Charlie Hebdo: un suspect s'est rendu, deux frères traqués, deuil national

Une pancarte "Je suis Charlie", brandie lors d'une mobilisation à Marseille mercredi soir. - Anne -Christine Poujoulat - AFP
C'est le plus grave attentat en France depuis plus d'un demi-siècle. Deux hommes lourdement armés ont attaqué mercredi le journal satirique Charlie Hebdo à Paris, aux cris de "Allah akbar", tuant douze personnes dont les dessinateurs Cabu et Wolinksi. Le président de la République, François Hollande, a décrété une journée de deuil national jeudi. Mercredi soir, alors qu'une traque d'envergure avait lieu pour retrouver les auteurs de l'attaque, des rassemblements avaient lieu partout en France en hommage aux victimes. Le point sur ce qu'il faut retenir de cette journée.
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> Un suspect s'est rendu, appel à témoins pour deux frères recherchés
Le plus jeune des trois suspects recherchés par les forces de police et de gendarmerie s'est rendu spontanément vers 23h mercredi soir au commissariat de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, après avoir découvert, selon ses dires, qu'il était traqué et que son nom circulait sur les réseaux sociaux.
Peu après, dans la nuit de mercredi à jeudi, la police a diffusé un appel à témoins comportant les photos et les identités de 2 frères, Chérif et Saïd Kouachi, âgés respectivement de 32 et 34 ans. "Ces personnes, susceptibles d'être armées et dangereuses, font l'objet de mandats de recherche du Parquet de Paris dans le cadre de l'enquête diligentée suite à l'attentat commis le 7 janvier 2015 au journal Charlie Hebdo", indique l'appel à témoins, assorti d'un numéro vert, le 0805 02 17 17, joignable 7 jours sur 7 et 24h sur 24, pour toute information à apporter aux forces de l'ordre.
> Traque d'envergure, opération de police à Reims
Plusieurs milliers de policiers et gendarmes étaient lancés mercredi soir dans une traque d'envergure pour mettre la main sur les auteurs en fuite de l'attaque contre Charlie Hebdo, une véritable course contre-la-montre. Une opération de police avec le Raid avait lieu en fin de soirée à Reims.
Les noms de trois hommes recherchés, dont deux frères, circulaient depuis le début de la soirée, sans aucune confirmation officielle. "Trois criminels" sont "à l'origine" de l'attaque contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, avait déclaré plus tôt le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, à l'issue d'une réunion de crise à l'Élysée.
Dans le cadre de l'enquête sur l'attaque, des policiers ont mené mercredi des perquisitions à Reims, Strasbourg et dans plusieurs villes de la région parisienne, des opérations qui n'avaient donné lieu à aucune interpellation en milieu de soirée, selon des sources policières.
> 12 morts
L'attaque a fait 12 morts et 11 blessés, dont 4 sont dans un état jugé critique, selon le dernier bilan annoncé par François Hollande dans la soirée. Selon un survivant, les agresseurs, cagoulés, vêtus de noir et armés de kalachnikov, ont fait irruption vers 11h30 en pleine conférence de rédaction et crié: "Nous avons vengé le prophète!" et "Allah akbar". Les assaillants ont ensuite pris la fuite en voiture, braqué un automobiliste et percuté un piéton.
Charb, Wolinski, Cabu, Tignous et Honoré, figures historiques de "Charlie", connus pour leurs dessins irrévérencieux, ont été tués, ainsi que l'économiste et chroniqueur Bernard Maris. Mais aussi Frédéric Boisseau, agent d'entretien, Franck Brinsolaro, brigadier au service de la protection, Elsa Cayat, psychanalyste et chroniqueuse, Ahmed Merabet, agent de police, Mustapha Ourrad, correcteur, Michel Renaud, ancien directeur de cabinet du maire de Clermont.
