Loire-Atlantique) ce vendredi.

Déroulement des faits, moyens employés, profil de l'assaillant... BFMTV.com fait le point sur la situation et les premières investigations après l'équipée meurtrière qui a bouleversé la petite ville de Loire-Atlantique.

· Une policière municipale poignardée, un homme en fuite

Les faits commencent à 10h ce vendredi matin. Un homme se présente dans le bureau de la police municipale de la petite commune de la banlieue nantaise, arguant d'un problème à régler en relation avec un véhicule, comme le procureur de la République de Nantes l'a détaillé lors de sa conférence de presse dans la soirée. L'individu s'en prend à la policière qui lui fait face, il la poignarde à plusieurs reprises. Celle-ci est grièvement blessée à la main et aux jambes. Si elle parvient à sauver sa vie, elle est admise à l'hôpital dans un état d'urgence absolue, sans pour autant que son pronostic vital ne soit engagé.

Son agresseur, qui lui a pris son arme de service, sort des locaux après avoir menacé deux personnes venues au secours de la policière et ayant tenté de le maîtrisé. Hors des locaux, il croise la route d'un autre polciier municipal qu'il tente de poignarder à son tour. Mais la lame heurte le gilet pare-balle de l'agent et la lame se brise. Le policier échoue cependant à l'immobiliser et l'agresseur grimpe dans sa voiture. Il abandonne finalement son véhicule, qui a été retrouvé accidenté toujours sur le territoire de la localité.

· Le forcené séquestre une jeune femme dans son logement pendant 2h30

Vendredi soir, au cours de sa conférence de presse, le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès, a produit une révélation de taille. Entre sa fuite à pied après son accident automobile et son face-à-face avec les gendarmes, le forcené a trouvé refuge dans un logement privé, au sein d'une zone résidentielle située une trentaine de mètres seulement derrière les locaux de la gendarmerie.

"En réalité, cet individu dans sa fuite va se réfugier dans un logement privé vers 10h40, dans une zone située une trentaine de mètres derrière la brigade de gendarmerie. Une jeune femme vit dans ce logement, il la séquestre pendant 2h30", a indiqué le magistrat. Ce huis-clos entre l'assaillant et la jeune femme va donc s'étirer jusqu'à 13h10.

· Plus de 200 gendarmes engagés dans la traque

Pendant ce temps, la fuite de cet homme que l'on sait armé et dangereux pousse les autorités à prendre des mesures d'urgence. Les riverains sont appelés, via une communication de la gendarmerie, à "éviter le secteur" et à "respecter strictement les consignes des gendarmes". Les militaires appellent quant à eux à ne pas quitter son domicile le temps de l'intervention, et à ne pas ouvrir à quelconque inconnu. Les élèves sont calfeutrés dans les écoles.

D'intenses recherches sont lancées pendant environ 3 heures pour mettre la main sur le fuyard: 240 gendarmes sont engagés, dont le GIGN (Groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale) de Nantes, ainsi que trois équipes cynophiles. Deux hélicoptères surveillent l'endroit depuis le ciel.

· Le suspect tué au terme d'une fusillade

Toujours dissimulé dans le logement dont il séquestre la locataire, le suspect sort sur le balcon de l'appartement. Là démarre une nouvelle séquence de cet enchaînement délétère. "Sur les coups de 13h10 il va sur le balcon et aperçoit l’enceinte de la gendarmerie, protégée par les gendarmes. Depuis le balcon, il va commencer à ouvrir le feu sur les gendarmes", a précisé le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès. ce premier échange de tirs - également nourri par les ripostes de sgendarmes - ne fait aucun blessé. "Il rentre dans l’appartement, en sort, passe dans l’escalier extérieur, descend, enjambe le mur d’enceinte et se retrouve dans un champ jouxtant la gendarmerie", a continué le magistrat.

Mais l'assaillant est résolu à ne pas se laisser appréhender. Il ouvre le feu sur les gendarmes, avec l'arme qu'il avait subtilisée à sa victime. "L’hélicoptère de la gendarmerie filme la scène. On le voit clairement projeter son arme à bout de bras, mettre en joue les gendarmes et tirer, au moins trois coups de feu et peut-être quatre".

L'un des gendarmes est atteint au coude, l'autre au niveau du genou. Une troisième balle vient se ficher dans un gilet pare-balles. L'assaillant est quant à lui sérieusement touché à l'abdomen lors de cet échange de tirs. Neutralisé, il est interpellé mais les secours, dépêchés sur place, ne peuvent rien pour lui. Il meurt quelques instants plus tard.

· Schizophrène, radicalisé: un suspect au profil complexe

On ignore, à ce stade de l'enquête, si l'auteur des faits a dit quelque chose lors de la fusillade. Son identité était de toutes façons connue des enquêteurs dès les premiers instants de sa traque. Cet individu était âgé de 39 ans, de nationalité française, d'après nos informations, d'abord recueillies auprès de sources policières puis confirmées par Gérald Darmanin, au cours d'un point-presse du ministre de l'Intérieur sur place.

Comme l'a révélé le procureur de la République de Nantes dans la soirée, l'assaillant avait été condamné à plusieurs reprises et à diverses peines de prison. Dernièrement, il était sorti le 22 mars dernier d'un séjour en prison long de huit ans. Écroué le 9 mars 2013 puis condamné le 7 octobre 2015 par la Cour d'assises de Nord pour vol aggravé, il a purgé la peine de huit ans de prison prononcée à son encontre dans son intégralité, sans bénéficier d'aucun aménagement de peine, comme l'a rappelé le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti vendredi après-midi.