Selon l'urgentiste Patrick Pelloux, chroniqueur de l'hebdomadaire, le dessinateur Riss, directeur de la rédaction de "Charlie", mais aussi deux journalistes dont Philippe Lançon, ont été blessés mais leur pronostic vital n'était pas engagé. Deux policiers ont également été abattus. L'un d'entre eux assurait la protection de Charb, selon une source proche de l'enquête. L'autre, blessé et à terre, a été tué à bout portant par l'un des assaillants lors de sa fuite, criant "On a tué Charlie Hebdo", selon une vidéo amateur authentifiée par les enquêteurs.
Symbole d'une presse libre, frondeuse et anticléricale, l'hebdomadaire satirique était visé par des menaces constantes et faisait l'objet d'une protection policière depuis la publication de caricatures de Mahomet fin 2011, a rappelé son avocat Richard Malka. Le siège du journal avait été détruit dans un incendie criminel à cette époque.
> Deuil national jeudi
"La France est aujourd'hui devant un choc", le choc "d'un attentat terroriste", a réagi François Hollande sur place peu après le drame. "C'est la République toute entière qui a été agressée", a lancé le chef de l'Etat, "la République, c'est la liberté d'expression (...), la culture, la création, le pluralisme". Une condamnation partagée par toute la classe politique.
Le président de la République a par ailleurs annoncé lors d'une allocution solennelle à 20 heures à l'Elysée une journée de deuil national jeudi. Les drapeaux seront en berne pendant trois jours et une minute de silence aura lieu à midi dans les services publics et les écoles. La cathédrale Notre-Dame sonnera le glas au même moment. Le chef de l'Etat recevra Nicolas Sarkozy jeudi à 9h30, suivi d'autres chefs de partis politiques français.
Le niveau du plan Vigipirate a été immédiatement relevé à la mi-journée au niveau le plus élevé en Ile-de-France et les sorties scolaires suspendues. Selon l'Intérieur, près de 500 CRS et gendarmes mobiles ont été déployés en renfort dans la capitale. Des vigiles notamment ont été postés en renfort dans les grands magasins alors que les soldes ont commencé mercredi matin, des militaires dans les gares, et des policiers en arme devant les médias.
> Des rassemblements partout en France
L’attaque a immédiatement provoqué une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Dès l'annonce de l'attentat sanglant contre Charlie Hebdo, des milliers d'internautes ont exprimé leur émotion sur la Toile, symbolisée par le hashtag #jesuisCharlie, relayant des appels au rassemblement à Paris et en province en soutien à l'hebdomadaire satirique.
Arborant un autocollant noir ou une pancarte "Je suis Charlie", largement plus de 100.000 personnes se sont rassemblées dès la fin d’après-midi dans toute la France pour rendre hommage aux victimes, selon un décompte de l'AFP. A Paris, 35.000 personnes se sont réunies sur une place de la République noire de monde, non loin du siège de la rédaction de Charlie Hebdo, selon la préfecture de police. Ils étaient entre 13 et 15.000 à Rennes, entre 10 et 15.000 à Lyon, 10.000 à Toulouse, 7.000 à Marseille et 5.000 à Nantes, Grenoble et Bordeaux, selon des chiffres de la police dans ces différentes villes.
> Vague d'indignation dans le monde
Les réactions ulcérées se sont aussi multipliées dans le monde. Mercredi après-midi, le hashtag #jesuisCharlie était en tête des recherches mondiales sur Twitter, et des rassemblements ont eu lieu dans la soirée dans plusieurs villes (New York, Bruxelles...).
De Tokyo à Washington, de Moscou au Qatar, les responsables et chefs d'Etat du monde entier ont multiplié les messages de soutien à la France et exprimé leur révulsion. Le président des Etats-Unis Barack Obama a notamment exprimé à Hollande "la solidarité" des Etats-Unis et le secrétaire d'État John Kerry a assuré, en français, que "les Parisiens et tous les Français" avaient le soutien des Américains. La reine Elizabeth II a adressé ses "sincères condoléances aux familles" des victimes. Vladimir Poutine a "marqué son soutien à la France dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme". Le Conseil de sécurité de l'ONU a dénoncé un attentat "lâche et barbare", et Angela Merkel l'a qualifié d'"abominable".