Mais le profil de cet homme, auteur de multiples faits relevant du droit commun, est plus complexe qu'il n'en a l'air. Ainsi, d'évidents troubles psychiatriques ont motivé la mention d'un suivi socio-judiciaire dans la perspective de sa future libération: un dispositif comportant une obligation de soins. En 2016, il avait été diagnostiqué "schizophrène sévère", une expression reprise par le ministre de l'Intérieur lui-même. L'homme se disait entre autres "possédé par le mal".

Un second volet, religieux celui-là, vient encore compliquer son parcours. Sa radicalisation islamiste a été observée à partir de cette même année 2016 par le renseignement pénitentiaire. L'homme affichait une pratique rigoriste de l'islam, et y joignait des provocations verbales liées à sa vision de sa foi. Son fanatisme était "pris en compte" par les services concernés depuis mars. Surtout, son profil avait été inscrit au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (le FSPRT).

· Un suivi socio-judiciaire auquel le suspect participait "activement"

Selon nos informations, livrées par une source proche de l'enquête, le suivi socio judiciaire auquel il avait été condamné en 2015 a été mis en place immédiatement, obligation de soins comprise, à sa libération. Il était également accompagné par une association en lien avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation. Il avait retrouvé un travail.

"Un contrôle socio-judiciaire a été mis en œuvre pour contrôler l’individu", a confirmé le procureur de la République Pierre Sennès. "Ce suivi avait deux finalités: une finalité sociale pour l’accompagner et l’aider à une recherche d’hébergement, et une association lui a effectivement trouvé un logement à la Chapelle-sur-Erdre. La seconde finalité était de veiller à une injonction de soins".

Ce contrôle a été confié dès le mois d'avril à un médecin coordonnateur, désigné par le juge d'application des peines. "Il a été établi qu'il participait activement à son suivi, collaborait à ses obligations et suivait scrupuleusement les soins", a noté le procureur vendredi soir, évoquant le comportement le suspect au cours des dernières semaines. "Le suivi me paraît tout à fait satisfaisant", a ajouté Pierre Sennès.

· Le parquet antiterroriste sur la réserve

Ce parcours chaotique et complexe interpellent les enquêteurs. Ceux-ci ont une expression pour ces cas mêlant psychiatrie et dérive religieuse: les "dossiers camisoles". La difficulté à faire la part de la responsabilité de l'individu ou de l'altération voire abolition de son jugement contraint le parquet national antiterroriste à maintenir à ce stade une attitude prudente. Il analyse encore la situation, et réserve sa décision quant à sa volonté de se saisir ou non des investigations.

Celles-ci reposent donc sur la section de recherches de Nantes, et sont par conséquent placées sous la responsabilité du parquet du chef-lieu de la Loire-Atlantique. L'enquête prote sur la tentative de meurtre de la policièree municipale, la tentative d emeurtre sur les militaires mais aussi la séquestration de la jeune femme. Le parquet national antiterroristes (PNAT) ne s'est à ce stade pas saisi de l'enquête. mais la situation pourrait évoluer dans les heures qui viennent.

"La question est de savoir si ces faits ont été commis dans un contexte de radicalisation et sont susceptibles de recevoir une qualification pénale en lien avec une radicalixsation et si, par conséquent le parquet antiterroriste doit être saisi", a remarqué le procureur de la République qui a souligné qu'il était en contact constant avec le PNAT.

Il a pointé les éléments qui pourraient amener une nouvelle analyse des faits, et donc un déssasissement du parquet de Nantes pour une saisie du parquet national antiterroriste: "Nous n’avons pas encore la déposition de la policière municipale, nous n’avons pas le témoignage de cette jeune femme séquestrée pendant 2h30". Les deux femmes n'étaient en effet pas encore en état d'être entendues.

· L'exécutif réagit au drame

Alors que les faits-divers laissant pour victimes des membres des forces de l'ordre se succèdent dans l'actualité, que le "Beauvau de la sécurité" rassemble représentants syndicaux policiers et ministres de la Justice et de l'Intérieur, le sommet de l'Etat n'a pas tardé à réagir au drame. Emmanuel Macron lui-même, actuellement en déplacement en Afrique du Sud, a eu une "pensée" pour la policière municipale.

Jean Castex a eu l'occasion d'être plus disert sur son compte Twitter:

"À l'ensemble des militaires de la gendarmerie mobilisés pour appréhender l'auteur de la lâche attaque perpétrée ce matin à La Chapelle-sur-Erdre, je veux dire ma gratitude et la profonde reconnaissance de la Nation. Mes premières pensées vont à la policière municipale qui a été grièvement blessée: elle a tout mon soutien et je veux lui faire part de la solidarité de l’ensemble du Gouvernement".

Gérald Darmanin, pensionnaire de la place Beauvau, s'est rendu à La Chapelle-sur-Erdre dans l'après-midi, accompagnée par Sarah El Haïry, secrétaire d'Etat à la Jeunesse et surtout conseillère municipale de Nantes. S'il s'est exprimé sur le fond du dossier, les faits, et la trajectoire marquée par le criminel, il a aussi salué: "La policière municipale a été courageuse et a su se protéger avec les moyens qu'elle avait. Elle va survivre et c'est une très bonne chose".

Enfin, le Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a également fait face aux caméras, depuis la commune de Bures-sur-Yvette dans l'Essonne où ses fonctions l'ont amené ce vendredi. Soucieux de décourager l'émergence d'une éventuelle controverse, il a rappelé quelques éléments et principes du droit: "L'auteur avait purgé sa peine, elle n'a na pas été aménagée. (...) Il a honoré tous les rendez-vous qu'il avait avec l'institution judiciaire, avait un domicile et un travail. (...) S'il y a des failles, elles apparaîtront au cours de l'enquête." "Dans notre pays, quand un homme a purgé sa peine, il a purgé sa peine", a-t-il posé.

Le service police-justice de BFMTV avec R.V.